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L'avenir menacé du diesel en France

Favorisé pendant plusieurs décennies avec une politique fiscale avantageuse, le diesel est voué à ne plus bénéficier de telles mesures.

La promulgation de la loi de transition énergétique pour la croissance verte, prévoit de réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990 et de réduire la consommation d’énergie fossile de 30% d’ici 2030. Différentes mesures ont été prises afin de limiter le nombre de véhicules thermiques et en particulier à motorisation diesel sur les routes françaises. Favorisé pendant plusieurs décennies avec une politique fiscale avantageuse, le diesel est voué à ne plus bénéficier de telles mesures. Egalement critiquées pour leur impact sur l’environnement et la santé, les ventes de véhicules diesel sont en chutes depuis 2012, passant de 73% des ventes en 2012 à 52% seulement en 2016. Entre les différents scandales, le changement de fiscalité et le durcissement des normes, l’hégémonie du diesel est-elle en passe de disparaitre ?

Une politique fiscale plus contraignante

Le gouvernement a décidé de progressivement diminuer l’avantage fiscal du diesel par rapport à l’essence, d’une part sur le prix du carburant à la pompe, qui touche l’ensemble des automobilistes, et d’autre part sur la récupération de la TVA à l’achat d’un véhicule pour les entreprises.

Le prix du carburant à la pompe devrait progressivement s’aligner sur celui de l’essence et pour cela le gouvernement va jouer sur le levier fiscal. La taxe sur les carburants se compose de deux éléments :

- TICPE : Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Energétiques, définie chaque année par la loi de Finances, qui diffère aujourd’hui selon le carburant.

- TVA : Taxe sur la valeur ajoutée qui s’applique sur l’ensemble et donc sur la TICPE. Son taux est de 20%.

La TVA en plus de s’appliquer une première fois sur le produit hors taxes, s’applique une seconde fois sur le montant de la TICPE. Une augmentation de 3c€/l de diesel de la TICPE comme au 1er janvier 2017 provoque une augmentation complémentaire de 0,6c€/l à la pompe.

Le but final étant que, d’ici 2022, l’écart entre les deux carburants à la pompe soit effacé en effectuant une modulation tarifaire de « +1/-1 » sur le taux de la TICPE.

Evolution de la TICPE sur les carburants

Sur 2016, en moyenne la différence à la pompe entre diesel/SP95-E10 était de 0,17c€/l et de 0,26c€/l entre diesel/SP98. Sur le 1er trimestre de l’année 2017, la différence est passée à 0,12c€/l et 0,21c€/l respectivement, soit une diminution de l’écart de 23% et de 19% respectivement.

L’achat d’un véhicule diesel ayant toujours été plus couteux par rapport à son homologue essence, la rentabilité s’opérait alors sur le long terme grâce à la consommation moindre des véhicules diesel par rapport à l’essence et au plus faible coût du litre de diesel à la pompe. Mais pour cela fallait-il encore parcourir des distances suffisamment importantes pour que ces différences compensent celle à l’achat.

En prenant la Renault Clio 4, modèle le plus vendu de l’année 2016, il faut réaliser pas moins de 110 000km avant que le modèle Diesel soit plus économique que le modèle essence, avec le système de taxation actuel. La moyenne annuelle de la distance parcourue par les automobilistes français étant de 18 000km/an, le modèle diesel est ainsi plus rentable après environ 6 ans.

Coût du carburant prévisionnel par kilomètre sur Renault Clio 4 en 2017 et 2022

Avec l’alignement progressif de la fiscalité du diesel sur celle de l’essence, le temps nécessaire à rentabiliser l’investissement dans un véhicule diesel par rapport à un véhicule essence sera de plus en plus long. Avec des taxes identiques pour les deux carburants et en supposant un rapprochement symétrique – coût des véhicules et consommations unitaires égaux par ailleurs – il faudrait 8 ans pour que le diesel soit plus économique que l’essence.

En parallèle, pour les véhicules de tourisme et utilitaires pour lesquels la TVA est déductible des achats de carburant, des évolutions fiscales ont également été réalisées dans le cadre de la loi de finance de 2017 (entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2017). Un alignement progressif sur 5 ans du régime de déduction pour l’essence, à partir de 2017 pour les voitures particulières et à partir de 2018 pour les véhicules utilitaires. Actuellement les déductions sont de 80% pour les véhicules de tourisme diesel et de 100% pour les véhicules utilitaires diesel.

Dans le secteur du transport routier (personnes, marchandises), où les distances moyennes parcourues sont importantes et avec de fortes consommations unitaires, le diesel présente toujours un avantage compétitif à l’heure actuelle mais les écarts vont se resserrer à moyen terme et cet avantage ne sera plus garanti sur la durée de vie du véhicule.

Un soutien aux technologies alternatives et moins polluantes

Les bonus et primes écologiques en faveur l’hybride ou du tout électrique devraient contribuer encore un peu plus au déclin du diesel automobile qui ne bénéficie plus d’une image positive. Le gouvernement encourage fortement l’achat d’un véhicule électrique ou hybride essence et de se débarrasser de son ancien véhicule diesel. Les ventes de véhicules électriques ont ainsi progressé de 23% selon l’Avere sur le 1er trimestre 2017 par rapport au 1er trimestre 2016, poussées par le bonus maximal de 10 000€ qui rend l’achat et le coût d’usage bien plus abordables.

Critères et montants d'éligibilité

A l’inverse d’aides financières pour des véhicules plus propres, une réglementation plus stricte envers les véhicules polluants est développée et vise notamment les véhicules diesel, comme avec la pastille Crit’Air mise en place par le ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer. Cette pastille a pour objectif de classer les véhicules en fonction de leurs émissions polluantes, de 1 à 5 (5 étant pour un véhicule plus polluant) avec une vignette spéciale pour les véhicules électriques. Cette pastille doit permettre de moduler les conditions de circulation et de stationnement et ainsi favoriser les véhicules moins polluants surtout lors de pics de pollution. Ce dispositif permettra également de rendre les villes plus respirables avec des zones de circulation restreintes (ZCR). Paris, Lyon et Grenoble l’on déjà adopté.

