La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Le Black Friday un phénomène américain devenu incontournable en France (prévision à 5,7 milliards d'euros en 2018) avec une part d'activité toujours plus importante en ligne (+ 30% par an en moyenne).
Le week-end du black Friday génère un tiers d’activité (hors alimentaire) par rapport aux semaines qui précèdent, et marque le début d’un plateau haut qui continue jusqu’à noël (avec une pointe la semaine précédent noel). Ainsi le Black Friday marque maintenant le début de la période des achats de fin d’année. La vente à distance en profite bien sûr, ce qui s’ajoute à la croissance régulière eu e-commerce à un rythme actuel de 10% par an.
Par ailleurs, un autre temps fort promotionnel apparaît : le single day d'Alibaba qui a commencé à s'exporter en France et en Europe cette année (plus de 30 milliards de dollars en 2018 en une journée, plus d'un milliard bons de commande par la filiale logistique d'Alibaba). Ces temps forts « mondiaux » pourraient à terme prendre le dessus sur les soldes, planifiées selon un calendrier spécifiquement français.
Réductions monstres, promotions exceptionnelles et offres spéciales : depuis maintenant 4 ans, quelques semaines avant Noël (le 23 novembre en 2018), les mêmes promotions monstres déferlent sur la Toile et dans les magasins physiques de l’Hexagone avec des réductions allant de -30 à -80%. Mais qu’est que le Black Friday ? Quelles en sont les règles ? Quelles sont ses perspectives de développement ? Qui en profite vraiment ? Nous vous proposons dans cet article de répondre à ces questions.
Les premières promotions massives sont apparues dans les années 60 aux Etats Unis le lendemain de Thanksgiving (fixé au quatrième jeudi de novembre). Cette fête aussi populaire que Noël outre-Atlantique est l’occasion de se réunir en famille pour « gracier la dinde » et également profiter d’un jour férié (assez peu nombreux aux USA). A l’époque, les commerçants ont commencé à proposer de grandes ristournes pour célébrer l’évènement. Ce jour est devenu si rentable qu’il leur a permis de faire basculer les comptes du rouge (déficit) au noir (rentabilité) et ainsi commencer à gagner de l’argent d’où le nom de « Black Friday » ou vendredi noir.
Le Black Friday est au fil du temps devenu un véritable phénomène de société aux USA, tellement incontournable que certains employeurs accordent un jour de congé à leurs salariés. En effet, les américains se ruent dans les magasins donnant lieu à des scènes incroyables : des marées humaines faisant la queue devant les grandes enseignes pour anticiper leurs achats de Noël. En quelques heures, ce sont plus de 50 milliards de dollars [1] qui sont dépensés et cela chaque année. Pour les commerçants, c’est l’occasion rêvée de profiter du week-end prolongé pour attirer les clients avec des prix cassés et de faire du chiffre tandis que les consommateurs se prennent au jeu de cette frénésie.
Lors de l’édition 2017 aux Etats-Unis, 174 millions de personnes ont réalisé des achats dans les cinq jours autour du Black Friday (du jeudi de Thanksgiving au lundi du Cyber Monday inclus) dont 77 millions dans un magasin physique. Les américains ont dépensé en moyenne 335 dollars par personne portant le chiffre d’affaires global à 58 milliards de dollars.
Cette tradition s’est progressivement étendue à l’ensemble du monde dont la France en 2014, portée notamment par le géant de l’e-commerce Amazon. L’engouement des e-commerçants pour le Black Friday en France réside dans le fait qu’au contraire des soldes qui sont très encadrées, ils peuvent choisir sans restriction les produits en promotion. Plusieurs marques en profitent pour proposer l’ensemble de leur magasin avec une mise en avant des sorties récentes alors que les soldes portent surtout sur des produits à déstocker mais elles attirent de moins en moins les consommateurs du fait des promotions qui se multiplient tout au long de l'année et de la concurrence du commerce en ligne.
Contrairement aux USA où le Black Friday est réservé aux magasins physiques tandis que le Cyber Monday (comme son nom l’indique) se fait en ligne, le Black Friday s’organise en France à la fois dans les magasins et sur les sites marchands. En règle générale, les offres sont valables pendant plusieurs jours en fonction des choix de chaque enseigne.
