La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Alors que le débat politique se poursuit dans de nombreux pays entre avantages et risques du nucléaire, plus de 40 pays ont l'intention de mettre en oeuvre un programme nucléaire dans les deux décennies à venir.
«L'énergie nucléaire est une technologie mature, sécurisée et fiable, capable de fournir de l'électricité et de la chaleur à grande échelle, à un prix raisonnable, sans pollution ni émission de gaz à effet de serre». A ceci, les adversaires du nucléaire opposent que «les déchets restent un problème irrésolu et l'énergie nucléaire profite d'aides gouvernementales majeures». En 2012, le débat sur l'énergie nucléaire est toujours aussi brûlant. A côté de cela, il faut noter que l'énergie nucléaire est et restera une source majeure d'électricité dans le monde dans les décennies à venir. Actuellement, plus de 400 centrales nucléaires sont actives et la part de cette énergie dans la consommation électrique mondiale est importante. Il est intéressant de définir quels sont les investissements nécessaires à la construction et au fonctionnement d'une centrale nucléaire.
D'après l'IEA [2], l'énergie nucléaire en Europe compte pour près de 27% de la consommation d'électricité totale en 2010. Cependant la part par pays est très variable. En France et Finlande, le nucléaire représentent une part majeure du mix énergétique : 75% de l'électricité française est produite par le nucléaire et les 2 pays développent les derniers réacteurs EPR. Au contraire, suite à la catastrophe de Fukushima, l'Allemagne a décidé de fermer la totalité de ses 17 centrales nucléaires entre 2015 et 2022. Huit d'entre elles ont été fermées directement après le désastre. La Suède quant à elle considère un retour sur sa décision d'abandon de l'énergie nucléaire, et le Royaume-Uni construit de nouveaux EPRs. Ainsi, les exemples précédents montrent à quel point les politiques nationales envers l'énergie nucléaire diffèrent.
L'analyse économique d'une centrale nucléaire est complexe, et il n'est pas aisé de quantifier coûts et bénéfices avec exactitude. Les coûts de construction et de fonctionnement dépendent fortement du type de centrale et du temps imparti à la construction. L'« overnight capital cost », qui représente symboliquement les coûts nécessaires pour construire la centrale nucléaire en une nuit, s'affranchissant ainsi du coût du capital, [3] est de $3500/kW pour un AP1000, réacteur de 3ème génération à eau pressurisée, et de $3400/kW pour un EPR [4]. Cependant, les délais de constructions différent fortement : ainsi, la construction d'une centrale AP1000 dure 36 mois tandis que l'EPR prend plus de 60 mois, avec un impact direct sur les coûts d'investissements par les coûts du capital en découlant. D'une manière générale, les diffèrents coûts du nucléaire peuvent être séparés dans les catégories suivantes [5] :
Le véritable défi réside dans les hauts coûts d'investissements à fournir au début de la construction de la centrale, soit 65% à 75% du coût total. Ces coûts de financement sont les plus élevés et dépendent du taux d'intérêt de l'endettement. Une fois que la centrale est construite, elle fonctionne avec des couts raisonnables et est considérée par certains comme une « machine à cash ».
La gestion des déchets radioactifs représente 2%-3% du coût global. Quant aux coûts de démantèlement, ils sont souvent intégrés par avance au prix à laquelle l'électricité est vendue au consommateur, et sont estimés entre 10 à 15%.
Comme écrit ci-dessus, certains considèrent une centrale nucléaire comme une « machine à cash ». d'autres affirment que « le cout de l'énergie nucléaire est compétitif avec les autres formes de génération d'électricité, exception faite de l'accès direct aux énergies fossiles peu chères ». Actuellement, des études investiguent la compétitivité du prix d'une centrale nucléaire en y incluant le prix du CO2. L'introduction d'une taxe carbone ou d'un système d'échange d'émissions de CO2 influencerait ainsi beaucoup le climat d'investissement.
Avec des investissements d'une telle taille, une analyse profonde doit être menée et prendre en compte les risques potentiels. Quelques décennies auparavant les risques de l'investissement dans une centrale nucléaire étaient portés par des monopoles publics ou gouvernementaux régulés. Suite à la libéralisation des marchés de l'énergie, ce sont de plus en plus souvent des compagnies privées qui prennent les risques dans cet environnement hautement compétitif, menant à une nouvelle façon d'adresser et d'évaluer les risques économiques d'une nouvelle centrale nucléaire. Notamment à cause de la catastrophe de Fukushima en 2011, il est probable que les coûts de fonctionnement vont augmenter suite à une réglementation durcie envers la sécurité. Se pose la question de l'évolution des prix de l'électricité. Pour l'instant, cet environnement changeant et incertain résulte dans la prudence des investisseurs. Le futur nous dira si cette attitude ne sera que temporaire.
Notes :
(1) World Nuclear Association
(2) International Energy Agency
(3) L'« overnight capital cost » permet de comparer les coûts de construction de différents centrales sans prendre en compte les intérêts, variant fortement selon la durée de construction
(4) World Nuclear Association
(5) Nuclear Economy