La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Le secteur du bâtiment est le plus gros consommateur d'énergie en France avec 43% de l'énergie finale totale et génère 25% des émissions de gaz à effet de serre. Pour agir sur ce secteur, plusieurs réglementations thermiques se sont succédées avec en ligne de mire le bâtiment à énergie positive.
La réglementation thermique 2012 aura comme principal objectif de limiter l'impact des constructions neuves sur l'environnement. Mais elle suscite de nombreux mécontentements auprès des électriciens qui voient dans cette réglementation la fin du chauffage électrique. Et pourtant il devient un problème majeur pour notre système électrique.
La RT 2012 s'appliquera sur les bâtiments neufs et entrera en vigueur le 28 octobre 2011 pour les bâtiments tertiaires et le 1er janvier 2013 pour les bâtiments à usage d'habitation. Elle repose sur trois indicateurs exprimant trois exigences :
1 - L'efficacité énergétique du bâti doit être inférieure à l'indicateur Bbiomax[1]. Cet indicateur permet de caractériser l'impact de la conception propre du bâti sur la performance énergétique (chauffage, refroidissement et éclairage). Elle impose une optimisation du bâti indépendamment des systèmes énergétiques mis en oeuvre. La limitation est modulée en fonction de la typologie du bâtiment, sa localisation géographique et son altitude. Ainsi, les contraintes climatiques des logements se trouvant dans le Nord de la France et/ou à haute altitude seront prises en compte.
2 - La consommation énergétique en énergie primaire des 5 usages suivants : chauffage, refroidissement, éclairage, production d'eau chaude sanitaire et auxiliaires (pompes, ventilateurs) doit être inférieure à l'indicateur Cepmax[2] dont la valeur moyenne est de 50 kWhEP/(m2.an). Cette valeur sera à moduler suivants plusieurs critères : localisation géographique, type de bâtiment, altitude, surface moyenne des bâtiments du logement, émissions de gaz à effet de serre pour usage de bois ou réseau de chaleur. Cette dernière modulation se traduira par une autorisation à consommer plus si on utilise du bois ou un réseau de chaleur.
3 - Le confort d'été porte une exigence sur la température intérieure la plus chaude atteinte au cours d'une séquence de 5 jours d'été chauds. Cette dernière ne doit pas excéder une valeur limite Ticmax[3]. Le bâtiment doit être construit de manière à assurer un bon niveau de confort en été sans avoir à recourir à un système de refroidissement.
A ces limitations s'ajoutent des exigences de moyens telles que le recours obligatoire aux énergies renouvelables ou à des systèmes très performants (micro-cogénération ou appareils thermo-dynamiques) en maison individuelle.
En effet, l'exigence de consommation (50 kWh/m2) porte sur l'énergie primaire et non sur l'énergie finale. L'énergie finale se situe à la fin de la chaîne de transformation de l'énergie et prend en compte les différentes pertes liées à la production, à la transformation, au transport et au stockage. C'est l'énergie que le consommateur utilise directement. L'énergie primaire correspond quant à elle à l'énergie nécessaire à la production de l'énergie finale et se trouve au début de la chaîne. La RT 2012 applique donc les coefficients suivants pour prendre en compte les pertes d'énergies issues de cette transformation :
Electricité : 1 kWh énergie finale = 2,58 kWh énergie primaire
Autres énergies : 1 kWh énergie finale = 1 kWh énergie primaire
Bien que ces coefficients soient relativement conformes à la réalité (pour le gaz et le fioul, on omet quand même toute l'énergie mobilisée en amont de la mise à disposition et nécessaire au transport), l'usage principal de l'électricité dans une construction neuve se voit nettement condamné. Dans ce cas, la consommation d'énergie par l'utilisateur ne devra pas dépasser 19,3 kWh/m2.an tandis que les convecteurs électriques sont le moyen de chauffage qui consomme le plus d'énergie actuellement.
Cette condamnation cachée de l'électricité dans les constructions neuves a déjà révolté des groupes de professionnels du matériel électrique (Uniclima et Gifam) et une association dont EDF fait partie. Plusieurs actions ont été menées pour tenter d'annuler ou de modifier la RT 2012 mais il y a peu de chances pour qu'elles aboutissent. Ces mécontents expriment notamment le souhait que l'électricité (tout comme le bois) soit autorisée à consommer plus étant donné ses faibles émissions de CO2. Il faudrait d'ailleurs s'interroger sur le manque d'une limite d'émissions de CO2 dans la RT 2012. Cependant, il est à noter que la montée en puissance du chauffage électrique devient de plus en plus problématique pour notre système électrique.
Aujourd'hui, le système électrique français rencontre de nombreux problèmes en hiver lors de pointes « record ». Quotidiennement, ces besoins importants en puissance sont satisfaits par la mise en route de centrales polluantes, et le recours massif à l'importation d'électricité en base charbon. La pointe d'électricité implique donc des investissements couteux et émetteurs de CO2. Ce même phénomène de pointe peut aussi s'observer sur une année. Le caractère saisonnalisé du chauffage électrique est en cause, il structure et dimensionne le système électrique.
Une diminution ou plutôt un arrêt de la montée en puissance du chauffage électrique éviterait donc un surdimensionnement du système électrique responsable d'émissions fortes de CO2.
Ainsi, la prise en compte d'un facteur de conversion énergie finale - énergie primaire de 2,58 pour l'électricité dans la RT 2012 pénalise clairement le chauffage électrique. Les électriciens, mécontents, défendent l'électricité sur ses faibles émissions de gaz à effet de serre. La nécessité de ce combat peut cependant être questionnée sachant que la pointe électrique est une problématique grandissante et en tout état de cause, les privilégiés de cette réglementation sont la biomasse et la géothermie qui émettent très peu de CO2.
Notes :
(1) Bbiomax : Besoin bioclimatique maximal
(2) Cepmax : Consommation d'énergie primaire maximale
(3) Ticmax : Température intérieure maximale