Par ailleurs, la maire de Paris, Anne Hidalgo, a décidé de bannir les véhicules diesel et les véhicules essence les plus polluants dans la capitale à partir de 2020. A l’heure actuelle, ce sont les voitures particulières qui ne peuvent prétendre à une pastille Crit’Air (4,4% du trafic parisien),qui sont soumises aux restrictions de circulation dans la capitale, peu importe le type de motorisation. A partir de juillet 2017, les voitures particulières estampillées Crit’Air 5 (3%) seront soumises aux restrictions, soit les véhicules diesel immatriculés avant le 1er janvier 2001. Et la restriction s’étendra progressivement aux autres catégories. Il est à noter que la pastille Crit’Air 4 (9,9%) ne concerne également que les véhicules diesel immatriculés entre le 1er janvier 2001 et le 31 décembre 2005. Les véhicules essence immatriculés entre le 1er janvier 1997 et le 31 janvier 2005 sont automatiquement classés en catégorie 3.

Répartition par certificat de qualité de l'air des voitures particulières circulant à Paris

Il y a là une forte volonté du gouvernement et des villes pour décourager les propriétaires de véhicules diesel à les utiliser et pour ceux qui souhaiteraient acquérir un véhicule de se tourner vers cette technologie. Pour l’instant, il n’y a qu’à Paris, Lyon et Grenoble que la vignette est obligatoire et où des restrictions sont appliquées en fonction des horaires et/ou de la qualité de l’air. Prochainement ce seront 20 autres agglomérations et collectivités qui devraient suivre : Lille, Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Dijon, Rouen et Avignon… Ce sont les villes issues du projet « Villes respirables en 5 ans », projet lancé par le Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer et qui bénéficieront d’une aide financière pour développer des projets innovants et luttant contre la pollution de l’air.

Les problématiques de pollution locale, à l’origine des initiatives listées ci-dessus, sont au cœur des enjeux de santé publique. Bien qu’un véhicule diesel soit moins émetteur de CO2, gaz à effet de serre, qu’un véhicule essence, il est grand émetteur de particules fines et d’oxydes d’azote. Ces émissions seraient notamment responsables de maladies cardiovasculaires, de crise d’asthme ou encore de maladies bronchiques. Selon l’Agence Santé publique France, la pollution aux particules fines serait responsable de pas moins de 48 000 décès chaque année et conduirait à une perte d’espérance de vie de 2 ans, passé 30 ans. En complément du développement des technologies alternatives, les normes européennes d’émission deviennent de plus en plus strictes pour respecter ces enjeux environnementaux et de santé publique. Les constructeurs ont donc été amenés à innover tout en valorisant cette technologie mature dans laquelle ils ont fortement investi par le passé.

Les hybrides diesel : une alternative pour l’avenir du diesel en France ?

Dans ce contexte, les constructeurs français ont décidé de développer une technologie plus propre dite « hybride diesel » en combinant un moteur à propulsion électrique et un moteur thermique diesel, à l’image des véhicules hybrides essence. Le développement de la technologie hybride diesel plutôt qu’un hybride essence, peut s’expliquer par une volonté, de la part des constructeurs, de renforcer et rentabiliser leurs infrastructures et lignes de production à l’origine de la fabrication de moteurs diesel.

Evolution du nombre d'immatriculation de voitures hybrides par type d'énergie en France

En 2011, le groupe PSA annonçait la sortie de son tout premier véhicule hybride diesel. Cette nouvelle technologie a connu un certain engouement sur le marché de l’automobile lors de son lancement. Ceci s’expliquait notamment par de faibles ventes de véhicules électriques sur le marché français dû aux prix élevés des batteries et à l’absence de bornes de recharge rapide sur le territoire français (seulement 3 en 2011).

Néanmoins après seulement 4 ans d’utilisation, le groupe PSA annonce en septembre 2015 l’arrêt de l’utilisation de cette technologie dans ses véhicules. Cet arrêt prématuré s’explique par des coûts difficiles à amortir (les moteurs diesel « dépollués » coûtent plus cher à produire que les moteurs essences de la même génération) et la non popularité des moteurs diesel sur les marchés hors Europe tels que les Etats-Unis, le Japon ou encore la Chine où la fiscalité vis-à-vis du diesel a toujours été plus restrictive. De plus, les subventions accordées aux véhicules hybrides essence et diesel ont diminué progressivement et se sont même arrêtées pour l’hybride diesel depuis 1er janvier 2016. Pour ces différentes raisons, les constructeurs automobiles et en particulier PSA, ont décidé de se tourner vers des technologies pouvant être vendues sur les différents marchés automobiles, comme avec l’hybride essence rechargeable, afin d’améliorer leur rentabilité et d’attirer de plus en plus d’acheteurs par les subventions avantageuses dont bénéficie cette nouvelle motorisation.

Des mesures inscrites dans le programme politique du président

Le programme du nouveau président Emmanuel Macron s’inscrit dans la prolongation des mesures présentées ci-dessus (voir notre infographie). Il prévoit notamment de prolonger les subventions pour les véhicules peu polluants et d’accélérer le déploiement de bornes de recharge électrique. Le diesel ne sera pas épargné puisqu’il prévoit également de continuer à aligner la fiscalité entre le diesel et l’essence. La poursuite des innovations des constructeurs devraient permettre un renouvellement du parc automobile français en accord avec les initiatives gouvernementales.