La reconversion, parent pauvre des politiques d…
L’épidémie du COVID-19, obligeant la plupart des pays à ralentir leur activité et à confiner leurs populations, a touché de plein fouet le secteur du génie civil et du bâtiment.
L’épidémie du COVID-19, obligeant la plupart des pays à ralentir leur activité et à confiner leurs populations, a touché de plein fouet le secteur du génie civil et du bâtiment. Souvent arrêtés, la plupart du temps fonctionnant au ralenti, les grands chantiers d’infrastructure en Ile-de-France ont été fortement impactés. Parmi ces chantiers, certains sont attendus pour l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques qui sont prévus pour commencer le 26 juillet 2024.
Cet article recense ces chantiers, et cherche à identifier quel sera l’impact de ces deux mois d’arrêts/de ralentissements dus au COVID-19 sur leur date de mise en service prévue. Il s’agira notamment de savoir si les échéances pourront être tenues afin de garantir une livraison avant l’ouverture des JO 2024.
Pour cela, nous analyserons dans cet article la gestion par les maîtres d’ouvrages du confinement avec l’arrêt partiel ou total des chantiers. Puis, nous étudieront les modalités de reprise du travail, afin de mettre en évidence les objectifs et perspectives qui se dessinent.
/ Les données présentées dans cet article sont celles communiquées au début du mois de mai. Elles sont susceptibles d’évoluer au fil des jours.
Le Nord et l’Est de la région Ile-de-France, et donc plus généralement le département de la Seine-Saint-Denis, sont des zones très denses en matière de chantiers pour les projets Grand Paris Express concernés par les JO 2024. De nombreuses mises en service sont ainsi prévues d’ici à 2024. La crise du COVID-19 a donc ajouté un paramètre et des risques supplémentaires sur un calendrier déjà contraint. Les tableaux ci-dessous permettent dans un premier temps de mieux comprendre la multiplicité des acteurs (Maîtres d’ouvrage et Maîtres d’œuvre) et des infrastructures en jeu, prévues pour les JO 2024, et qui seront abordées dans cet article.
A l’annonce du confinement généralisé le 17 mars, les acteurs sont plutôt unanimes sur la nécessité d’assurer dans un premier temps la sécurité des personnes et des chantiers. La Société du Grand Paris (SGP) demande ainsi dès le 17 mars aux entreprises de suspendre leur activité sur ses chantiers. La raison évoquée est alors la suivante : « La priorité absolue est de garantir la sécurité pour tous les compagnons et les conditions n'étaient plus réunies pour poursuivre les travaux [1]».
Sur les chantiers du Grand Paris, les lignes 14, 16 et 17, des mises en service sont prévues d’ici à 2024 [2]. Ces mises en service, qui correspondent à la première vague du Grand Paris Express, pourraient être remises en question à très court terme par le ralentissement sans préavis précédent de l’avancée des chantiers. Ainsi, au 1er avril 2020, tous les chantiers [du Grand Paris] étaient à l’arrêt [3], seuls certains techniciens de maintenance restent mobilisés, notamment pour l’entretien des 15 tunneliers et de leurs installations de pompage, afin d’éviter l’inondation des tunnels.
Le tableau ci-dessous récapitule les différentes mises en service prévues pour les lignes du Grand Paris Express dont certaines stations desserviront des sites liés à l’organisation des JO 2024 ainsi que le nombre de voyageurs potentiellement concernés.
Le Charles De Gaulle Express, un retard déjà annoncé. Prévu pour relier la Gare de l’Est à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle, le Charles de Gaulle Express devait initialement être mis en service en 2024, pour les JO. Toutefois, un « report de la mise en service de la future liaison ferroviaire CDG Express [4], a été annoncé le 29 mai 2019.
Déjà prévus pour certains, d’autres décalages pourraient s’ajouter pour les infrastructures des JO 2024 à l’issue de ces deux mois d’arrêt. D’autant plus que ces derniers sont intervenus dans des phases différentes pour chacun des chantiers ce qui laisse présager un impact différent. Ainsi, un même retard pris sur un chantier ne se répercute pas toujours en un retard linéaire, notamment si les opérations nécessitaient un engin rare, comme cela peut être le cas pour les ouvrages d’art (tunnels, etc). Il n’y a donc pas de « petits » retards puisque deux mois peuvent in fine se transformer en un retard d’un an si le « créneau » est raté par exemple.
