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Interview Alexis Goldberg - ENGIE Réseaux

Sia Partners a rencontré Alexis Goldberg, Directeur du développement national des réseaux de chaleur et de froid chez ENGIE Réseaux. Cet échange fut l’occasion d’en apprendre davantage sur les réseaux de chaleur géothermiques en Ile-de-France et sur leurs rôles dans le paysage énergétique national.

Sia Partners : Alors que nous traversons une période mouvementée face aux problématiques énergétiques, quelle est selon vous la place des réseaux de chaleur dans la transition énergétique ?

Alexis Goldberg : Nous sommes pleinement dans l'urgence climatique aujourd'hui, il est indispensable d’en prendre conscience. ENGIE au travers de son entité ENGIE Réseaux a inscrit le développement et le verdissement des réseaux de chaleur comme un enjeu majeur. Les réseaux de chaleur renouvelable sont des infrastructures territoriales peu émissives de gaz à effet de serre et donc efficaces dans la lutte contre le changement climatique. Par ailleurs, ils contribuent à l’indépendance énergétique de la France et valorisent l’économie des territoires. Notre rôle consiste en partie à faire connaître les réseaux de chaleur car ils permettent d’exploiter des ressources locales et d’entrer dans des logiques beaucoup plus vertueuses à l’échelle locale.

 

Sia Partners : L’Ile-de-France présente le plus grand gisement d'énergie géothermale en France. L'annuaire Via Sèva dénombre 7 réseaux géothermiques pour ENGIE et en 2016-2017, au moins 3 nouveaux projets ont vu le jour (Ygéo, Clichy Batignolles, Dammarie-les-Lys). Quelle est l'ambition de développement d'ENGIE en Ile-de-France ? La région est-elle particulièrement privilégiée pour répondre aux objectifs de verdissement des réseaux de chaleur ?

Alexis Goldberg : La région Île-de-France a un potentiel géothermique élevé. Dans un contexte d’accroissement du recours à des énergies locales et renouvelables, il faut savoir mobiliser ce potentiel d’autant que la chaleur constitue près de la moitié des besoins dans la consommation finale d’énergie des français. Par les caractéristiques de son sous-sol, l’Ile-de-France est une des régions françaises les plus propices à l’exploitation de la géothermie en recourant à la nappe d’eau chaude souterraine du Dogger à 1600-1700 mètres de profondeur. La valorisation de la géothermie à travers les réseaux urbains est particulièrement efficace à plusieurs titres : en matière d’efficacité énergétique et environnementale, cette solution mutualise les moyens de production et permet de diffuser cette énergie locale renouvelable à moindre coût en zone urbaine dense. Un autre atout de la géothermie est qu’elle constitue une source de chaleur qui n’émet pas de particules et donc améliore sensiblement la qualité de l’air. Cette question de santé publique va nous concerner de plus en plus au sein des villes et métropoles, c’est pourquoi nous devons considérer sérieusement cette ressource.

L’ambition d’ENGIE est bien d’accompagner la transition énergétique des territoires en valorisant des ressources locales et renouvelables. En ce sens, l’Ile de France est propice au développement de réseaux géothermiques. ENGIE Réseaux souhaite renforcer son rôle de leader de la transition énergétique pour la région.

 

Sia Partners : Les réseaux géothermiques nécessitent des investissements très lourds au démarrage, quel est l'axe de développement privilégié (extension de réseaux existants, "conversion" de réseaux existants, création de nouveaux réseaux) ? Comment assurer leur compétitivité ?

Alexis Goldberg : Ces réseaux nécessitent en effet des investissements importants néanmoins ils sont éligibles aux aides du Fonds chaleur de l’Ademe et bénéficient des aides de la Région Ile de France.

La conversion ou « géothermisation » de réseaux existants carbonés de tailles significatifs est un des axes de développement. Concernant les créations ex-nihilo de réseaux le volume de 8 à 10 000 équivalents logements est un volume suffisant pour garantir l’équilibre économique d’une opération au dogger en ayant une empreinte carbone des plus faibles.

