La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Pour la Poste, le digital est générateur de menaces (baisse de la fréquentation des bureaux de poste, baisse du volume de courrier, etc.), mais au moins autant d'opportunités, comme le montre la croissance du e-commerce entrainant une augmentation du flux de colis par exemple.
Pour la Poste, le digital est générateur de menaces (baisse de la fréquentation des bureaux de poste, baisse du volume de courrier, etc.), mais au moins autant d'opportunités, comme le montre la croissance du e-commerce entrainant une augmentation du flux de colis par exemple. En effet, le communiqué de presse de la Fevad du 20 mai 2014 indique que le chiffre d'affaires du e-commerce a augmenté de 11% sur le 1er trimestre 2014 par rapport au 1er trimestre 2013. Confronté à ces signaux le réseau Poste a fait les choix de voir ce bouleversement comme une opportunité et de conduire une ambitieuse transformation digitale.
La stratégie du Groupe La Poste s'organise autour de plans successifs tels que le plan « Performance et Convergence » en 2003 puis le plan « Performance et confiance » en 2008 qui ont permis de transformer le Groupe en vue de l'ouverture du marché à la concurrence. Ils se sont traduits par le développement de l'autonomie des activités du Groupe, la modernisation de l'outil industriel ou encore la création de la Banque Postale. Depuis 2011 , la Poste relève les défis engendrés par l'évolution du contexte économique et technologique qui fragilise son modèle. En effet, les crises économiques et financières impactent les activités de la Banque Postale, tout comme l'accélération de l'avènement de la société numérique et de la dématérialisation des échanges de données tendent à précipiter la diminution des échanges physiques et donc à déstabiliser les activités historiques du Groupe. Pour La Poste, la transformation digitale du Groupe et de ses activités devient donc une nécessité qu'il est important de promouvoir et de stimuler au sein de ses différentes branches.
Pour répondre à ces nouveaux défis donc, La Poste a lancé depuis 2013 une vaste réflexion à la fois interne (postiers, syndicats, actionnaires) et externe (organisation de conférences citoyennes) pour redéfinir une feuille de route pour 2020 prenant en compte les mutations de son environnement économique, réglementaire et technologique. Cette réflexion a abouti à la présentation, en janvier 2014, du nouveau plan stratégique du Groupe : « La Poste 2020 : Conquérir l'avenir ». Il met l'accent d'une part sur la consolidation des activités existantes avec l'objectif de conserver la place du Groupe comme réseau leader des services de proximités par exemple, et d'autre part de conquérir de nouveaux territoires tels que le commerce en ligne, la logistique de proximité ou encore les échanges numériques sécurisés. Avec ce nouveau plan, le numérique et l'innovation sont mis au coeur des activités de La Poste. En effet, depuis le 30 mars dernier, une branche est dédiée à part entière aux missions de « Laboratoire de l'innovation numérique » et d' « Atelier de développement des services numériques pour l'ensemble du Groupe ».
La Poste utilise deux leviers pour faire émerger des idées novatrices : l'implication de l'ensemble des postiers en interne, et la collaboration autour de solutions innovantes développées par les nombreuses start'up qui gravitent autour des problématiques identifiées comme stratégiques par le Groupe.
Intégrer les employés dans les processus de réflexion sur l'évolution des métiers de La Poste revêt deux intérêts majeurs. Tout d'abord, les 266 000 collaborateurs mis à contribution sont les mieux placés pour identifier au quotidien des pistes d'amélioration pour les process en place ou imaginer de nouveaux usages. Ensuite, les collaborateurs porteurs de l'innovation et des changements internes deviennent alors les meilleurs ambassadeurs des innovations développés. Le concours interne « 20 projets pour 2020 » a par exemple pour objectif de faire émerger de nouveaux produits ou services. Il propose à l'ensemble des collaborateurs de La Poste et de ses filiales de présenter un projet innovant en phase avec le plan stratégique de l'entreprise et susceptible de générer des revenus significatifs. Les équipes lauréates seront alors accompagnées par le Groupe pendant six à dix-huit mois pour développer à temps plein leur projet et le commercialiser. Ce concours, qui encourage l'innovation de rupture, se juxtapose à d'autres dispositifs déjà en place pour promouvoir l'amélioration continue.
