La reconversion, parent pauvre des politiques d…
La Révision Générale des politiques publiques (RGPP) est l'une des réformes administratives de grande ampleur lancée sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
Dans un contexte de crise de la dette, de déficit public record[1] et d'une mise en cause de la note maximale de la France par l'agence de notation Moody's[2], cette réforme revêt un intérêt stratégique pour l'État.
De quoi s'agit-il exactement et quatre ans après son lancement, quels résultats peut-on tirer de sa mise en oeuvre ? Les gains attendus sont-ils au rendez-vous ?
Lancée en Juillet 2007, la RGPP est une démarche continue de réforme de l’État et de ses opérateurs ainsi que des politiques publiques. Les réformes ont été engagées autour de trois piliers que sont la maîtrise des dépenses publiques, la qualité de service et l’amélioration des conditions de travail des agents[3].
La mesure phare, transversale, alors énoncée est sans aucun doute le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Pourtant ce sont plus de 350 réformes qui ont été lancées, parmi lesquelles la fusion des nombreux services (DDE- DDAF, DGI-DGCP, fusion ANPE-Unedic), la simplification de démarches administratives, l’amélioration de la mobilité dans la fonction publique etc. La réforme du ministère de la défense et plus particulièrement la création de bases de défense est également emblématique.
Cette réforme, qui touche l’ensemble des ministères, est fortement inspirée de méthodes similaires appliquées dans d’autres pays. Au Canada par exemple, la dette publique a diminué de 38 points entre 1993 et aujourd’hui, atteignant 32% du PIB. En Suède, la dette publique est passée de 72% à 54%.
La méthode utilisée en France n’en demeure pas moins originale. Dans une première phase, qui s’est achevée en juin 2008, hauts fonctionnaires et consultants privés ont audité les politiques publiques et élaboré des scénarii de réforme. Les mesures adoptées ont ensuite été inscrites dans la loi de programmation de finances publiques de 2009 à 2011 et mise en œuvre.
Une deuxième phase approfondit ces réformes et met l’accent sur l’amélioration de la qualité du service rendu à l’usager (par exemple la réduction des délais de traitement des démarches administratives). En outre, le champ de la réforme s’élargit au-delà de l’État en se portant sur les opérateurs, les hôpitaux et les organismes de sécurité sociale.
Pour mettre en place ces phases, la direction générale de la modernisation de l’État (DGME) conseille les administrations dans leurs stratégies de transformation. Elle identifie avec elles les leviers de modernisation les plus performants (« les accélérateur de transformation ») et les accompagne dans la mise en œuvre des plans de transformation et des décisions adoptées dans le cadre de la RGPP.
En outre, la RGPP s’appuie sur un suivi rigoureux pour garantir les résultats des réformes engagées. Elle est pilotée par le Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP) présidé par le Président de la République qui se réunit régulièrement et un Comité de suivi analyse et évalue l’avancement des mesures prises.
Ce suivi est synthétisé en un tableau de bord et un système de feux tricolores (vert, orange, rouge). La couleur du feu est fonction d’une étude de l’avancement des réformes selon des critères précis comme la structuration du projet, le respect du calendrier ou l’atteinte des résultats attendus. En outre, la publication semestrielle d’un baromètre permet de rendre compte de l’évolution de la qualité des services rendus au public sur chaque étape de la démarche d’un usager avec l’administration, de l’accueil jusqu’aux réclamations[4].
En mars 2011, 86 % des mesures avancent conformément aux objectifs initiaux et bénéficient d’un feu vert, 10 % ont nécessité une décision correctrice et se sont vues attribuer un feu orange et 4 % accusent des retards importants et sont actuellement en rouge[5].
Selon les prévisions la RGPP produira, sur la période 2009-2013, des gains de 15 Md euros. Pour la seule année 2011 ceux-ci sont estimés à 5,5 Md euros, qui se décomposeront comme suit : 3,5 milliards au titre des dépenses d’intervention, 0,9 milliard au titre des dépenses de personnel et 1,1 milliard au titre des dépenses de fonctionnement[6].
Si la réforme semble donc bien engagée, certaines voix s’élèvent sur son coût.
La Cour des comptes, mais aussi de nombreux députés pointent du doigt le prix à payer pour mener à bien ces réformes et s’interrogent sur ses gains réels, toutes les dépenses induites mises bout à bout. En effet, nombreux sont les observateurs qui argumentent, à juste titre, que les déficits en France n’ont jamais été aussi élevés depuis que d’importants chantiers de modernisation ont été mis en œuvre.
