La reconversion, parent pauvre des politiques d…
le Conseil de l’Union Européenne arrête sa position concernant les dispositions transitoires permettant d’atténuer les effets négatifs d’IFRS 9 sur le capital réglementaire et l’EBA[1] publie les résultats de sa seconde évaluation des impacts qualitatifs et quantitatifs d’IFRS 9 auprès de 50 banques
Lors de la session du Conseil « Affaires économiques et financières » du 16 juin 2017, le Conseil de l’Union Européenne a présenté une proposition d’amendement au Capital Requirement Regulation (CRR) permettant aux banques d’étaler les effets négatifs de la first-time application du nouveau modèle de dépréciation sous IFRS 9 sur les fonds propres réglementaires sur une période transitoire de 5 ans.
Dans la foulée, l’EBA a publié les résultats de sa seconde enquête sur les impacts d’IFRS 9 sur les banques européennes le 13 juillet 2017 après une première enquête en novembre 2016. Ces précisions sont les bienvenues alors que les chantiers autour des modélisations et de la mise en place des processus de production sont bien avancés dans la majorité des banques européennes car l’heure est maintenant à la projection des impacts financiers et réglementaires du nouveau modèle de dépréciation sous IFRS 9, notamment sur le résultat et les fonds propres.
La question du traitement prudentiel des provisions comptables doit impérativement être adressée dans le cadre du 2ème volet d’IFRS 9 étant donné que le capital réglementaire et plus particulièrement le Common Equity Tier 1 (CET1) seront directement impactés par le nouveau modèle de dépréciation en 3 phases basé sur l’identification de l’augmentation significative du risque attendu (expected credit losses – ECL).
Au cours de la crise financière, la comptabilisation des pertes avérées sur les créances, les prêts et autres instruments financiers ont été à l’origine des reconnaissances de dépréciation jugées trop tardives. Dans le cadre du 2ème volet d’IFRS 9, les multiples modèles de valorisation des pertes subies sous IAS39 sont remplacés par un unique modèle de dépréciation des instruments financiers fondé sur l’étude de données historiques ainsi que sur l’introduction d’une dimension prospective et construit en 3 phases de dépréciation :
L’un des principaux enjeux de cette nouvelle mise en place est l’appropriation des notions d’augmentation significative du risque et de pertes attendues. Comme le souligne Véronique Mathaud, Directrice des Programmes IFRS 9 phase 2 au sein de la Société Générale[2], les concepts IFRS sont à la fois proches des concepts bâlois mais différents dans leurs modalités de calculs et d’approches.
Les chantiers préparant l’implémentation de ce nouveau modèle de dépréciation sont déjà enclenchés dans toutes les banques françaises en termes de modélisation et de mise en place du processus de production. En plus de cette préparation opérationnelle et fonctionnelle, il est important pour les banques de s’atteler à la projection des impacts financiers et réglementaires afin de les comprendre, les anticiper et les piloter.
Le passage d’une comptabilisation des provisions basée sur les pertes avérées à la comptabilisation en pertes attendues entraînera une augmentation du montant global des provisions, ce qui réduira les ratios de capital et impactera négativement les besoins en fonds propres et plus particulièrement le CET1.
Les impacts du nouveau modèle de provisionnement selon IFRS 9 diffèrent selon la méthode utilisée pour le calcul des besoins en fonds propres réglementaires :
L’EBA a mené 2 enquêtes successives afin d’évaluer les impacts qualitatifs et quantitatifs d’IFRS 9 auprès de 50 banques européennes. Les résultats de la 1ère enquête avaient été publiés le 10 novembre 2016[3] et les résultats de la seconde ont été publiés le 13 juillet 2017[4]
Dans les nouvelles estimations quantitatives de l’EBA de l’impact d’IFRS 9, les ratios CET1 devraient en moyenne diminuer de 45 points de base contre une estimation de 59 points de base en novembre 2016. De même, l’EBA estime à présent que les provisions devraient augmenter de 13% en moyenne lors du passage au nouveau modèle de dépréciation d’IFRS 9 contre une estimation de 18% lors de la 1ère enquête.
Les résultats de la 2nde évaluation des impacts quantitatifs et qualitatifs de l’EBA confirment les tendances relevées fin 2016. Les impacts sur le capital réglementaire découlent principalement du 2ème volet de la norme avec le nouveau modèle de dépréciation et plus particulièrement des provisions de la phase 2 pour pertes de crédits attendues. De même, 72% des banques participant à l’enquête EBA anticipent l’introduction d’une plus grande volatilité des résultats et des fonds propres. Cette anticipation est partagée par 50% des petites banques participantes contre 80% des grandes banques.
Il est important de souligner que les estimations des impacts présentées par l’EBA traduisent les effets de l’adoption d’IFRS 9 sans aucune disposition transitoire. Or la publication des nouvelles estimations de ces impacts par l’EBA suit de très près la prise de position du Conseil de l’Union Européenne concernant la possibilité d’adopter des dispositions transitoires visant à atténuer les effets du nouveau modèle de dépréciation d’IFRS 9.
Le 16 juin 2017, le Conseil de l’Union Européenne a arrêté sa position concernant la mise en place d’une phase transitoire[5] de 5 ans permettant aux banques européennes qui le souhaitent, d’étaler les effets négatifs de la première application d’IFRS 9 sur les fonds propres. Une proposition d’amendement[6] au règlement (UE) n° 575/2013 a été présentée afin d’introduire cette période transitoire.
Le Conseil de l’Union Européenne estime que des dispositions transitoires sont nécessaires afin d’encadrer l’application de la nouvelle norme IFRS 9. Les banques pourront décider d’appliquer ou non ces dispositions et auront la possibilité de modifier leur décision initiale, sous réserve d’accord des régulateurs.
La phase transitoire mise en place par le Conseil de l’Union Européenne permettra aux banques d’inclure dans leurs fonds propres de base de catégorie 1 une partie de l’augmentation des provisions pour pertes de crédits attendues, lorsque le bilan d’ouverture au moment de la première application d’IFRS 9 reflète une augmentation des provisions nettes d’impôts par rapport à son bilan de clôture en IAS 39. La part des provisions pour pertes de crédits attendues pouvant être intégrées au CET1 diminuera progressivement sur la période de 5 ans. De plus, un allégement supplémentaire est prévu pour atténuer une augmentation significative et inattendue des provisions constituées après la première application d’IFRS 9 en raison d’une détérioration des perspectives macroéconomiques.
Les banques décidant de bénéficier des dispositions transitoires proposées ci-dessus seront cependant dans l’obligation de :
Les dispositions transitoires proposées par le Conseil de l’Union Européenne seront présentées au Parlement afin d’être officiellement adoptées. A moins de 6 mois de l’adoption d’IFRS 9, ces éléments fournissent aux banques une véritable visibilité sur les dispositions transitoires qui entreront en vigueur au 1er janvier 2018.
[1] EBA : European Banking Authority (Authorité Bancaire Européenne ou ABE en français)
[2] Interview de Véronique Mathaud, Directrice des Programmes IFRS 9 phase 2 au sein de la Société Générale
[3] EBA impact assessment of IFRS 9 (publié le 10 novembre 2016)
[4] EBA updates on the impact of IFRS 9 on banks across the EU and highlights current implementation issues (publié le 13 juillet 2017)
[5] Consilium Press release (publié le 16 juin 2017)
[6] Consilium - Data
[7] EBA (publié le 13 juillet 2017)