La reconversion, parent pauvre des politiques d…
L’arrivée de la 5G et des avancées technologiques qu’elle porte en termes de télécommunications contribue à l’émergence du tout connecté.
L’arrivée de la 5G et des avancées technologiques qu’elle porte en termes de télécommunications contribue à l’émergence du tout connecté. Favorisant l’apparition de nouveaux cas d’usage, les besoins en connectivité vont dépasser la simple notion de débit.
Car au-delà de la promesse d’un débit surpassant celui de ses prédécesseurs (jusqu’à 20 Gbps), la 5G offrira également une latence très faible, aspect primordial dans le secteur médical (voir cas d’usages).
Le développement et le déploiement de la 5G vont s’accompagner de nombreux défis technologiques et organisationnels mais vont également créer un grand nombre d’opportunités pour les entreprises et l’ensemble des secteurs d’activité. Sensible et multipartite (patients, médecins, pharmaciens, hôpitaux, assureurs…), le secteur de la santé ne va pas déroger à la règle.
En effet, c’est une opportunité de chiffre d’affaire estimée à 76 milliards de dollars US qui pourrait être captée par les opérateurs impliqués dans la transformation du système médical via la 5G, d’ici 2026[i]. Et ces transformations bénéficieront à l’ensemble des acteurs du médical.
Dans cet article, Sia Partners vous propose de s’intéresser à certains cas d’usage phares du secteur, leurs apports et les opportunités associées, de la prise en charge hospitalière au suivi du patient à domicile
L’accès et la disponibilité de chirurgiens experts à travers le monde est devenu une problématique majeure : en 2010, un tiers de la population mondiale n’avait pas accès à des services chirurgicaux essentiels[i]. Pour les types d’opérations courantes et souvent pratiquées dans le cadre de l’urgence (césariennes, appendicectomies…), la formation des acteurs locaux semble la solution la plus réaliste.
Pour les opérations complexes, l’arrivée de la 5G et de ses avantages en termes de débit, de latence et de résilience (connexion de qualité sans risque de congestion du réseau) pourrait contribuer à favoriser l’accès aux chirurgiens experts d’un domaine précis. En effet, via le déploiement de la télé-chirurgie, les chirurgiens pourraient opérer un patient à des milliers de kilomètres de distance au travers de bras robotisés réagissant aux commandes du médecin. Les robots médicaux développés actuellement permettent une précision extrêmement fine, et un retour tactile, primordial pour un chirurgien, étant donné la fragilité de certains tissus.
Un tournant majeur a été opéré dans le domaine le 16 mars 2019, lorsque la première chirurgie cérébrale à distance a été réalisée en Chine par le docteur Ling Zhipei. Le médecin était dans la province d’Hainan au sud de la chine, et l’opération a eu lieu à Pékin, à 3000 kilomètres de distance, grâce à la 5G qui a permis l’échange de gros volume de données avec une très haute fréquence de rafraichissement. Un premier test avait été effectué en janvier, durant lequel un chirurgien avait retiré le foie d’un cochon à distance grâce à la 5G, à l’université médicale Fujian, située sur la côte sud-est de la Chine.
Malgré ces forts succès extrêmement prometteurs, le déploiement mondial de cette technologie va s’avérer difficile : le coût d’acquisition élevé des machines nécessaires crée une barrière à l’adoption de ces techniques, amplifiée par la difficulté de déploiement de la 5G dans les milieux ruraux et peu accessibles. Également, le déploiement des opérations à distance pourrait réduire les disparités territoriales, mais les opérations seront conditionnées aux créneaux disponibles chez les praticiens.
Les lunettes à réalité augmentée permettent d’intégrer des images numériques dans le champ de vision du chirurgien afin de lui fournir des informations auxquelles il n’aurait pas eu accès sur place, comme le positionnement de certains organes non visibles, le trajet des vaisseaux sanguins, ou encore le dossier médical du patient.
Cette technologie a été utilisée pour la première fois en décembre 2017, lorsque le Dr Thomas Grégory a réalisé la pose d’une prothèse d’épaule en étant assisté par réalité augmentée à l’hôpital Avicenne à Bobigny. Franc succès, cette opération place le Dr Grégory en pionnier de l’utilisation de ces technologies dans un contexte médical.
En plus de fournir des informations visuelles au chirurgien, la réalité augmentée lui permet aussi de communiquer en temps réel avec d’autres médecins à travers le monde par visioconférence. Ainsi, il peut bénéficier d’un regard expert extérieur à tout instant.
L’intégration de la 5G permettrait de fiabiliser l’usage de ces techniques en assurant un meilleur débit pour une faible latence, tout en allégeant considérablement le dispositif porté par le chirurgien : effectivement, les lunettes à réalité augmentée sont équipées d’un ordinateur embarqué qui réalise tous les calculs et opérations. En introduisant la 5G, cet ordinateur pourra être séparé des lunettes et ainsi réduire leurs taille et poids drastiquement.
Cependant, la technologie a ses limites, et aujourd’hui il n’est pas encore possible d’avoir une image dynamique : les images de squelette et d’organes sont statiques et correspondent aux examens d’imagerie que le patient a effectué au préalable. Ainsi, les mouvements, mêmes mineurs (comme les mouvements respiratoires), ne sont pas pris en compte alors que ceux-ci peuvent avoir un impact fort sur le succès d’une opération de précision.
Après être intervenue dans la prise en charge hospitalière du patient, la 5G favorisera un meilleur suivi du patient depuis son domicile et donc éventuellement de permettre une sortie plus rapide.
