Benchmark des Plateformes de Gestion de la…
Le développement des technologies numériques a profondément bouleversé les attentes et les habitudes des consommateurs, notamment dans le secteur de l’habitat. Face aux nouvelles opportunités offertes par le digital, comment le logement social peut-il réinventer ses relations avec ses "clients" ?
L’immobilier social français correspond à un parc de 4,8 millions de logements habités par 10 millions de personnes[1]. Les organismes bailleurs sociaux – OPH[2], ESH[3] et Coopératives – ont pour principale mission la construction (ou l'acquisition) et la gestion de logements destinés à des populations modestes, dont l'attribution de ces logements locatifs sociaux dans un cadre réglementaire à travers les commissions d'attribution des logements (CAL).
Les évolutions du cadre législatif imposent à la fois un développement et une évolution de l’offre de logements sociaux (loi Egalité et Citoyenneté, projet de loi ELAN) et une contrainte financière pour les bailleurs : la réforme des aides au logement et de la politique des loyers dans le parc social, inscrite dans la Loi de Finances pour 2018, instaure en effet une réduction de loyer de solidarité (RLS)). Ces évolutions imposent aux bailleurs sociaux de revoir leurs modèles organisationnels ainsi que leur modèle économique pour maintenir leur capacité d'autofinancement.
Avec seulement 12% qui déclarent ne jamais se rendre sur la toile, Internet est devenu incontournable dans le quotidien des Français[4]. Smartphone, tablettes, ordinateurs… l'accès à Internet s'effectue via des supports multiples qui permettent aux individus d'être connectés en permanence ou presque !
Tous les acteurs professionnels, publics ou privés, intègrent désormais le numérique au cœur de leur stratégie de relation client (ou usager) et les usages tendent à se diversifier: e-administration, informations en temps réel et implication des habitants dans le quotidien de leur commune dans le cadre des smart cities (remontée sur les dysfonctionnements d'équipements ou les voiries abîmées , recherche de places de parking disponibles…) ne sont que des illustrations parmi un nombre exponentiel.
Le secteur de l'habitat social, marqué par sa mission d'intérêt public, doit également s'approprier ces nouveaux usages et faire évoluer son offre de services pour améliorer l'expérience client mais également moderniser ses processus et ses modes de fonctionnement internes.
En effet, les attentes des locataires du parc social suivent cette tendance : ils souhaitent davantage de réactivité (instantanéité et personnalisation des réponses), d’autonomie dans leurs démarches et de nouveaux modes de communication avec leur bailleur (multicanalité).
Dans un contexte concurrentiel de plus en plus prégnant entre les bailleurs, la qualité du service rendu et des parcours résidentiels constituent des facteurs différenciants non négligeables.
Les outils numériques constituent également un levier clé pour renforcer le lien entre bailleurs et habitants et concourir de manière plus globale à l'amélioration de l'environnement du quartier, dans le cadre du développement des villes intelligentes de demain.
Ainsi, le numérique est une occasion unique de transformer les usages des bailleurs sociaux et leurs relations avec leurs « clients ». Au-delà de l’amélioration de la qualité du service client, le numérique permet une optimisation des processus et donc des coûts de gestion mais aussi du temps de vacance d’un logement entre deux baux. Le numérique offre également une visibilité accrue aux bailleurs sociaux, augmentant leur notoriété dans un contexte de concurrence accrue.
Lors de la recherche de logement, l’instauration de plateformes de recherches multicritères par rapport à l’environnement du logement (transports en commun, écoles, commerces…) ou le calcul du temps de trajet lieu de travail/domicile facilite la prise de décision du futur locataire, tout comme la possibilité d’organiser des visites virtuelles des locaux. La mise en place d’un site de review, alimenté par les commentaires et les photographies des autres utilisateurs, permet un accès complet à l’information pour le futur locataire.
L’enregistrement de la demande de logement ainsi que la constitution du dossier de candidature en ligne – et la possibilité d’y suivre l’évolution de son dossier – simplifient les démarches du demandeur de logement mais aussi du bailleur et accélèrent le processus.
Une fois le logement sélectionné, le bail numérique (figurant dans le projet de loi ELAN) et l’archivage en ligne des photos prises lors de l’état des lieux sécurisent le contrat entre le locataire et le bailleur.
Tout au long de la vie du bail, le numérique va permettre un suivi renforcé et personnalisé du locataire tout en créant un espace de vie dématérialisé.
Le locataire va ainsi pouvoir adresser ses demandes au bailleur (travaux, réclamations, gestion des moyens de paiement du loyer…) par des canaux de communication diversifiés (multicanalité) comme les réseaux sociaux, un extranet ou encore une application dédiée.
