La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Le gaz de charbon est un gaz non-conventionnel présent dans les veines de charbon inexploité. Les ressources mondiales pourraient dépasser les 200000 milliards de m³ captifs. Essentiellement exploité aux Etats-Unis et en Australie, il fait l’objet de nouvelles perspectives de développement en France
Le gaz de charbon[i], ou gaz de houille, est un gaz captif présent dans les veines de charbon (couche géologique). C’est l’un des 3 types de gaz non conventionnels exploités aujourd’hui, avec le gaz de schiste et le « tight gas »[ii]. On différentie le gaz de charbon du « gaz de mine », présent dans les galeries des mines de charbon, dont la composition est d’ailleurs différente. Si le gaz de charbon est constitué à plus de 90% de méthane, une qualité qui permet son injection dans le réseau de transport, le gaz de mine n’est parfois composé qu’à 25% de méthane, et contient une part importante de dioxyde de carbone.
Les réserves de gaz de houille (ressources techniquement récupérables) sont estimées à 50 000 milliards de m³ à l’échelle mondiale par l’Agence Internationale de l’Energie, dont seulement 2 000 milliards de m³ en Europe. Les ressources potentielles mondiales de gaz de charbon sont toutefois beaucoup plus élevées, et pourraient dépasser les 200 000 milliards de m³ captifs.
Le gaz de charbon peut donc représenter une source non-négligeable pour les acteurs du gaz. L’exploitation du gaz de houille requiert des forages verticaux, utilisés depuis le début de l’exploitation du gaz de charbon, ou des forages horizontaux qui vont parcourir la couche de charbon, plus courant aujourd’hui grâce aux nouvelles avancées technologiques. Il s’agit dans les deux cas de faire diminuer la pression de l’eau présente dans les interstices des veines de charbon afin de libérer le gaz prisonnier, par un système de pompage. Si le débit de gaz n’est pas suffisant, les exploitants peuvent également recourir à la fracturation hydraulique[iii], si celle-ci est autorisée par la législation en vigueur.
De par la nature du gaz de charbon contenu dans les pores de la roche, il est très difficile de prévoir la quantité de gaz qui pourra être produite : cela dépend de la diffusion du gaz dans les micropores, et de l’écoulement eau-gaz du processus de pompage. La situation géologique influence également l’extraction du gaz de charbon : épaisseur de la couche de charbon, saturation en gaz, perméabilité impactent la production du gaz. Par ailleurs, le coût du capital, mais aussi le coût des opérations, va déterminer la viabilité de l’exploitation du gaz de charbon.
En 2014, les Etats-Unis ont produit plus de 50% de la production mondiale de gaz de charbon ; ce sont les premiers à avoir exploité ce gaz dès les années cinquante. Le Canada et l’Australie en produisent chacun environ 11%. Arrow Energy et BG Group[iv], deux entreprises australiennes, sont des acteurs majeurs de l’exploration et l’exploitation de gaz de houille dans le monde. Aux Etats-Unis, à l’image du reste du marché des hydrocarbures non-conventionnels, le marché est fragmenté et réparti entre des acteurs parfois locaux.
De son côté, la Chine a inscrit le gaz de charbon dans son 12ème plan quinquennal de l’énergie (2011-2015), et la production est passée de 5,6 milliards de m³ de gaz de charbon en 2009 à 14,1 milliards en 2014. Malgré une croissance importante sur les marchés internationaux, la production chinoise n’a toutefois pas décollé autant qu’il était attendu avec près de 20 ans d’exploration de ce gaz, en raison de contraintes techniques importantes (dont la nature des couches de charbon, plus humides et moins poreuses que les couches de charbon américaines, notamment). Le gouvernement chinois vient cependant de rehausser la subvention à l’exploration du gaz de charbon, de 0,2 yuan (0,027€) par m³ à 0,3 yuan (0,04€) par m³ extrait. PetroChina est aujourd’hui l’exploitant majeur de ce gaz en Chine.
En Europe, les réserves de gaz de charbon se situent majoritairement en Ukraine, en Angleterre, dans la zone frontalière de l’Allemagne et des Pays-Bas, dans une zone restreinte entre la Pologne et l’Autriche, mais aussi dans le Nord de la France et en Alsace-Lorraine, deux anciennes grandes régions minières.
Le Royaume-Uni exploite le gaz de charbon depuis 2009, et une petite production existe également en Allemagne dans la région de la Ruhr. La France compte seulement une exploitation de gaz de mine dans le Nord de la France, mais aucune exploitation de gaz de charbon ; toutefois, la situation semble être amenée à évoluer avec le développement de l’acteur Française de l’Energie (anciennement European Gas Limited, renommée en 2015), qui prévoit un démarrage de ses activités d’exploitation du gaz de houille en 2017[v].
