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La sécurisation des passages à niveau

La SNCF et les autorités œuvrent à la sécurisation des passages à niveau, un chantier de taille sur les infrastructures, comme sur les comportements.

La SNCF et les autorités œuvrent à la sécurisation des passages à niveau, un chantier de taille sur les infrastructures, comme sur les comportements.

Depuis les années 70, la sécurisation des passages à niveau (PN) est un véritable enjeu pour la SNCF. En effet, il s’agit de la 2ème cause de mortalité ferroviaire derrière les suicides. Chaque année en moyenne, la SNCF dénombre une centaine de collisions qui entrainent une trentaine de morts et 15 blessés[1]. A relativiser au regard des chiffres de la sécurité routière qui font état de 3477 tués en 2016[2].

Quelles sont les actions mises en œuvre pour maitriser ces risques ?

Une responsabilité accablante des usagers de la route

Les véhicules légers représentent 90% des collisions, et celles-ci sont à 98% imputables à un mauvais comportement de l’usager[3]. 20% des sondés[4] déclarent avoir déjà pris un risque au franchissement d’un passage à niveau, généralement par le non-respect de la signalisation routière. Pourtant, le code de la route reconnait la priorité absolue au train. Ce dernier, lancé par exemple à 90km/h, met 800m à s’arrêter : il est donc très rare que le conducteur du train puisse éviter l’accident. Précisons qu’il n’existe aucun passage à niveau sur le réseau grande vitesse (LGV) mais que l’on peut croiser des TGV ou des trains circulant jusqu’à 180km/h sur des lignes classiques équipées de PN.

A noter que le dysfonctionnement d’un PN entraine généralement l’arrêt et le blocage de l’une ou l’autre des circulations. Le plus souvent, il s’agit de la circulation routière puisque le PN est conçu pour déclencher la fermeture par gravité des barrières en cas de défaillance, jusqu’au rétablissement du service par les techniciens de maintenance de SNCF Réseau. La gendarmerie nationale est en général sollicitée pour réguler le trafic routier pendant la durée de la panne.

Le risque zéro n’existant pas, il subsiste des failles dans les systèmes de PN. Une de ces failles survient dans le cas de croisement ou de suivi rapproché de trains, justifiant le message bien connu des automobilistes ‘un train peut en cacher un autre’. La SNCF a d’ailleurs été condamnée en 2016 à 200 000€ d’amende pour la défaillance d’un passage à niveau ayant entrainé un mort 10 ans auparavant.

Un programme de sécurisation national bâti en collaboration avec l’état

Pour réduire le nombre de victimes, la SNCF et le ministère des transports ont pris des mesures drastiques. Ainsi, dès 1997, un programme de sécurisation national[5] a été défini par l’état et l’instance nationale de sécurisation des passages à niveau. Son objectif est de diviser par 2 le nombre d’accidents en 10 ans.

Le programme répertorie les plus dangereux parmi les 15 000 passages à niveau de France (contre 25 000 en 1980 et 33 000 en 1938). Celui de Jonches où 2 personnes sont mortes le 14 janvier en faisait partie, mais pas celui de Millas où un car scolaire a été percuté par un TER en décembre. Cette liste est mise à jour tous les 3 ans en se basant sur le nombre d’accidents des 10 dernières années et les trafics ferroviaires et routiers. De 437 à sa création en 1997, les travaux de sécurisation ont permis de ramener la liste à 163 passages jugés à risque, au 1er janvier 2017.

Ce programme de sécurisation national est construit selon 4 axes :

-           Informer et responsabiliser le conducteur proche.

-           Mobiliser tous les acteurs et réunir les moyens financiers

-           Poursuivre et accélérer un programme systématique de traitement des passages à niveau

-           Proscrire la création de tout nouveau passage à niveau

 

Les avancées réalisées sont désormais suivies en comité ministériel dédié.

 

A l’identification d’un passage à niveau prioritaire, des mesures provisoires sont prises en attendant la réalisation des travaux. Il peut s’agir, selon le diagnostic, de réductions de vitesse routière et/ou ferroviaire (parfois combinée à l’installation de radars de vitesse), de l’interdiction de certains types de véhicules, etc.

Les travaux de suppression coûtent entre 5 et 7M€, et sont financés à 50% par SNCF Réseau et l’Etat, avec la participation complémentaire des collectivités territoriales. En 2015, 8 passages à niveau ont été supprimés, puis 4 en 2016, avec des délais d’étude et de réalisation de 5 ans environ, à partir de l’accord de toutes les parties impliquées. En tout, cela représente une charge de 60M€ par an pour les collectivités[6].

