La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Le retail est un secteur très concurrentiel avec une prolifération d’acteurs qui proposent chaque jour des produits et des services innovants pour se différencier et attirer les consommateurs.
Le retail est un secteur très concurrentiel avec une prolifération d’acteurs qui proposent chaque jour des produits et des services innovants pour se différencier et attirer les consommateurs. Le business model basé sur l’abonnement est l’un des modèles qui séduit de plus en plus à la fois retailers mais également consommateurs. S’il n’est pas tout à fait nouveau, il a rapidement su conquérir de nombreux retailers de secteurs très variés. Ainsi, 75% des français soit consomment des biens ou services par abonnement, soit s’y intéressent. [1]
[1] L’économie de l’abonnement,etude Odoxa/Emakina, mars 2018
Les modèles d’abonnements dans le retail
Quatre modèles différents émergent
Start-ups, distributeurs, ou grandes marques…Tous les acteurs semblent adopter ce type de business model avec néanmoins quelques différences. Quatre modèles distincts se développent ayant pour point commun l’obligation de payer un abonnement pour avoir soit accès à l’offre du commerçant soit pour bénéficier de services. Ainsi, selon un sondage mené sur un échantillon en France, 52% des interrogés dépensent plus de 50€ par mois en abonnement (hors électricité et gaz) [1]
Le modèle « Livraisons en illimité » : contre un montant fixe, le consommateur peut commander autant de produits qu’il le souhaite sans payer les livraisons. Un des services les plus emblématiques de ce modèle est Amazon Prime (facturé 5,99€/mois ou 49€/an).
Le modèle “Club privé” : l’abonnement permet aux consommateurs d’avoir une carte « VIP » qui leur permet d’avoir accès à l’assortiment du retailer qui propose souvent des prix plus attractifs. Pour 36€ par an, Costco offre l’accès à tous ses magasins physiques et à un assortiment de près de 3 800 références. Fabletics quant à lui fonctionne sur le même modèle mais choisit de se spécialiser dans les vêtements de sports : Il propose chaque mois, moyennant 50€, de recevoir des articles de sport parmi une sélection personnalisée.
Le modèle « Services ou produits en abonnement » est un modèle qui se développe à la fois chez des retailers généralistes ou spécialisés, et chez les marques. Contre une somme fixe, le consommateur se voit livrer un certain nombre de produits par mois. Ces modèles se déclinent très souvent sous forme de box avec soit des produits qui répondent à un besoin de praticité soit des produits qui répondent à une envie de surprise et de curiosité. La première catégorie emblématique est l’émergence des box (alimentaire, de beauté, de mode…). Birchbox, l’une des premières entreprises à développer ce type d’offre, lance dès 2010 une box de beauté en abonnement pour atteindre aujourd’hui près d’un million d’abonnés : des produits différents sont sélectionnés chaque mois et expédiés. La deuxième catégorie consiste en l’envoi de produits similaires chaque mois et peut permettre aux marques d’acquérir une certaine indépendance vis-à-vis des retailers. Dollar Shave Club, fondé en 2011 et offrant des produits de rasage pour les hommes, cumule en 2016 un chiffre d’affaire de $160 millions. Devant ce grand succès, Unilever rachète la start-up pour une somme estimée à $1 milliards.
Le modèle “Location” : l’abonnement permet aux consommateurs d’avoir accès à des produits qu’ils peuvent utiliser sans pour autant les posséder. La logique d’usage prime ici sur la logique de propriété. Ce modèle se développe dans des secteurs variés comme le secteur de l’habillement (Rent the runway -garde-robe de luxe- ou Borrow for your Bump-vêtements pour femmes enceintes) ou le secteur automobile avec BMW qui lance le service Access offrant un abonnement entre 1000 et 3000$ qui permet d’avoir accès à une sélection de voitures.
Quels avantages et inconvénients pour les parties prenantes ?