La plupart des grandes enseignes françaises y participent : spécialistes de produits électroniques, de mode, agences de voyage ou encore acteurs de la grande distribution, l’évènement est devenu incontournable pour les commerçants. En effet c’est une véritable aubaine : le mois de novembre est habituellement un mois très morose pour la consommation : la rentrée est passée et les achats de Noël se font attendre. De plus, le Black Friday permet aux enseignes de déstocker avant d’installer en devanture les produits phares de Noël. D’un autre côté, les produits vendus étant en promotion, l’enjeu est donc surtout en termes de visibilité, d’attraction des clients et de génération d’achats connexes.
Les catégories les plus sollicitées sont la mode et accessoires (37%) ainsi que l’électronique et la téléphonie (19%). Ces dernières participent notamment à séduire les jeunes consommateurs qui sont de gros acheteurs en ligne : 29 % des acheteurs avaient entre 25 et 34 ans, 22 % entre 18 et 24 ans et 19 % entre 35 et 44 ans en 2017. [2]
Le Black Friday connait de plus en plus d’adeptes, c’est la raison pour laquelle les campagnes de communication sont massives chez les cybermarchands (campagnes publicitaires, sites Internet dédiés...). En effet, cet évènement est devenu la plus grosse journée de vente pour l’e-commerce. Le panier moyen en 2017 atteignait 187€ en France (Black-Friday sale). Au total, plus de 5,4 milliards d’euros de vente ont été enregistré soit une progression de 33% de chiffre d’affaire par rapport à l’année 2016 et 30% de ventes en plus en ligne. A noter également que selon une étude demandée par le Groupement d’Intérêt Economique Carte Bancaire CB, plus de 42,8 millions de transactions par carte bancaire ont été réalisées sur les principaux sites de vente en ligne durant le Black Friday.
Concernant la vente en ligne, 76% des Français ont privilégié la livraison à domicile lors de leurs achats. Cet évènement a donc grandement profité aux transporteurs : on estime à 3,7 millions le nombre de colis envoyés sur les 2 semaines chevauchant le Black Friday (1,7M sur la semaine de l’évènement et 2M sur celle qui suit avec également le Cyber Monday) [3].
C’est le géant de l’e-commerce Amazon qui profite le plus de cet évènement promotionnel : plus de 2 millions de produits ont été commandés sur sa marketplace française en 2017, soit une hausse de 40% par rapport à 2016. Pas moins de 20 000 articles toutes catégories étaient proposés en réduction. Autre chiffre spectaculaire, 1 400 produits en moyenne ont été commandés par minute pendant le « vendredi noir » alors que la moyenne un autre jour de l’année est de 970 unités sur la plateforme en ligne.
Après un début timide en 2014 (avec seulement quelques produits en promotion) et en raison des attentats de novembre 2015 à Paris, le concept a eu du mal à s’exporter tout comme Halloween avant lui. Mais au fur et à mesure, porté par Auchan et par la Fnac, les enseignes ont vu une formidable opportunité commerciale si bien que 2018 s’annonce déjà comme une année record pour le week-end du Black Friday en France. Près d’un Français sur deux à l’intention d’en bénéficier pour réaliser des achats (49 %), révèle l’étude d’OpinionWay-iloveretail.fr pour un panier moyen de 212 € (184€ pour les femmes et 250€ pour les hommes).
Aujourd’hui, le week-end du Black Friday génère plus d’un tiers d’activité (hors alimentaire) par rapport aux semaines qui le précèdent et marque le lancement des achats de Noël : jusqu’à la fin de l’année, les enseignes vont voir leurs ventes augmenter de manière spectaculaire avec un pic la semaine avant Noël.
Les prévisions d’achats combinées offline et online sont de 5,7 milliards d’euros [4], soit une augmentation de 5,9% par rapport à 2017. Même si les prévisions de croissance sont plus importantes en ligne (+14,3% à 966 millions d’euros en 2018), la plus importante part d’activité sera réalisée dans le commerce physique malgré « seulement » 8% de trafic en plus constaté dans les centres commerciaux en 2017 [5].