Afin de favoriser et d'encourager ces innovations, et occuper de nouveaux marchés pour compenser la décroissance du Courrier, La Poste élargit son champ de réflexion et s'intéresse désormais aux solutions proposées par les start'up. En effet, ces jeunes entreprises innovantes sont nombreuses à travailler autour des mêmes problématiques que La Poste, comme le e-commerce, les services de proximité, les objets connectés et la confiance numérique. Le Groupe a donc créé l'entité Start'in Post, qui se présente comme un accélérateur de start'up. Il fonctionne comme un incubateur qui accompagne les start'up pendant un an dans le développement de leur business. L'ambition est ainsi d'accueillir vingt-quatre start'up par an. Pour La Poste, c'est un moyen de tester des concepts en rupture à moindre risque et de s'inscrire dans une démarche d'anticipation des modèles économiques émergents. Alors que vient de débuter la construction de la Halle Freyssinet, le futur plus grand incubateur de start'up du monde par la taille, l'attractivité des grandes entreprises est un enjeu majeur. D'autres grands groupes ont également créé leur propre incubateur, comme Orange avec l'« Orange Fab » ou la SNCF avec « Voyageur Connecté ».
La combinaison de ces deux approches permet à La Poste d'augmenter sa capacité à innover, mais pour que cela soit efficace, elle doit dans le même temps adapter son organisation. En effet, pour le Groupe, il est clé de rationaliser les multiples initiatives qui naissent dans les différentes branches et filiales, afin d'identifier les projets à fort potentiel et leur offrir la possibilité de se développer.
A certaines occasions, l'innovation permet à La Poste de proposer des offres en rupture, tout en restant fidèle à la culture du Groupe. L'impression 3D s'intègre ainsi parfaitement dans l'ADN de La Poste qui est souvent intervenue dans des phases de démocratisation des pratiques et de l'innovation. Le CCP (Convention de Compte Courant Postal) a ainsi permis une large diffusion de la bancarisation dans la société française, tandis qu'en remontant plus loin encore dans l'histoire, le courrier postal a contribué à assurer la diffusion de l'écrit. La Poste est finalement l'un des premiers réseaux sociaux français ! De plus, l'impression 3D fait naitre un besoin de conseil, à destination de particuliers ou de professionnels. La Poste a acquis une réelle légitimité dans ce domaine du conseil, notamment au travers de son activité bancaire qui a pris une place importante au sein du paysage de la banque de détail. Pour la Poste, il était donc aussi naturel qu'ambitieux de se positionner sur une offre d'impression 3D. Ainsi, depuis le 27 novembre 2013, trois bureaux de poste franciliens, Boulogne-Billancourt, Paris Bonne-Nouvelle et Paris La Boétie expérimentent un nouveau service de conseil et d'impression 3D. Le projet s'adresse aussi bien aux particuliers qu'aux professionnels. En effet, l'impression 3D participe à la transformation digitale des entreprises elles-mêmes, qu'elles soient TPE ou PME. Ainsi, il est désormais possible d'accéder à plusieurs services au sein de ces espaces. Dans un premier temps, l'offre de La Poste s'est concentrée sur l'univers de la personnalisation pour les professionnels. Les clients peuvent ainsi concevoir des objets ou faire « imprimer » à partir de leur propre fichier 3D voire commander et personnaliser des objets à partir d'un catalogue. Par la suite, lorsque les clients ont demandé des logos en 3D, La Poste a ajouté des prestations de design à son offre, et quand la demande s'est portée sur la rapidité, La Poste en a fait l'une des caractéristiques de son service. Enfin, la dernière étape en date permet au Groupe de revenir vers l'un de ses coeurs de métier : l'acheminement des contenus. En effet, lors de la fabrication d'objets imprimés en 3D, la clé est le fichier. Celui-ci permet de fabriquer assez facilement le négatif de l'objet imprimé, qui lui-même permet de fabriquer un emballage sur mesure, facilitant ainsi la protection des objets lors du transport. La motivation des collaborateurs a joué un rôle important dans le développement de cette offre d'impression 3D. Libérés des opérations à faible valeur ajoutée du modèle de distribution, en 6 mois ils ont acquis les compétences nécessaires pour apporter un conseil pertinent aux utilisateurs.