Ygéo est un bel exemple de création ex-nihilo à partir de 3 villes denses qui n'avaient pas de réseau mutualisé. Plus de 15 km de réseaux en moins de 18 mois, un réel défi ! Ce réseau nous a notamment permis de progresser dans la manière de conduire ce type de chantier d’envergure sous régime de Délégation de Service Public avec le SIPPEREC en minimisant l’impact économique. 

Notre volonté est d’améliorer les réseaux de chaleur existants pour aller vers des réseaux de 4ème génération en y intégrant stockage, énergies renouvelables et de récupération, innovation technologique et numérique. De plus, une bonne partie des développements en France des réseaux de chaleur passera par des réseaux de taille intermédiaire dans les écoquartiers.  

 

Sia Partners : La part de la géothermie dans le mix énergétique des réseaux de chaleur franciliens représentait 7% en 2016 selon la FEDENE[1]. Quels sont selon vous les principaux leviers de développement (notamment pour contribuer à l'atteinte de l’objectif des 38% de chaleur renouvelable de la LTECV[2]) ? Pensez-vous qu’ils sont suffisants ?

Alexis Goldberg : La loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) fixe un objectif de quintuplement des quantités de chaleur et de froid renouvelable et de récupération livrées par les réseaux de chaleur et de froid à horizon 2030 par rapport à 2012 et un passage de 7,5 à 38% d’EnR[3] dans la consommation finale de chaleur. Jusqu’en 2017, la grande majorité du développement s’est effectuée par le verdissement des réseaux existants (0,47 Mtep, soit 94%). En revanche la part de développement de nouveaux réseaux est restée très faible (0,03 ktep, soit 6%). La France a pris un retard considérable dans le développement de la chaleur renouvelable avec un rythme de croissance trois fois inférieur à celui prévu par la PPE[4].

Pour tenir les objectifs, les efforts doivent s’intensifier sur la création de nouvelles opérations afin de permettre d’accélérer le rythme de livraison. Pour se faire, plusieurs avancées peuvent d’ores et déjà être saluées ou sont en cours :

  • L’augmentation de la dotation du Fonds chaleur (de 218 à 315 millions d’euros en 2019 puis 350 millions d’euros en 2020[5]) ;
  • La suppression du recours aux avances remboursables pour les projets du Fonds chaleur (et leur transformation en subventions).

Malgré tout, le développement des réseaux vertueux reste insuffisant pour atteindre les objectifs nationaux et européens. Il faudrait par exemple poursuivre la trajectoire d’augmentation du Fonds chaleur.

Il y a une prise de conscience et un mouvement s'est amorcé ; il est de notre responsabilité de prescrire et déployer ces solutions.

Il faut également communiquer sur l’existence et la pertinence de disposer d’infrastructures énergétiques dont la ressource comme la géothermie est locale, renouvelable et non délocalisable.

Cette solution participe d’ores et déjà à l’autonomie du territoire et le positionne vers un zéro carbone. Il est également indispensable d’être en prise directe avec les concitoyens, les services territoriaux, les élus… Notre défi : rendre visible ce qui ne l'est pas, continuer de faire connaître les réseaux de chaleur et de froid au grand public.

 

Sia Partners : Votre centrale Paris Nord Est (CPCU) a développé une synergie entre les réseaux de chaleur et de froid. Quel potentiel de développement voyez-vous dans ce type de systèmes hybrides ?