Il est à noter qu’en souscrivant à des formules d’abonnement, le principal avantage que cherchent les français est faire des économies (50% des interrogés), vient ensuite la volonté de faciliter son quotidien en profitant de services.[2]
Quels facteurs clés de succès pour le retail par abonnement ?
Pour fonctionner, le modèle par abonnement implique que le client soit continuellement convaincu du service ou des produits. Il faut donc non seulement le convaincre de devenir client mais il faut en plus constamment le fidéliser et répondre à ses besoins.
L’acquisition client est le premier facteur clé de succès de ce modèle. La première étape de la stratégie consiste à convaincre le client de tester le modèle en abonnement. En effet, même si c’est un modèle qui s’impose de plus en plus, il reste un modèle nouveau pour les clients qui doivent encore se l’approprier et en découvrir les avantages. C’est pourquoi, certaines entreprises proposent un essai gratuit afin d’habituer le client et le pousser à souscrire à un abonnement. C’est le cas pour des offres telles que Amazon Prime ou encore Cdiscount à volonté qui proposent un mois d’essai gratuit qui permet de bénéficier de livraisons illimitées. Pour convaincre efficacement le client, l’entreprise doit également lui offrir des avantages différenciants : économies, large assortiment de produits, surprises, programme de fidélité, personnalisation… C’est ainsi que par exemple, Costco est arrivé à attirer 75 000 clients dès sa première année d’implémentation en France, bien au-delà des objectifs annoncés à l’ouverture.
Une des questions qui va donc se poser est le pricing des produits: il faut que le prix soit perçu comme juste par le client mais également rentable pour l’entreprise. Quel prix proposer pour quel service ? Un pricing dynamique peut-il répondre à cette problématique ? Comment justifier d’un prix plus élevé ?
Les acteurs ont souvent pris le parti de développer une offre avec des formules différentes et donc un prix différent afin de répondre au mieux aux besoins de ses consommateurs. C’est ainsi que les box, telle que Ookies – kit de pâtisseries - offrent un abonnement mensuel, trimestrielle ou semi-annuel, avec des prix qui varient de 22,5 à 23,9 € / mois.
Le deuxième facteur clé de succès, et le plus critique, est la fidélisation du client, qui peut s’avérer complexe. Il s’agit impérativement de garder le client sur le long terme car les recettes de l’abonnement constituent bien souvent une source non négligeable de revenus pour l’entreprise (évalué à $1,4 milliards de revenus pour Amazon sur un trimestre). La difficulté étant de garder le même niveau de qualité et de performance (des produits ou services, des livraisons rapides, des sensations de découverte ou surprise…). Ainsi, le taux de perte moyen a été estimé à 31% en 2016 pour les abonnements de box.[3]
Pour fidéliser le client, il est nécessaire de faciliter l’expérience client : faciliter à la fois l’expérience d’achat, le paiement ainsi que la résiliation des abonnements. L’expérience d’achat doit permettre au client de faire ses emplettes de manière rapide et simple. Ainsi, une étude a estimé que 45% des abonnés naviguent sur ordinateur, 40% sur mobile et 15% sur tablettes.[4] Il est donc tout aussi important d’avoir un site totalement adapté aux usages, une application simple d’utilisation, ainsi qu’un contenu riche et personnalisé.
La fidélisation passe également par la qualité du service et du produit. En effet, les deux premières raisons de désabonnement citées par les consommateurs sont la qualité des produits et le délai de réception.[5]
Enfin, la fidélisation peut également être possible grâce à une plus grande personnalisation. L’expérience client peut constamment être améliorée grâce à la data collectée par l’entreprise et à la personnalisation des offres. L’abonnement proposé par Stitch Fix par exemple repose sur ce principe. Stitch Fix propose l’envoi de box de vêtements à ses abonnés pour 20$. Au moment de l’inscription, Stitch fix propose à ses consommateurs de remplir un questionnaire permettant de cerner leur style vestimentaire ainsi que leurs marques préférées. Une box personnalisée est alors envoyée ; et les clients sont invités à donner leur feedback. Le contenu de la box est ensuite amélioré et personnalisé au fur et à mesure des commandes. Stitch Fix est devenu rentable 3 ans après son lancement et a été introduite en bourse en 2017.