En France, la filière est portée par La Française de l’Energie, une SAS française, ancienne filiale du groupe australien Kimberley Oil créée en 1996. La société a d’ores-et-déjà entamé ses activités en vue de l’exploitation du gaz de charbon avec l’obtention de permis d’exploration pour des sites situés en Lorraine (premier permis obtenu en 2012). Les ressources contenues dans le sous-sol lorrain sont estimées à près de 3 années de consommation de gaz françaises, soit plus de 100 milliards de m³ de gaz (une estimation certifiée par le BEICIP, filiale de l’Institut Français du pétrole et des énergies nouvelles (IFP-EN))[vi]. Quant aux ressources potentielles totales de la France en gaz de houille, bien qu’il s’agisse d’une estimation mouvante, elles sont évaluées à près de 6 années de consommation de gaz française par la Française de l’Energie[vii].
Un premier forage a été réalisé en Moselle en 2015 par la Française de l’Energie, qui présenterait des résultats « très encourageants »[viii]. La société a été introduite en bourse le 10 juin dernier pour un total de 37,5 M€[ix]. L’objectif affiché par la PME est de fournir 5% de la consommation annuelle de gaz des français d’ici à 2025.
Parmi les arguments avancés pour soutenir l’essor de cette nouvelle filière, la Française de l’Energie met en avant un timing idéal pour investir dans ce nouveau type infrastructure gazière, avec un niveau de prix très bas aujourd’hui, mais également le « made in France » du gaz issu du charbon lorrain, qui aurait toute sa place dans le futur mix énergétique français. Le projet avait notamment séduit Arnaud Montebourg, alors Ministre du Redressement productif, en apportant la promesse d’un potentiel de création d’emploi dans une région relativement sinistrée suite à l’arrêt de l’exploitation du charbon. Plus récemment, les perspectives de l’industrie du gaz de charbon en France étaient également défendues par Emmanuel Macron, ex-Ministre de l’Économie, qui présentait le gaz de charbon comme une opportunité industrielle « à saisir »[x], qui répond à l’enjeu de sécurité et de diversification des ressources énergétiques nationales – dans un contexte de stagnation sinon de diminution de la consommation de gaz en France, toutefois.
La viabilité d’un projet de développement de l’exploitation du gaz de charbon dépend des possibilités d’injection de ce gaz dans le réseau de gazoducs français. Si le gaz de charbon est stable et présente les propriétés du gaz injecté dans le réseau, il faut toutefois que le maillage du réseau de transport français soit favorable à son injection. La proximité des zones de production du gaz de charbon avec l’infrastructure de transport existante est donc nécessaire, afin que les coûts de développement restent raisonnables. A ce titre, le réseau de transport est dense dans la région lorraine, et les sites clés de la Française de l’Energie proches du réseau de transport de gaz.
Il faut également noter que la production de gaz de charbon est réalisée à basse pression, ce qui nécessite une compression du gaz avant son injection dans le réseau. Ainsi, tout développement ne pourra se faire qu’en partenariat étroit avec le réseau de transport de gaz français, à moins de développer des circuits courts, pour des usages locaux. A défaut, le gaz de charbon extrait pourrait être utilisé pour produire de l’électricité grâce à un générateur sur place. Cette option, qui n’est pas annoncée à date par la Française de l’Energie, changerait radicalement le modèle économique de l’installation d’exploitation de gaz de charbon, puisqu’il ne serait plus question de vendre des capacités de gaz, mais d’injecter de l’électricité sur le réseau.
Si le projet de la Française de l’Energie est ambitieux, un grand pas reste à franchir entre la mobilisation des réserves avec l’obtention des permis de forer, et la production industrielle. Cette exploitation devra également faire face à des réserves émises quant à la sûreté environnementale, malgré l’argument du regain d’attractivité économique de sites jusqu’alors délaissés.
Hélène Tabuteau
[i] On différencie le gaz de charbon du « gaz de mine » plus connu sous le nom de « grisou » : il s’agit du gaz de charbon qui s’est libéré et est présent dans les galeries des mines de charbon ; sa composition en devient d’ailleurs différente.
[ii] Le « tight gas » est un gaz de réservoir compact, présent dans des roches très peu perméables
[iii] Fracturation hydraulique : fracturation de la roche en injectant de l’eau mélangée à des agents afin de pénétrer les fissures et de stimuler la libération du gaz
[iv] Source : Grand View Research (http://www.grandviewresearch.com/industry-analysis/coal-bed-methane-industry)
[v] Site de la Française de l’Energie
[vi] Voir le site de la Française de l’Energie : http://www.francaisedelenergie.fr/La-Francaise-de-l-Energie-en-Lorraine-aujourd-hui
[vii] Source : Interview de Julien Moulin (http://www.capital.fr/bourse/interviews/mieux-que-le-gaz-de-schiste-le-gaz-de-charbon-un-nouvel-eldorado-pour-la-france-1110681)
[viii] http://www.petrole-et-gaz.fr/gaz-de-houille-egl-devient-la-francaise-de-lenergie-4919/
[ix] Source : http://www.zonebourse.com/EURONEXT-16725768/actualite/Euronext-La-Franca...
[x] Source : Challenges (http://www.challenges.fr/challenges-soir/20160527.CHA9769/apres-le-gaz-de-schiste-le-gaz-de-houille-lorrain-sur-lequel-parie-macron.html)