Comme décrit précédemment, la transformation digitale initiée par La Poste est également basée sur des partenariats externes permettant au Groupe d'expérimenter des projets innovants et en rupture. C'est le cas du partenariat avec le fabricant de boîtes aux lettres Renz (80 millions d'euros de chiffre d'affaires) et Colis Privé qui expérimentent depuis octobre 2013 des boîtes à colis connectées dans un immeuble parisien. Initié en 2010, le projet a pour objectif de restreindre la hauteur des boîtes aux lettres et d'occuper la place libérée avec des boîtes à colis collectives, « privatisables » le temps de la livraison d'un colis. Cet aspect « privatisable » repose sur un système de serrures électroniques actionnées par les habitants avec le même badge qui leur donne accès aux bâtiments. Le mode d'accès pourrait bientôt évoluer grâce à la technologie NFC qui permettrait aux habitants de badger directement grâce à leur smartphone. La solution est simple et intuitive pour le consommateur, elle repose sur un système intelligent, connecté au portail web de l'immeuble, qui prévient en temps réel le résident par une notification envoyée par défaut sur le moniteur vidéo placé à l'intérieur de chaque appartement et à la demande, par SMS ou par email. Cette solution constitue un mode de réception « premium » par rapport aux différentes solutions existantes pour la réception de colis. De plus, un tableau d'affichage numérique complète l'ensemble dans le hall d'accueil, permettant notamment au gestionnaire de l'immeuble de laisser des messages aux habitants. En se connectant sur le portail web de l'immeuble, l'usager peut également autoriser un voisin à relever son courrier pendant ses vacances par exemple, ou encore inscrire un "Pub non merci" sur le porte-nom digital de sa boîte aux lettres. Le gestionnaire quant à lui accède également à une interface qui lui permet d'administrer la gestion courante des boîtes (emménagement, déménagement, changement de nom de résident, gestion des badges et droits d'accès...). Ce test en conditions réelles a pour objectif de déterminer si le prototype est bien en adéquation avec la demande, afin de décider de sa mise sur le marché et des adaptations nécessaires avant commercialisation. La phase test se terminera fin 2014 et pourrait donner lieu à un déploiement dans les immeubles neufs de la capitale, et pourquoi pas, bientôt aux pavillons de particuliers. Ce projet à la fois original et astucieux a été récompensé lors des Trophées des Industries Numériques organisés ce mois-ci par l'Usine Nouvelle et l'Usine Digitale, dont Sia Partners est partenaire, via son Observatoire des Stratégies Digitales.
Troisième groupe en France en chiffre d'affaire derrière Air France-KLM et PPR en 2008, la Poste était perçue par les clients comme « vieillotte et ringarde ». Cette même année, le Réseau observait une baisse de 1 à 2% par an de la satisfaction clients malgré des investissements massifs réalisés, pour plafonner à 82%, un chiffre alarmant dans un métier de service. Confrontée à ces signaux inquiétant, la Poste a fait le choix de la lucidité et de la responsabilisation de ses collaborateurs. Le Groupe s'est alors engagé dans une logique de transformation profonde non seulement de son offre de produits et de services, mais également, en miroir, au sein de l'entreprise. Si la route est encore longue pour La Poste, les premiers jalons de la transformation digitale sont posés, tant auprès des collaborateurs que des clients. La satisfaction client, premier objectif du programme de transformation de La Poste, a ainsi considérablement augmenté pour atteindre 93%. Ce chiffre marque une progression de 10 points en l'espace de 4 ans et replace le Réseau dans les standards du retail, notamment bancaire.