Pour faire face à une augmentation du nombre des livraisons, une adaptation de la supply chain est nécessaire. Cela passe par des stratégies variables telles que la taille ou la localisation des entrepôts (proche du centre ou éloignés), leur robotisation , des partenariats avec des entreprises de livraison ou même l’internalisation des livraisons. Ainsi, en plus de ses 5 autres entrepôts logistiques, Amazon va augmenter de 40% sa surface de stockage en investissant dans un entrepôt en région parisienne avec une capacité de stockage de 20 millions de produits. Pour ses clients Prime Now qui doivent être livré en une heure, Amazon ouvre un centre dédié à Paris intra-muros. Enfin, dans une volonté de maitrise de toute la chaine de valeur, Amazon investit également dans des centres de tri lui permettant ainsi de diminuer sa dépendance vis-à-vis de La Poste[6]. Les entreprises continuent d’adapter leur supply chain et cherchent à raccourcir leur temps de livraison conformément aux attentes des clients. Elles n’hésitent donc pas à investir dans des solutions technologiques de pointe. C’est ainsi que Cdiscount teste des robots capables de rapporter un produit en 3 minutes : il prévoit de déployer 50 robots pour investissement estimé à plusieurs millions d’euros.[7]
Le principal challenge de ces modèles est la concentration des opérations (préparation, expédition) en début de mois. Ce pic de charge induit un besoin élevé en personnel dans une période de temps assez courte (une ou deux semaines). Malgré le caractère totalement prévisible de ces offres (le nombre d’expédition du mois est connu à M-1), qui permet une justesse des approvisionnements et un contrôle des coûts poussés, une grande partie de la capacité logistique reste inoccupée une fois les articles expédiés. Le recours aux contrats courts et à une force de travail pilotée quotidiennement ne permet pas non plus de s’adapter à la situation vu les tensions sur ce marché. Le recours à la prestation logistique mutualisée, qui peut mobiliser une partie de sa force de travail le reste du mois sur des activités pour des clients tiers ou pour des inventaires peut permettre d’atténuer ce coût.
Les modèles par abonnements représentent aujourd’hui un nouveau relais de croissance qui est en train de s’élargir en termes d’offre. En effet, tous les produits, des courses alimentaires aux achats plaisir, en passant par les rasoirs et le vin, font l’objet de box. La livraison illimitée, le club privé et les locations ne sont pas en reste, et continuent de se développer. Le secteur a de bonnes perspectives de croissance car selon une étude, 46% des personnes qui ne sont pas abonnées aujourd’hui seraient prêtes à souscrire à au moins un abonnement.[8] Ce nouveau relais de croissance pose des challenges importants de rétention des clients et d’optimisation de la logistique pour continuer à proposer des offres différenciantes et répondant aux exigences des consommateurs (rapidité, fluidité et adaptabilité).
[1] L’économie de l’abonnement, Odoxa/Emakina, mars2018
[2] Etude Obsoco (observatoire société et consommation)
[3] Sondage Toluna pour Webloyalty, mars 2016
[4] Le Grand livre blanc de la box par abonnement, David Azoulay, Ziqy
[5] ibid
[6] Le Grand livre blanc de la box par abonnement, David Azoulay, Ziqy
[7] Entrepôts, transport…Les prochains chantiers logistiques d’Amazon France, Clotilde Chenevoy, LSA, Mars 2018
[8] Amazon, Cdiscount…Les spectaculaires innovations de leurs entrepôts, Benoît Berthelot, Capital, Décembre 2018