Alexis Goldberg : La centrale Paris Nord Est est un bel exemple de coopération entre trois des entités de la BU France Réseaux que sont CPCU[6] , Climespace et Engie Réseaux pour proposer des moyens de production mutualisés. Les réseaux de froid sont des infrastructures amenées à se développer. Un réseau de froid est analogue à un réseau de chaleur : il s’agit d’une infrastructure comportant des moyens de production et de distribution d’énergie frigorifique à l’échelle d’un site, d’un quartier ou d’une ville. Les réseaux de froid se substituent aux systèmes individuels ou collectifs centraux d’un bâtiment et desservent aujourd’hui principalement des bâtiments tertiaires (bureaux, hôtels, musées, aéroports, hôpitaux).

Dans de nombreux cas, le développement est conduit de façon complémentaire à un réseau de chaleur avec parfois des possibilités de synergie énergétique. Les besoins en froid sont également adressés par des réseaux d’eau tempérée avec des productions décentralisées installées chez les clients.

Ces réseaux permettront d’être un levier pour les villes et métropoles dans l’atteinte des objectifs de la Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte, concernant en particulier la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 ainsi que la lutte contre les îlots de chaleur[7] concernant les réseaux de froid.

Présentation d’Alexis Goldberg

"J'ai débuté ma carrière dans le secteur des Collectivités locales et notamment dans les services d’éclairages public où j’ai pu appréhender les contrats publics et le début de changements technologiques pour baisser les consommations d’énergies.

Il y a une vingtaine d’année j’ai intégré Gaz de France pour m’occuper de réseaux de chaleur et de déploiement de stations Gaz Naturel Véhicules, cette double compétence est une chance car les sujets de mobilité durables sont étroitement liés aux réseaux d’énergies dont les réseaux de chaleur.

Mon fil rouge est la cause environnementale, c'est un vrai moteur de vie et je suis en cohérence avec mon employeur ENGIE. Je pense sincèrement qu'on participe par les réseaux que nous déployons et exploitons au sein des Territoires à vivre dans un monde meilleur pour notre planète. Chaque réseau est un levier de transition énergétique massive, il est primordial de continuer en ce sens pour mettre en œuvre des solutions qui positionneront plus rapidement les villes et métropoles au zéro carbone."

Engie

Présentation d'ENGIE Réseaux

ENGIE Réseaux conçoit, finance, construit et exploite des réseaux qui fournissent de la chaleur renouvelable.

Entreprise experte dans ce domaine, ENGIE Réseaux propose des solutions adaptées à l’aménagement durable du territoire et à la pérennisation du patrimoine des collectivités : efficacité énergétique et environnementale, qualité du service, maîtrise des coûts et tarifs compétitifs. Ses solutions s'adaptent aux caractéristiques des territoires et des installations existantes, aux contraintes économiques et aux enjeux écologiques locaux.

Elle met son expertise au service des collectivités locales et des gestionnaires de bâtiments raccordés aux réseaux (OPH, villes, copropriétés, foncières, …), qui attendent confort et sécurité pour les usagers, fiabilité des installations, simplicité de fonctionnement, compétitivité et stabilité des coûts.

Le recours à l’énergie géothermale, l’installation de chaufferies biomasse et la récupération de chaleur composent un mix énergétique de plus en plus renouvelable et rendent accessible un mode de chauffage efficace.

A une échelle européenne, ENGIE est très actif et sera notamment sponsor principal au congrès Européen de l’association Euroheat&Power en mai 2019 à Nantes où tous les élus de France seront conviés.

 

Retrouvez notre précédent article sur le sujet : La géothermie en Ile-de-France, une aubaine pour le verdissement des réseaux de chaleur ?


Notes et Sources : 

[1] Fédération des services Energie et Environnement

[2] Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte

[3] Energie renouvelable

[4] Programmation Pluriannuelle de l'Energie

[5] Action 12 du plan d’action interministériel Forêt-Bois du 16/11/2018 et dossier de presse sur la PPE du 27/11/2018

[6] Compagnie Parisienne de Chauffage Urbain

[7] Les îlots de chaleur urbains sont des élévations localisées des températures, enregistrées en milieu urbain par rapport aux zones rurales ou forestières voisines ou par rapport aux températures moyennes régionales.