Dans le but de renforcer le lien social entre bailleurs et locataires et entre locataires d’un même immeuble ou quartier, les bailleurs sociaux peuvent développer des partenariats avec des acteurs de l’économie collaborative ou des starts-up. La plate-forme d’échanges de services locaux Smiile propose ainsi une offre dédiée aux bailleurs avec pour objectif d’animer une démarche collaborative avec les locataires et de créer du lien social au sein des résidences. Cette plateforme permet aussi bien au bailleur qu’à ses locataires d’alerter en temps réel, de remonter des incidents, d’effectuer des sondages ou encore de monter des événements.
Le numérique permet également de renforcer les dispositifs préexistants en les améliorant et en maitrisant leurs coûts. Le développement de loge de gardiennage connectée en est un bon exemple. En mettant à leur disposition une application, les gardiens peuvent qualifier et lancer une demande d’intervention. Les intervenants qualifiés sont ensuite alertés en fonction de leur proximité géographique du lieu d’intervention et le premier disponible accepte l’intervention. Le demandeur est ensuite prévenu de l’identité de l’intervenant et du délai d’intervention.
Enfin, le numérique permet une gestion facilitée du parc immobilier à moindre coût et donc une amélioration du cadre de vie pour les résidents.
Lille Métropole Habitat expérimente depuis 2017 un boitier intelligent qui donne la possibilité aux locataires de comparer leur consommation énergétique avec leurs voisins et d’alerter le bailleur en cas d’anomalies. Les besoins d’intervention sont enregistrés en temps réel et la consommation énergétique des locataires est maitrisée.
Le BIM (Building Information Modeling) met à disposition des bailleurs les données sur leur parc immobilier afin d’avoir une vision complète et d’en faciliter la gestion. Le développement de la maintenance prédictive permet de prioriser les interventions de maintenance, d’anticiper les changements d’appareils et de détecter les consommations énergétiques anormales.
Si le numérique constitue une réelle opportunité de développer la relation avec les locataires, il ne doit cependant pas constituer un mode de contact unique au détriment des échanges plus classiques (téléphonique, papier, présentiel) auxquels les locataires restent profondément attachés, et sous peine d'accroître la fracture numérique entre les populations. Celle-ci touche tout particulièrement les personnes âgées (parfois réticents ou en difficulté pour se former aux nouvelles technologies) et les ménages aux revenus modestes n’ayant pas toujours les moyens financiers pour s’équiper[5].
Même si la situation devrait s'arranger avec le plan France Très Haut Débit du gouvernement qui vise 100% de la population couverte en 2022, certains territoires demeurent (encore) mal raccordés à Internet et 11% des internautes français sont « inéligibles à un internet de qualité et ce « majoritairement dans les petites communes »[6].
Le numérique représente un outil puissant au service des professionnels de l'habitat social et de ses bénéficiaires. Alors que les starts-ups et les acteurs économiques ne cessent de proposer de nouvelles technologies avec des nouveaux usages à foison, le numérique offre plus que jamais de réelles perspectives de développement, mais ne peut se faire au détriment complet de modes d'interactions physiques. Il est donc essentiel de repenser le modèle économique des bailleurs sociaux en plaçant au cœur de leur stratégie une réflexion sur le locatif social de demain qui prend en compte ces canaux
[1] Chiffres 2016
[2] Offices Publics de l’Habitat
[3] Entreprises Sociales pour l’Habitat
[4] CGE, ARCEP et Agence du numérique (2017), Baromètre du numérique 2017
[5] Si aucune étude spécifique au taux d’équipement numérique dans le secteur du logement social n’a été menée, les bailleurs citent régulièrement le manque d’équipement des locataires comme frein au développement des outils numériques : cf. Respublica, Atelier des giboulées (2014), L’usage du numérique dans la relation bailleurs sociaux – locataires
[6] UFC – Que Choisir (2017), Transition vers le très haut débit L’inadmissible amplificateur de la fracture numérique !
Les sources
CGE, ARCEP et Agence du numérique (2017), Baromètre du numérique 2017
Habitat & Territoires Conseil (2017), La transition numérique : un enjeu incontournable pour la qualité de service dans le logement social, (consulté le 09/01/2018)
Hermann, G. (2016), « Lille Métropole Habitat à la pointe de la recherche sur la réduction des charges », La Tribune, (consulté le 10/01/2018)
Nardin, M. (2017), « Les 3 défis numériques pour le bailleur de demain », Les Echos, (consulté le 09/01/2018)
Rouxel, D. (2018), « Les acteurs du numérique doivent aider les bailleurs sociaux dans leur mission », Le Monde, (consulté le 09/01/2018)
Respublica, Atelier des giboulées (2014), L’usage du numérique dans la relation bailleurs sociaux – locataires
L’Institut HLM de la RSE (2017), Pour une transition numérique responsable, (consulté le 09/01/2018)
BIM et patrimoine : de nombreux avantages en exploitation (2016), Batiactu, (consulté le 11/02/2018))