La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Les Accords de Bâle III traduisent la volonté des régulateurs de renforcer la régulation du système financier.
Dans ce cadre, l'exigence de solvabilité se voit renforcer par l'augmentation qualitative et quantitative des fonds propres requis par rapport aux niveaux précédemment exigés par Bâle II. Dans un contexte généralisé de défiance en Europe sur la solvabilité des états et du système bancaire, une telle mesure est de nature à rassurer. Elle doit permettre de s'assurer de la solvabilité des banques et, in fine, essayer de restaurer un cercle vertueux de confiance envers ces établissements, mis à mal par une succession de crises destructrices.
Aussi salutaire soit-elle, son application a un coût financier important pour les banques. Ces dernières doivent donc trouver des solutions pour se conformer aux nouvelles attentes des régulateurs. Les moyens d'actions sont bien identifiés (baisse des encours de crédits, cession d'actifs, etc.) mais ont tous des impacts forts sur les métiers et les acteurs de l'industrie bancaire ainsi que sur l'économie.
Ainsi, après avoir rappelé les modifications amenées par les accords de Bâle III sur le ratio de solvabilité, nous allons détailler les montants de recapitalisation requis pour les banques françaises et enfin expliquer les moyens d'actions que ces dernières ont choisi et leurs conséquences.
Le ratio de solvabilité définit les exigences minimales de fonds propres que chaque banque doit détenir en fonction du niveau de ses engagements. Si Bâle III et CRD IV (directive qui traduit Bâle III en droit européen) ne modifie pas « stricto sensu » le niveau du ratio de fonds propres exigé par Bâle II, soit 8 % des actifs pondérés en fonction des risques concernant le risque de crédit, les risques de marché et le risque opérationnel, en revanche ils imposent des changements qualitatifs et la mise en place de « matelas » en sus du ratio :
Ainsi, la mise en place de ces matelas pourra mécaniquement faire grimper le niveau de fonds propres exigé jusqu'à 13%.
Ces nouvelles normes entreront en vigueur dans l'Union Européenne le 1er janvier 2013.
En décembre 2011, l'Autorité bancaire européenne (ABE) a chiffré à 114,7 milliards d'euros, les besoins en capitaux des plus grandes banques européennes dont 7,3 pour les banques françaises afin de se conformer aux exigences du ratio de solvabilité Bâle III[1].
La mise en conformité au ratio de solvabilité Bâle III ne peut passer pour les banques que par trois moyens d'action :
Dans un contexte de croissance en berne où la machine à distribuer du crédit s'enraye facilement, l'ABE ainsi que les superviseurs nationaux ont veillé à ce que les banques ne diminuent pas les encours de crédits accordés pour atteindre les niveaux exigés et donc ne pas pénaliser le besoin de financement de l'économie.
Ainsi les banques françaises ont privilégié les mesures de capital directes et la réduction de la taille du bilan, notamment sur les activités de financement en dollars et gourmandes en capitaux pour se recapitaliser :
L'engagement des banques françaises à ne pas pénaliser le financement de l'économie semble, pour l'instant, avoir été tenu. Ainsi, les encours de crédits aux entreprises ont augmenté de 2,6% en juin 2012 sur 12 mois glissants[2]. Cependant, le renchérissement probable du coût du crédit du fait de l'amoindrissement des ressources amènera inévitablement les banques à devenir plus sélectives dans l'octroi de crédit laissant planer le spectre d'un credit crunch.
Paradoxalement, les banques vont devoir pousser les entreprises à plus se financer sur les marchés pour celles qui y ont accès et accompagner celles qui souhaitent y accéder. A cet égard, la mise en place de véhicule commun d'émission obligataire regroupant plusieurs entreprises n'ayant pas la taille suffisante pour intéresser les marchés ou des collectivités locales en mal de financement est une des réponses possibles à cette nouvelle problématique.
Les cessions de certaines activités de financement et de portefeuilles de prêts qui pèsent lourds dans les bilans sont l'autre voie qu'on privilégiée les banques. Ainsi, la Société Générale a récemment cédé une grande partie de son portefeuille de crédits au transport maritime à Citigroup, BNP Paribas de son côté a vendu un portefeuille de prêts à des compagnies pétrolières à Wells Fargo et Crédit Agricole a vendu son activité de private equity à un acteur du capital investissement. Ces cessions se sont parfois faites à perte, ainsi BNP Paribas a enregistré une moins-value de 400 millions d'euros sur les cessions de ses portefeuilles de crédits.
Prises entre un environnement économique sinistré et un environnement réglementaire pressant les incitant à céder des activités, les banques doivent ainsi penser un modèle de BFI peu consommatrice de ressources, que ce soit en termes de fonds propres ou d'employés. Ainsi, la Société Générale espère réduire d'environ 12% le nombre de ses employés, soit près de 1 600 postes contre 1 400 chez BNP Paribas. En plus des réductions d'effectifs, BPCE a également décidé de supprimer ses activités pour compte propre. Par ailleurs, les programmes de réduction de bilan ne sont pas encore achevés, Société Générale a déclaré en être à 60% et BNP Paribas à 90% à la fin du premier semestre, d'autres cessions sont donc à prévoir dans les prochains trimestres.
Profitant du différentiel de timing dans le calendrier d'application des accords de Bâle III, ce sont principalement les banques américaines qui rachètent les actifs vendus par les banques européennes. Ceci leur permet de récupérer à la fois des portefeuilles de bonne qualité et des parts de marché sur des activités où leur leadership est traditionnellement moins affirmé. Ainsi, au classement du premier semestre 2012 élaboré par Thomson Reuters sur le marché mondial des prêts syndiqués, BNP Paribas perdait six places et chutait au 10ème rang alors que Wells Fargo grimpait à la 4ème place.
La mise en conformité par rapport au ratio de solvabilité Bâle III impose aux banques de repenser leurs modèles et à réduire leurs activités en BFI.
Le modèle rhénan de financement de l'économie est ainsi mis en cause. La désintermédiation revient au galop pour le financement des grandes entreprises (par accès direct au marché). . Cette tendance pourrait également toucher les banques elles-mêmes et les rendre plus dépendantes des marchés dans leur quête de liquidité.
[1] « Results of bank recapitalisation plan », European Banking Authority, December 2011
[2] Association Française de Gestion