La reconversion, parent pauvre des politiques d…
L’incorporation de 50% de biokérosènes dans le carburant aérien dès 2030 pourrait permettre une baisse de 40% des émissions de CO2 du secteur en France. Cet objectif devrait également permettre d’amorcer la nouvelle trajectoire d’un avion zéro carbone à horizon 2035.
À l’international comme en France, les préoccupations environnementales et climatiques sont maintenant au cœur du débat public. La prise de conscience sociétale s’amplifie alors que le grand public, les organismes non gouvernementaux et de plus en plus d’acteurs du privé appellent les pouvoirs publics à s’engager plus fermement en faveur du climat.
Selon l’Agence Internationale de l’Énergie, l’aviation mondiale est responsable d’environ 2% des émissions mondiales de CO2 et la défiance envers le secteur s’intensifie. La crise mondiale entraînée par la propagation du virus COVID-19 a joué le rôle d’un catalyseur à cette tendance. Alors que l’aviation a énormément souffert d’une paralysie de plusieurs mois, la question d’une relance verte du secteur se pose plus que jamais.
Après la sortie de la feuille de route française de déploiement des biokérosènes en début d’année, aux ambitions modérées, l’annonce récente par le Gouvernement français du développement d’un avion zéro carbone à horizon 2035 confirme la prise en compte de l’urgence climatique ainsi que l’importance du secteur aérien dans la réussite d’une transition énergétique et climatique. Si l’avion en question sera probablement propulsé à l’aide d’une pile à combustible à hydrogène, qui représente une solution long terme pour la transition bas carbone du secteur, l’incorporation de biokérosènes dans le carburant aérien constitue aujourd’hui la solution la plus réaliste à moyen terme : elle est acceptable économiquement, nécessite des adaptations limitées de la chaîne de valeur, et les verrous techniques sont bien plus faibles que pour les autres évolutions technologiques envisagées.
Le réchauffement climatique, essentiellement causé par les émissions de gaz à effet de serre (GES), met en péril les écosystèmes de la planète. Après la production d’électricité et de chaleur, le secteur des transports est le 2ème plus grand émetteur de CO2 avec ¼ des émissions planétaires à son actif. Contrairement au transport routier, très peu de mesures de réduction de l’impact environnemental ont été prises dans le secteur de l’aviation. De plus, la croissance du trafic aérien, qui devrait doubler entre 2017 et 2037 (source : IATA), pourrait accroître dramatiquement le bilan climatique du secteur si aucune action n’est mise en place pour réduire son empreinte carbone.
Afin de répondre à ces exigences et à la croissance des préoccupations environnementales dans l’opinion publique, le secteur aérien, principalement en Europe, a récemment annoncé des objectifs de réduction de ses émissions de CO2. Le principal levier actuel est la compensation carbone, à laquelle ont déjà recours les compagnies aériennes.
Pour aller plus loin et réduire l’empreinte carbone du secteur de façon absolue et non relative, seules quelques solutions technologiques sont aujourd’hui envisageables sans limiter le nombre de vols :
La reprise de l’activité après la crise sanitaire due au COVID-19 et le maintien à flot des entreprises représentent des défis majeurs à relever pour les compagnies aériennes. Le plan français de relance pour l’industrie aéronautique fixe un cap plus vertueux avec le développement d’un avion bas carbone en 2035. Les biokérosènes constituent ainsi une solution transitoire vers l’aviation décarbonée de demain.
Depuis 2008, date du 1er vol expérimental, la filière s’est lentement développée au fil des certifications successives de procédés de production. La plupart des verrous techniques à l’intégration de biokérosènes sont levés et la filière peut s’appuyer sur une chaîne logistique d’approvisionnement en place. Aujourd’hui, les efforts à fournir se concentrent principalement sur les étapes en amont de la chaîne de valeur : disponibilité des intrants, nouveaux procédés de conversion en carburant. Malgré cette situation, l’utilisation des biokérosènes en vol reste encore aujourd’hui marginale.
Comme les biocarburants routiers, les biokérosènes sont classés en 3 générations associées à des profils d’intrants différents. Les 2ème et 3ème générations (2G - 3G) plus évoluées et responsables permettent un gain carbone plus important tout en évitant la mobilisation de terres arables (1G). Cependant, en l’absence de mécanismes de soutien financier ou d’un prix carbone plus élevé, les biokérosènes demeurent 2 à 5,5 fois plus chers que le kérosène, ce qui constitue le frein principal au développement de la filière.
À l’image des P.P.A. (Power Purchase Agreement) pour les énergies renouvelables, le levier principal du développement de la filière est aujourd’hui la signature de partenariats entre compagnies aériennes et producteurs. Ces contrats d’approvisionnement permettent de donner des perspectives à la filière à moyen et long terme avec des volumes atteignant 900 millions de litres par an à partir de 2025. Néanmoins, ces volumes restent toujours très limités au regard des 350 milliards de kérosènes consommés en 2017 dans le monde.
La feuille de route française de déploiement des biokérosènes présentée en début d’année prévoyait leur incorporation progressive jusqu’à atteindre 50% du carburant aérien en 2050.
Sia Partners recommande un scénario ambitieux mais réaliste visant une incorporation de 50% de biokérosènes dès 2030, permettant ainsi une baisse de 40% des émissions de CO2 du secteur en France pour un surcoût moyen par billet estimé à 5 € selon nos hypothèses. Ce scénario permet un gain carbone significatif à un coût acceptable, tout en assurant la disponibilité des différents intrants sélectionnés.
Le scénario proposé par Sia Partners est cohérent avec les nouvelles annonces du gouvernement dans le plan de relance post COVID-19, ambitionnant notamment le développement d’un avion zéro carbone en 2035. Le développement des biokérosènes s’impose comme solution transitoire opportune dans l’intervalle de temps, avec une incorporation massive à prévoir plus tôt que les objectifs initialement fixés. Dans cette perspective, la relance post COVID-19 doit représenter une opportunité pour le secteur, sous l’impulsion de l’État, de se reconstruire de manière plus respectueuse de l’environnement