La reconversion, parent pauvre des politiques d…
La technologie solaire thermodynamique est considérée par de nombreux spécialistes comme susceptible de pouvoir concurrencer les énergies fossiles dans la production électrique de masse, et ainsi de venir compléter la filière des énergies alternatives.
"The technology that will save humanity"
Bien que méconnu du grand public, le principe de fonctionnement des centrales solaires thermodynamiques ou centrales solaires à concentration (CSC) repose sur un procédé très simple : le rayonnement solaire est concentré au moyen de miroirs afin de chauffer un liquide calorifuge [3]. Ce liquide, porté à près de 400°C, est ensuite destiné à alimenter une turbine thermique pour produire de l'électricité. Ce procédé de production d'électricité est ainsi en tout point identique au mode fonctionnement des centrales thermiques classiques, à ceci près que le combustible utilisé est renouvelable et propre ! Cependant, ce « combustible » présente un inconvénient de taille : l'intermittence. Une installation solaire classique, photovoltaïque [1] ou thermique [2], ne fonctionne à plein régime que quelques heures dans la journée. Dans le cas des centrales solaires thermodynamiques, les industriels ont trouvé la parade : stocker une partie de la chaleur sous forme de sels liquides [3] pour ensuite alimenter les turbines la nuit tombée. Avec des capacités de stockage de 7 à 15h, les centrales à concentration sont affranchies du phénomène d'intermittence et sont ainsi capables de fonctionner comme moyen de base ou semi-base [4].
Actuellement, les deux principales technologies utilisées sont les centrales à miroirs paraboliques où des milliers de miroirs paraboliques orientables concentrent les rayons lumineux sur des conduits remplis de liquide calorifuge et les centrales à tours où ce sont des miroirs plans qui concentrent le rayonnement solaire sur un récepteur unique situé au sommet d'une haute tour. C'est dans les années 80 dans le désert de Mojave que fut construite la première centrale à tour commerciale. La diminution notable des prix des combustibles fossiles pendant cette période a conduit à l'abandon partiel des projets de centrales à concentration. Toutefois, la volatilité actuelle des prix des combustibles fossiles et l'émergence de politiques environnementales ont contribué au regain d'intérêt actuel pour la filière solaire thermodynamique. De nombreux projets allant de quelques dizaines à plusieurs centaines de MW voient le jour dans les régions à fort coefficient d'ensoleillement (Californie, Sahara, Espagne, etc.). En 2020 la puissance installée devrait atteindre 20 GW et l'International Energy Agency (IEA) prévoit à l'horizon 2050 une contribution égale au bilan énergétique mondial du solaire photovoltaïque et du solaire thermodynamique.
Néanmoins, s'il existe un regain d'attirance vis-à-vis de cette solution, les performances techniques, économiques et environnementales des centrales solaires thermodynamiques peuvent-elles réellement concurrencer les autres technologies ?
Le tableau comparatif suivant regroupe les données caractéristiques estimées pour différents moyens de production (puissance, rendement, durée de vie, coût de production, empreinte carbone, etc.).
La comparaison des différentes technologies de production d'électricité en termes de coût, d'investissement, de rendement ou bien d'empreinte carbone dépend de plusieurs facteurs. Ils dépendent en général du lieu d'implantation (politiques d'aides, conditions climatiques, conditions de fabrication), de la nature de l'utilisation des moyens de production, de la maturation de la technologie utilisée ainsi que des tendances économiques liées au coût et à l'accessibilité des matières premières.
En termes de puissance installée, les capacités des centrales solaires thermodynamiques sont comparables aux centrales à énergie fossile carbonée. Actuellement les plus puissantes atteignent une centaine de MW, comme en témoigne le projet Andasol en Espagne qui rassemble trois tranches de 50MW. De nombreux projets notamment aux États-Unis et en Espagne prévoient dans les prochaines années des centrales allant jusqu'à 500MW, soit le tiers d'un EPR. Les possibilités de stockage et/ou d'hybridation (au gaz naturel) en font un moyen de production de base ou de semi-base, capable donc de remplacer une centrale thermique classique.