Effectivement, de nombreux objets connectés permettant au patient de suivre ses constantes de santé émergent, dotés de fonctionnalités « basiques » (suivi du rythme cardiaque, dépenses caloriques), ou plus critiques (contrôle du taux de glucose par exemple). Au-delà de l’auto-contrôle, ces objets peuvent également bénéficier aux personnes âgées ou dans l’incapacité de se déplacer, en permettant un suivi à distance permanent (par des aides médicaux, des médecins, des proches ou encore des compagnies d’assurance).
Afin de fonctionner de manière efficace, ces équipements doivent fournir une remontée permanente des constantes de santé du patient. Mais la 4G+ actuelle ne peut fournir la qualité désirée à un large nombre d’appareils. La faible latence et la résilience du réseau 5G permettrait d’outrepasser ce problème en rendant possible une remontée temps réel de l’ensemble des constantes du patient.
Mais qu’en est-il de l’adoption de ces technologies par la population ? En 2017, 60% des consommateurs se déclaraient prêts à utiliser des objets connectés comme mesure préventive pour vérifier les anormalités (cancers notamment) et contrer les affections chroniques (diabète, maladies cardiovasculaires, …). Pour 71% d’entre eux, les objets connectés constituent un espoir d’améliorer le suivi post-hospitalisation à domicile[ii]. Cependant, 55% des preneurs de décision au niveau des instances régulatrices de santé (comme par-exemple la Haute Autorité de Santé) considèrent que ces équipements ne sont pas assez précis et fiables pour un diagnostic valable[iii].
Néanmoins, les pouvoirs publics français se sont pleinement emparés de la question. Le 25 avril 2019, la ministre de la santé Agnès BUZYN a présenté le volet numérique de la feuille de route de MaSanté 2022. A titre d’exemple, l’action 11 prévoit notamment un interfaçage du DPM avec les applis ou objets connectés (échéance 2020). Ces derniers seront également intégrés dans l’ « Espace Numérique de Santé » à partir de janvier 2022.
En outre, la connectivité de ces appareils étant prioritaire, il est impossible de se reposer sur les équipements grand public comme c’est le cas actuellement (la plupart des objets connectés de la santé communiquent via le smartphone de l’utilisateur), et ce pour des raisons de fiabilité. Les professionnels de la santé devront donc travailler en étroite collaboration avec les entreprises high-tech et télécom pour développer des équipements médicaux qui peuvent se connecter indépendamment au réseau 5G.
Enfin, pour un usage généralisé, il est primordial que ces appareils soient acceptés et recommandés par les médecins et assurances de santé. Certains médecins sont encore réticents à la prescription de ces outils connectés. La question de la responsabilité juridique du dysfonctionnement de ces outils n’a pas encore été tranchée par les tribunaux[iv]. Des craintes portent également sur le respect du secret médical (qui a accès à ces données ? Le patient et le médecin ? D’autres parties prenantes ?).
Au-delà des opportunités portées par la 5G, de nombreux freins sont présents et ne devront pas être négligés : par-exemple, l’usage des données récupérées depuis les objets connectés par les assureurs soulève de fortes problématiques concernant l’éthique et le respect de la vie privée.
Un enjeu sanitaire est également présent : une pétition réclamant un moratoire sur la 5G est soutenue par 170 scientifiques du monde entier. D’après-eux, la démultiplication des antennes et l’introduction des bandes millimétriques aux appareils grand public accroîtront, entre autres, les risques de tumeurs et de problèmes cardiaques. Cependant, il n’existe pas à ce jour de données assez précises sur le sujet. Le gouvernement français a assuré que les risques sanitaires ne seraient pas augmentés par la 5G et s’est engagé à travailler avec l’Agence Nationale des Fréquences (ANFR) et l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) "afin qu’elles puissent examiner d’une part, l’exposition aux ondes électromagnétiques et d’autre part, l’impact sanitaire éventuel de ces nouveaux développements technologiques, dès la phase des expérimentations".[v] La démultiplication des appareils électroniques et datacenters aura un impact environnemental conséquent, risquant ainsi de nuire à la santé de certains et de contrer les bienfaits initialement envisagés.
Par ailleurs, de nouveaux cadres légaux devront être fixés afin de déterminer les niveaux de responsabilités liés à l’introduction de la robotique : qui sera responsable en cas de défaillance d’un système électronique lors d’une intervention chirurgicale par-exemple, en cas de dysfonctionnement d’un objet connecté ?
Enfin, le faible niveau de maturité de la technologie 5G ne permet pas de s’assurer de son niveau de fiabilité en termes de sécurité. Or les équipements connectés déployés dans le cas d’un usage médical seront en partie critiques. Une cyber-attaque visant ceux-ci pourrait engendrer des conséquences extrêmement néfastes vis-à-vis de la santé et du respect de la vie privée des patients.
Malgré tout, les opportunités offertes par la 5G restent nombreuses et diverses et pourront à terme révolutionner le secteur médical en facilitant l’accès aux soins à travers le monde. De plus, les apports de la 5G bénéficieront non seulement aux patients & personnel médical mais également aux autres acteurs du secteur comme par exemple les pharmaciens ou encore les acteurs de la recherche médicale qui bénéficieraient de plus de données statistiques qu’aujourd’hui.
[i] Harvard T.H. CHAN – More than two billion people worldwide lack access to surgical services
[ii] ODOXA, Baromètre santé 360, l’hôpital de demain, 2017
[iii] Ericsson – From Healthcare to homecare, the critical role of 5G in healthcare transformation
[iv] Un objet connecté peut-il être responsable ?
[v] TV5Monde – Réseaux 5G : des problèmes et des inconnues à tous les étages