Pour éviter ces décalages et ainsi garantir l’accès aux sites prévus pour les JO en juillet 2024, les acteurs du Grand Paris doivent désormais mettre les bouchées doubles pour pouvoir accueillir les voyageurs attendus.
Pour la Société du Grand Paris, une reprise nécessaire. La reprise progressive a commencé à être annoncée en avril, bien que conditionnée par un respect strict des consignes. Elle était alors vue comme « une nécessité [5] » pour (i) l’emploi, (ii) la reprise complète après le confinement et (iii) limiter les impacts sur les quartiers concernés. La SGP a alors à cœur d’éviter la gêne des riverains, c’est pourquoi la liste des sites concernés par la reprise est disponible sur son site d’une part et des agents de proximité de la SGP restent disponibles d’autre part.
Et en pratique ? Les premières tendances ont donc été données par la SGP deux semaines avant la fin effective du confinement avec l’annonce le 20 avril sur son site d’une reprise progressive. Un planning des travaux sur deux semaines (semaine du 27 avril et du 4 mai) est rendu disponible au grand public pour les lignes 15 Sud et 16 [6]. Autre preuve donnée par la SGP de ce redémarrage, c’est l’attribution (le 22 avril) du marché Tout Corps d’Etat pour le centre d’exploitation des futures lignes 16 et 17 dans la future gare de St Denis Pleyel. Cette annonce est un signal fort donné pour ces deux lignes qui desservent des infrastructures pour les JO 2020.
Un temps plus long pour le Village Olympique. Le village Olympique, dont la date de livraison au Comité d’Organisation des Jeux Olympiques (COJO) est prévue pour le 1er mars 2024, semble quant à lui disposer d’un sursis car un temps administratif précède le temps du terrain, selon les mots de Jean-François Martins (adjoint aux sports à la Mairie de Paris): « ce n’est que le début et le temps administratif avance, notamment pour la constitution des dossiers pour les permis de construire du côté des attributaires des lots » [7].
Toutefois, si les travaux de construction ne sont prévus que pour 2021, des travaux de démolition et de décontamination sur les 51 hectares prévus pour accueillir le village doivent être réalisés au préalable (aménagements terrains ainsi prévus au printemps 2020) et doivent donc également être re planifié.
Arrêt puis reprise progressive, en priorisant, et en s’assurant de la mise en place et de l’application des mesures d’hygiène et de distanciation préconisées par le gouvernement. Le premier enjeu de la reprise a donc été sanitaire.
Déterminer les conditions de la reprise selon les normes sanitaires. Les acteurs de la construction et le Gouvernement se sont entendus sur certains principes pour permettre « la continuité de l’activité du secteur et la poursuite des chantiers [8] ». Ces derniers ; règles d’hygiène, de distanciation, ont été formalisés dans un guide rédigé par l’Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Publics (OPPBTP) et représentent un pré requis pour la continuité des activités de la construction en période d’épidémie de coronavirus. Publié début avril, il était très attendu pour l’ensemble des acteurs du secteur afin de s’y préparer mais également d’un point de vue documentaire afin de mettre à jour le Plan Général de Coordination et PPSPS [9]lorsque applicables, nécessaires pour la continuité ou la reprise des activités.
Les maîtres d’ouvrage s’organisent pour la mise en place de ces mesures de prévention afin de protéger leurs collaborateurs.
La Société du Grand Paris, et les entreprises œuvrant sur les chantiers, qui échangent depuis le 17 mars avec les autorités de santé se sont donc accordés sur des mesures sanitaires. Celles-ci permettent une reprise en toute sécurité, selon l’annonce faite par la SGP le 20 avril (nous l’avons dit) de la reprise de ses travaux franciliens. Sur le terrain, cela se traduit pour le Grand Paris Express par une « adaptation des gestes techniques, aménagement des bases-vie, préparation du matériel de protection, ajout de points d’eau pour le lavage des mains [10]»
Par ailleurs, comme l’explique sa présidente, Catherine Guillouard, dans son interview donnée à France 3 régions, la RATP suit scrupuleusement les directives du Gouvernement et les recommandations des médecins du travail pour les activités maintenues.