L'impact environnemental du solaire thermique est très faible. Son empreinte carbone est inférieure aux autres solutions, hors nucléaire. D'autre part, l'implantation des centrales est réalisée dans des zones désertiques ou arides, ce qui constitue une valorisation importante d'espaces inutilisés. Cependant, de telles installations peuvent nécessiter un apport en eau non négligeable, près de 3 à 4 m3 d'eau. Un refroidissement par air diminue largement les besoins en eau au profit d'un rendement plus faible.
Le coût moyen de production pour ce type de centrales sera encore assez élevé en 2020. Toutefois, la technologie est encore émergente. Les avancées techniques et technologiques ainsi que les économies d'échelle devraient à terme porter ce coût à 50€/MWh dans les zones désertiques et ainsi rejoindre les prix des centrales à combustibles fossiles. L'augmentation du prix des matières premières fossiles ainsi qu'une éventuelle taxation des émissions de GES devraient permettre au solaire thermique d'être plus compétitif au cours de prochaines années. Si un coût s'approchant les 50€/MWh dans les zones désertique est économiquement viable, en est-il de même pour les zones moins ensoleillées ? La réponse est non ! Le seuil de rentabilité des centrales solaires à concentration s'élève à plus de 2 200 kWh/m²/an. En France métropolitaine l'ensoleillement maximal est de 1 790 kWh/m²/an (Corse), le coût de production s'élève à plus de 300€/MWh actuellement. On est bien loin des 34€/MWh d'une centrale nucléaire de 2e génération ! L'attractivité du solaire thermodynamique dans les zones d'ensoleillement modéré dépendra donc en majeure partie de la hauteur des aides publiques.
Si les caractéristiques des centrales à concentration en termes de capacité, d'impact environnemental et de disponibilité sont comparables voire meilleures que les autres technologies de production de masse, en terme de coûts, elles ont encore des progrès à faire pour venir concurrencer les centrales à combustibles fossiles. S'imposer de manière durable sur le marché passera forcement par la résolution d'un certain nombre de défis technologiques et économiques tels la réduction de la consommation en eau, la réduction des pertes lors du transport et la diminution des coûts d'installations. Toutefois, il faut rappeler que la technologie est encore émergente. Les innovations techniques futures, le déploiement de la solution à grande échelle, l'amélioration des performances des centrales ainsi que l'appui des pouvoirs publics sont autant de facteurs qui entérineront la percée des centrales solaires thermodynamiques dans le paysage électrique mondial futur. Le projet DESERTEC est un exemple probant de déploiement à grande échelle et à long terme du solaire thermodynamique en Europe, Moyen-Orient et Afrique du Nord. Constitué de centrales à concentration et d'une connexion aux champs éoliens européens, DESERTEC pourrait couvrir 50% des besoins en électricité de l'Europe, Afrique du Nord et Moyen-Orient réunis en 2050! Il restera néanmoins une fois la technologie mature à s'affranchir des problèmes de transport lorsque la zone de consommation sera éloignée de la source en utilisant par exemple un réseau de transport à courant continu (Voir l'article sur le retour du transport continu)
Notes :
(1) Le photovoltaïque consiste en la production directe de courant continu (les électrons sont arrachés au matériau semi-conducteur constituant les cellules photovoltaïques pour produire un courant)
(2) Le solaire thermique qui consiste en la production de chaleur (uniquement) par l'intermédiaire de panneaux absorbants.
(3) Les liquides utilisés sont principalement des huiles ou des sels à fort pouvoir calorifique
(4) La « base » correspond à une durée fonctionnement des centrales de production de plus de 8000h/an (un an = 8760h), un fonctionnement en semi-base correspond à une durée de production de 6 000 à 8000 h /an