C’est l’empilement de réformes coûteuses dont les résultats sont longs à venir ou peu lucratifs en comparaison des sommes investies qui est fortement contesté aujourd’hui. Ce paradoxe trouve de nombreux exemples dans les actions menées actuellement et au jeu des additions et des soustractions, il faut ajouter dans la balance des dubitatifs, les coûts parfois exorbitants des opérations immobilières menées pour le compte des ministères, les primes de fusions, les harmonisations salariales etc. Ainsi par exemple, la création du Pôle Emploi, qui fusionne l’ANPE et l’UNEDIC nécessitera d’harmoniser les rémunérations des personnels des deux anciennes institutions. Ces harmonisations permettront d’aligner les salaires des agents de l’ANPE jusque lors moins bien payés que leurs collègues de l’UNEDIC. Cet alignement a été évalué à 200 à 300 millions d’euros dans l’hypothèse d’une harmonisation dans les cinq prochaines années. Les gains tirés d’une telle fusion devront donc aller bien au-delà de ces investissements de départ pour que la bourse de l’État en tire un réel profit.
En outre, les gains attendus ne sont pas toujours au rendez-vous.
L’application de la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a permis selon le Gouvernement de dégager 2,7 milliards d’euros économies sur les dépenses de masse salariale, évaluant à près de 100 000 les postes non remplacés entre 2009 et 2011. En 2012, le nombre de fonctionnaires de l’État devrait par conséquent revenir à son niveau des années 1990, ce qui équivaut à une réduction de 7 % de la fonction publique de l’État depuis 2007.
Toutefois, la Cour des comptes a rappelé dans son dernier rapport public annuel les constats qu’elle avait dressés en octobre 2010 dans son rapport relatif à l’évolution de la masse salariale de l’État : les économies induites par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux ne sont pas à la hauteur des attentes[6].
En effet, compte-tenu du coût des différentes mesures catégorielles et salariales liées à la réorganisation des services, de celui des heures supplémentaires, notamment à l’Éducation nationale, et d’un nombre de départs en retraite moindre que prévu, l’économie nette pour le budget de l’État a été d’environ 100 millions d’euros en 2009, quand 400 millions d’euros étaient initialement attendus[7]. Cet écart n’a pu être rattrapé malgré une application plus rigoureuse de la règle en 2010.
La RGPP est donc née de la volonté louable de réduire les dépenses de l’État tout en assurant un niveau de service élevé et une carrière motivante pour les agents. Aujourd’hui plus des trois quarts des actions lancées sont en cours de réalisation et ne connaissent pas de difficultés particulières de mise en œuvre.
Toutefois, une certaines lassitude de la réforme notamment de la part des employés publics se fait ressentir. Ces derniers sont de moins en moins mobilisés et si la RGPP n’est pas rejetée en bloc, c’est sa mise en œuvre aujourd’hui qui convient très peu aux hauts fonctionnaires, toutes fonctions publiques confondues.
Ainsi, plus de 2 hauts fonctionnaires sur 3 réclament que la RGPP soit modifiée à partir de 2012, selon l’enquête de l’IFOP pour Acteurs publics. Ils sont même 25 % à demander sa suppression[8].
En outre, le grand public connaît mal les enjeux de la RGPP qui en ce temps de crise est pourtant un instrument important de maîtrise des déficits publics pour la France.
Il est capital que l’État sache mobiliser son administration et le grand public autour de cette réforme et surtout que cette dernière soit menée dans sa globalité. L’impératif de diminuer la dépense publique et l’application de la règle du « un sur deux » de manière systématique ont accrédité l’idée que la RGPP avait pour seul objectif de réduire la dette mais il est clair qu’il ne peut être la seule finalité : l’adaptation de l’organisation de l’État à des missions recentrées et la valorisation du travail et du parcours des agents sont primordiales.
[1] Le déficit public en France est de 5.7% du PIB en 2011.
[2] Source : Moodys
[3] Site internet de la RGPP
[4] RGPP : 5ème Conseil de modernisation des politiques publiques, Mars 2011 disponible à l’adresse suivante
[5] Assemblée nationale, M. Zumkeller Michel, Question écrite N° :105007, 19 Septembre 2011 disponible à l’adresse internet suivante
[6] Cour des comptes, Rapport annuel public 2011 disponible à l’adresse internet suivante
[7] Assemblée Nationale, Rapport d’information conclusion des travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sur la soutenabilité de l’évolution de la masse salariale de la fonction publique, Octobre 2011
[8] Acteurs Publics, Les cadres publics veulent tourner la page de la RGPP, Avril 2011 disponible à l’adresse suivante