Un enjeu sanitaire dans ce contexte épidémique, auquel s’ajoutent d’autres enjeux, qui influencent la priorisation des chantiers, parfois nécessaire dans une zone, nous l’avons dit, très tendue.
Un enjeu différent selon la typologie des travaux. De manière générale, on peut distinguer quatre types de travaux ; ceux relatifs à la sécurité (et donc très prioritaires), la maintenance (pouvant parfois se faire en temps masqué), les travaux de régénération (possibles sans plus-value) et ceux de développement (qui eux ont vocation à créer de la plus-value). Créatrices de plus-value, les opérations de développement portent souvent des enjeux politiques forts, et cela est d’autant plus vrai dans ce contexte de reprise des chantiers en Ile-de-France à la suite de cette période de confinement.
Ainsi, selon la typologie, la continuité n’a pas été la même, avec des interventions de maintenance qui ont par exemple pu être maintenues, ce qui complexifie la révision des plannings généraux de mise en service selon ce qui a été fait, au cas par cas sur les plannings à l’échelle de chaque chantier.
Un enjeu de disponibilité des différents acteurs et fournisseurs. La question de la disponibilité des fournisseurs et autres entreprises sous-traitantes en temps voulu se pose puisque certaines usines ont elles aussi été fermées pendant le confinement. Ces fermetures peuvent ainsi occasionner la perte de créneaux de disponibilité pour des équipements spécifiques et l’indisponibilité de certains fournisseurs notamment. De plus, ces entreprises ayant été touchées de plein fouet par la crise sanitaire, des faillites sont envisageables ce qui pourrait réduire encore le champ des possibles en matière d’approvisionnement et de ressources disponibles. Ce sont autant de facteurs qui peuvent impacter de plein fouet le planning d’un chantier et ainsi complexifier la reprise.
Par ailleurs, les priorisations étant réalisées en silo, au niveau de chaque maître d’ouvrage, il s’agit ensuite de s’assurer que la priorisation et donc le planning de reprise qu’il propose sont compatibles avec les maîtrises d’œuvre d’une part, mais également avec les entreprises de construction. Ainsi, les entreprises de travaux, électricité, gaz, seront sollicitées par différentes maîtrises d’ouvrage et ce dans le même temps.
Un enjeu matériel et humain. Les zones de chantiers du Grand Paris, et notamment la zone du Grand Pleyel déjà très dense avec 47 chantiers dans un rayon de 12 km2 prévus, nécessitait déjà initialement un bon fonctionnement urbain. Le redémarrage des chantiers dans une telle zone avec de surcroît de fortes restrictions sanitaires promet d’être long. De la même façon, la pression sur les ressources humaines, déjà tendues avec 11 700 [11] emplois mobilisés en Ile-de-France pour les bâtiments olympiques, mais également matériels (réservation d’équipements), pourrait encore s’accroître avec les multiples reprises des travaux.
Un enjeu politique. Valérie Pécresse, dans une interview donnée au Journal du Dimanche début avril affirmait que « nous sommes confrontés à un coup d'arrêt presque total de nos chantiers de modernisation du réseau » [12] et mettait en garde sur le risque de « rater le rendez-vous avec les JO ».
Les JO 2024 semblent donc être une priorité, ce qui pourra permettre d’appuyer les maîtres d’ouvrage du Grand Paris, qui doivent, nous l’avons dit, se mettre en ordre de bataille pour pallier ces deux mois de retard et assurer le transport des voyageurs vers les sites prévus en juillet 2024.
La suite, et les acteurs ne l’envisagent pas tous de la même façon, pourra prendre différentes formes pour les chantiers liés aux JO 2024. Accélération du rythme des chantiers, nouvelle vague de priorisation, changement du fonctionnement sur les chantiers afin de vivre avec les normes sanitaires, sont autant de pistes possibles, tributaires également de l’évolution de l’épidémie. La répercussion de ces retards et aménagements sur les coûts des projets devra également continuer à être mesurée et des arbitrages pourraient être pris. Ainsi, pour Stéphane Troussel (élu de Seine-Saint-Denis) : « le vrai sujet est de savoir quel sera le surcoût d’un retard éventuel et d’une accélération des travaux pour finir dans les temps » [12].