Le Black Friday a donc de beaux jours devant lui. En effet, selon une étude réalisée en novembre 2018 par notre cabinet, 85% des personnes interrogées pensent que ces journées vont devenir un rendez-vous incontournable en France (70% pour l’étude réalisée en novembre 2017 par l’institut CSA). De plus, il est très important dans la vente en ligne qui croît à un rythme de 10% par an.
Si certains doutent encore de son efficacité, il est intéressant de regarder ce qu’il s’est passé chez nos voisins européens : introduit en 2010 par Amazon au Royaume Uni, le Black Friday a très vite rattrapé le Boxing Day qui était auparavant la journée la plus intéressante pour les retailers. Aujourd’hui, le panier moyen y est supérieur à 300€ et 65% des acheteurs ont l’intention de participer à cette journée de promotions. Le Black Friday est désormais présent partout sur le continent européen avec des résultats variables selon les pays (seulement 30% des danois ont l’intention d’acheter un produit avec rabais le 23 novembre).
Exemples de dispositifs promotionnels mis en place à l’occasion du Black Friday :
• Du 12 au 26 novembre, Marionnaud propose jusqu’à 70% de réduction sur le maquillage, le parfum et le soin avec des promotions annexes. Cette période est en effet très stratégique selon NPD Group qui note que la semaine du Black Friday en 2017 a vu une hausse de la valeur de l’ensemble du marché de la beauté sélective de 23,4M€ (+25% VS 2016)
• Cdiscount proposera des centaines d’offres à des prix uniques à partir du 23 novembre. L’entreprise compte expédier cinq fois plus de colis qu’habituellement[7]. A noter, plus de 8 millions de connections ont été enregistrées sur le site l’année dernière pour 43 millions d'euros de volume d’affaire sur le seul vendredi et 2018 devrait dépasser ce chiffre.
• Le distributeur Carrefour proposera des promotions dès le 19 novembre. Un décompte a été implanté sur la page d’accueil du site visité chaque mois par plus de 10 millions de visiteurs uniques[8].
• La Redoute (groupe Galeries Lafayette) proposera une dizaine de jours de réduction du 16 au 25 novembre avec jusqu’à -60% sur la mode et la maison.
Alors que les soldes d’été et d’hiver sont propres à la France ou le 11-11 – Singles Day pour le moment à la Chine, le Black Friday réunit les e-acheteurs partout dans le monde à la fin du mois de novembre : c’est l’un des seuls temps fort promotionnels qui se déroule à l’échelle de la planète.
Malgré les chiffres cités précédemment, le Black Friday représente très peu comparé à son équivalent chinois : le Singles’ Day ou « journée des célibataires » qui se déroule chaque année le 11ème jour du 11ème mois depuis 9 ans et dont le géant Alibaba tire la majorité des profits. L’entreprise a annoncé l'équivalent de 30,8 milliards de dollars de volume d'affaires sur ses différentes plateformes de vente en ligne en 2018, contre 25,3 milliards en 2017 (+27%) soit trois fois plus que le Black Friday et Cyber Monday combinés et plus de 26 fois l’Amazon Prime Day (se déroule chaque année durant l’été).
Les chiffres de cet évènement centré pour le moment sur les consommateurs chinois sont tout simplement ahurissants : pendant la première minute du Singles’ Day le 11 novembre 2018, la marketplace d’Alibaba a enregistré plus d’un milliard de volume d’affaires et plus d’un milliard de bons de commande ont été enregistrés par Cainiao Network, sa branche logistique. Enfin, il est intéressant de noter que 94% des e-acheteurs chinois y ont participé en 2018 [9].
Cet évènement est une véritable porte d’entrée pour l’ensemble des marques étrangères dans le pays : plus de 237 marques (sur 180 000 participantes) ont dépassé les 14 millions de dollars de volumes d’affaire dont L’Oréal, Nestlé, Estée Lauder ou encore Nike et Adidas. La France arrive au septième rang des nations ayant vendu le plus derrière le Japon, les Etats-Unis, la Corée du Sud, l’Australie, l’Allemagne et le Royaume-Uni.
De par sa proximité avec le Black Friday (11 novembre contre le 23 novembre en 2018), l’importation de cet événement en France pourra cannibaliser les jours Black Friday, ou au contraire, sera l’occasion de créer une troisième période de soldes de 2 ou 3 semaines, ce qui aura pour effet de les diluer. Toutefois, cette transposition dépendra fortement de la place que pourront prendre les acteurs chinois dans l’e-commerce français dans les années à venir.