 

Au vu des montants en jeu, il est donc complexe de tous les supprimer (on parle bien d’un programme de sécurisation et non de suppression). Les solutions alors prises pour réduire les risques sont l’ajout de feux à diodes permettant une meilleure visibilité (les 163 prioritaires en sont désormais équipés), l’élargissement du flux piéton, la reprise de profil de la route (suppression de dos d’âne, élargissement de la chaussée, suppression de chicane ralentissant trop les véhicules longs, etc.), l’automatisation, l’amélioration des marquages au sol, etc.

La SNCF innove et développe également des solutions digitales. On pense notamment aux 80 radars de franchissement de PN mis en place à fin 2016, avec des amendes s’élevant à 135€ et un retrait de 4 points sur le permis de conduire. Des détecteurs d’obstacles (un radar centimétrique tournant capable de détecter la présence d’automobilistes à partir de mesures physiques) sont également en phase d’expérimentation depuis 2016. Ils peuvent signaler la présence d’un obstacle au train pour qu’il puisse freiner à temps.

Un travail de fond est également mené pour sensibiliser les usagers au danger que représente le passage à niveau : 10ème journée nationale de sécurité routière aux passages à niveau, prévention en milieu scolaire, etc. Des mesures simples d’information des usagers peuvent également permettre d’éviter un drame, comme les autocollants ‘barrières cassables’ pour informer les automobilistes qu’elles sont conçues pour permettre au véhicule coincé sur les voies de se dégager. Les publicités sont également ôtées à l’approche d’un PN pour réduire les distractions possibles.

Ce programme porte ses fruits puisque les chiffres présentent une tendance à la baisse alors que les trafics routiers et ferroviaires sont en hausse sur la même période.

Les accidents mortels de passages à niveau, Claude GOT, site de la sécurité routière

Qu’en est-il par rapport à nos voisins européens, sur des réseaux comparables ?

Le Guardian avait publié en 2008 une étude qui comparait les chiffres d’accidentologie aux PN. La Grande-Bretagne y fait figure de bon élève, suivie de près par l’Espagne, la France et l’Allemagne pour les chiffres ramenés au nombre d’habitants. Ces chiffres sont toutefois à modérer puisque les réseaux britanniques et espagnols sont moins étendus que ceux de l’Allemagne et de la France (15 000 km contre 30 000 et 40 000 km respectivement, environ). Il y a également uniquement 6 000 PN en Angleterre, soit environ moitié moins qu’en France.

Chiffres UIC, le Guardian, How we compare in Europe

Network Rail, gestionnaire d’infrastructure du réseau ferroviaire britannique communique également autour du « level crossing risk reduction programme », son programme de réduction des risques aux passages à niveau.

DB Netz, son homologue allemand a quant à lui réduit de moitié[7] le nombre de passages à niveau depuis 1992, pour atteindre un chiffre équivalent à celui de la France.

Le Portugal, qui présentait en 2010 un passage à niveau tous les 1,1km de voies, a réussi à en fermer 65%[8] avec un plan ambitieux de 350M€ investis en 17 ans et un impact significatif sur les statistiques de sécurité.

En dehors de l’Europe, enfin, un grand programme de suppression est également en cours à Melbourne. La métropole australienne comptait à elle seule 178 passages à niveau en 2015, avec de forts impacts sur la circulation en heures de pointes, qui accentuent la prise de risques par les usagers.

Conclusion

Depuis la prise de conscience de l’ampleur du chantier dans les années 90, les démarches de sécurisation des passages à niveau sont lancées à la SNCF comme chez ses concurrents internationaux.

Toutefois, ces politiques de prévention et de sécurisation mettent du temps à produire des effets mesurables, du fait de l’assimilation du message par le public et des délais de réalisation des travaux à l’échelle du réseau.

1 Site SNCF sur la sécurité aux passages à niveau

2 Observatoire national interministériel de la sécurité routière 2016

3 Site SNCF sur la sécurité aux passages à niveau

4 Etude TNS Sofres menée en 2015

5 Ministère de la transition écologique et solidaire

6 Chiffres 2016 du ministère de la transition écologique et solidaire

7 Site de la Deutsche Bahn

8 Etude de l’European Railway Review