De nombreuses incertitudes pour pouvoir mesurer dès aujourd’hui l’impact sur les mises en service prévues pour 2024. Quels seront les impacts réels de ces deux mois de retard ? Bien que certaines prises de position, comme celle de Vincent Roger (délégué spécial aux JO d’Ile-de-France), qui voit les JO 2024 comme un « accélérateur de la reprise[13] » post COVID-19 soit plutôt optimistes, la plupart restent très mesurées, tant le contexte est incertain. Catherine Guillouard insiste sur la complexité à gérer les enjeux d’exploitation et les enjeux sanitaires [14] quand un porte-parole de la RATP précise ne pas être « en mesure de pouvoir dire à ce stade les conséquences exactes et de plus long terme sur les projets [15] ».
Des inquiétudes qui se cristallisent sur deux lignes. Les lignes 16 et 17 Sud ont un impact direct sur l’organisation des JO 2024 avec la desserte de plusieurs équipements majeurs pour leur organisation comme le Village des médias (au Bourget) et des sites des épreuves de tir (La Courneuve) et de volley-ball (le Bourget) [16]. Déjà resserré, le risque est fort que le planning ne soit plus compressible à l’issue de ces deux mois d’arrêt.
Quelles solutions pour les JO 2024 ? L’heure est à la recherche de solutions pour éviter que ces deux mois de retard n’impactent les mises en service prévues pour 2024, prévues deux mois avant (printemps 2024) pour la plupart. En l’absence de ces infrastructures de transports notamment, l’étude de plan B, déjà lancée, doit être renforcée. Ainsi, il est déjà envisagé d’avoir recours à des autobus pour l’acheminement des acteurs et des spectateurs sur les sites concernés[17] si les lignes 16 et 17 notamment n’étaient pas exploitables en juillet 2024.
L’amorce du redémarrage des projets et des grands chantiers franciliens est donc très compliquée. L’avenir à court, moyen et long terme n’est pas moins complexe pour les acteurs du Grand Paris Express concernés par des mises en service de leurs infrastructures pour les JO 2024.
Sia Partners, en s’appuyant sur son expérience en matière d’assistance à maîtrise d’ouvrage mais également sur ses compétences en matière de modélisation et d’utilisation de la data science, peut appuyer les acteurs et entreprises des chantiers du Grand Paris dans cette période de reprise à court terme, mais aussi sur des sujets de planification à plus long terme. Notre cabinet propose ainsi une approche de « tactical planning » qui permet de croiser les besoins en main d’œuvre sur un projet avec les données issues du marché de l’emploi (par exemple) afin de mesurer d’adéquation entre les deux. Ensuite, un rétroplanning peut être modélisé et communiqué au service RH concerné. Cette approche permet ainsi de répondre aux changements dynamiques de l’environnement de travail et, par l’utilisation de la data science, d’agencer au mieux le planning du projet.
Sources :
[1] Source
[2] Source
[3] Source : Porte-parole de la Société du Grand Paris pour l’AFP
[4] Source : cdgexpress.groupeadp.fr
[5] Source : societedugrandparis.fr
[6] Source : societedugrandparis.fr
[7] Source : L’EQUIPE - JO de Paris 2024 : un village en sommeil à cause du coronavirus
[8] Source : travail-emploi.gouv.fr
[9] Plan particulier de sécurité et de protection de la santé (PPSPS)
[10] Source : societedugrandparis.fr
[11] Source : batiactu.com
[12] Source : Interview au JDD
[13] Source : L’EQUIPE - JO de Paris 2024 : un village en sommeil à cause du coronavirus
[14] Source : L’EQUIPE - JO de Paris 2024 : un village en sommeil à cause du coronavirus
[15] Source : Interview donnée dans le cadre de l’émission Parigo#110 du 11/04/20 de France 3 régions
[16] Source : France 3 régions
[17] Source : L’EQUIPE - JO de Paris 2024 : un village en sommeil à cause du coronavirus