Pour répondre au Black Friday et alors que les soldes (été + hiver) séduisent de moins en moins en France, les French Days ont été lancés au printemps 2018 par six spécialistes français du e-commerce : Cdiscount, Showrooprivé.com, Rue du Commerce, Fnac Darty, Boulanger et la Redoute. Alors que les résultats de la première édition étaient plutôt satisfaisants (plus de 43 millions de visites sur cinq jours), la seconde a mobilisé moins de personnes fin septembre 2018 avec seulement 15% de hausse d’activité par rapport à une journée ordinaire [11]. Cet évènement est peu connu aujourd’hui. Nous pouvons avancer ici plusieurs raisons qui l’explique : il se déroule à une période peu propice à la consommation (après la rentrée scolaire) et sans le leader du e-commerce en France, Amazon. Selon notre étude, 65% des personnes interrogées n’en ont aucune connaissance : il reste donc beaucoup aux retailers français à faire pour espérer concurrencer le Black Friday.
Grâce à sa toute-puissance dans le secteur du e-commerce, le géant Amazon peut imposer au monde entier ses temps forts promotionnels selon son propre calendrier et mettre ainsi à mal les soldes d’été et d’hiver. Avant une éventuelle offensive mondiale d’Alibaba, aucune des initiatives concurrentes ne semble en mesure de contrer ce phénomène.
Cette hégémonie a également un impact fort sur les retailers. Notre sondage montre que la majorité des personnes qui font des achats pendant ce week-end le font chez des e-commerçants. Les retailers traditionnels français profitent donc moins de cette journée que leurs compères outre-Atlantique. Ils ne peuvent toutefois pas les ignorer, au risque de ne pas paraître moderne aux yeux des jeunes consommateurs. Toutefois, notre sondage révèle également que 59% des personnes n’anticipent pas leurs achats de Noël à cette occasion.
Si les clients profitent des promotions et se laissent entrainer à faire plus d’achats que prévu, les autres bénéficiaires de cette « journée » (qui s’étend jusqu’à 2 semaines) restent La Poste et les autres entreprises de logistique et livraison. Mais cette peak season qui intervient plus tôt qu’auparavant demande aux deux acteurs (logisticiens et transporteurs) un effort pour disposer de la main d’œuvre suffisante et beaucoup d’anticipation. Selon les statistiques des principales agences d’intérim, cela demande le recrutement de 20 à 35 000 intérimaires sur la période de décembre soit des effectifs supérieurs de 15 à 30% à un mois ordinaire.
Mais, qui dit phénomène de grande ampleur dit également rejet de cet évènement. Le Boston Globe a titré « le Black Friday est mort (…) c’est maintenant le Black November ». En effet depuis quelques années, là où paradoxalement tout a commencé, aux Etats-Unis, des mouvements de contestation et de boycott se sont créés. Ainsi certains prônent le « Green Friday » c’est-à-dire le boycott de ce jour de shopping effréné. Ces américains évitent la cohue dans les magasins pour se ressourcer en faisant du sport ou se balader dans les parcs.
En France, certaines enseignes appellent tout simplement à boycotter cette « journée de la surconsommation par excellence » qui a des effets néfastes sur l’environnement. Ainsi, Maisons du Monde ou la CAMIF fermeront leurs sites ce 23 novembre, Naturalia organisera un « Vrack Friday » en magasin pour sensibiliser au 0 déchet et Greenpeace lancera une opération spéciale « Make Something Week » dans 34 pays du monde pour inciter au recyclage et à la réutilisation de ses produits.
[1] Source www.blackfridayfrance.fr
[2] Source www.lsa-conso.fr pour l’année 2017
[3] Source La Poste
[4] Source CRR – Center for Retail Research
[5] Source blog Job Transport
[6] Enquête Médiamétrie avec Fevad : Noël 2017 sur Internet – Enquête sur les intentions d’achat des internautes
[7] Site Internet de la marque
[8] Classement sites e-commerce Fevad T2 2018
[9] Source Nielsen
[10] Source TechInAsia
[11] Source Idéalo