La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Encore dominé par les loisirs, le marché des drones civils se tourne vers les professionnels. Ces aéronefs contrôlés à distance peuvent en effet embarquer en vol une charge utile telle qu’une caméra vidéo, un appareil photo ou encore des capteurs, ce qui offre de multiples applications industrielles
Total, par exemple, emploie d’ores et déjà des drones pour des missions de surveillance et a même testé cet été un drone polyvalent pour améliorer la sécurité des personnels et la protection de l’environnement.
Comment les énergéticiens peuvent-ils tirer profit de l’utilisation de drones dans leurs opérations ?
Quelles sont les perspectives du marché des drones professionnels dans le secteur de l’énergie ?
La chaîne de valeur du drone professionnel se compose de cinq types d’acteurs : les constructeurs de drones, les opérateurs (professionnels utilisant des drones à des fins commerciales), les utilisateurs (professionnels ayant besoin de drones dans leurs opérations), les sociétés traitant les données et les prescripteurs (fédérant et aidant à mettre en lien les acteurs du secteur). En France, on recense 2 000 télépilotes (les pilotes de drones) et 1 500 petites et moyennes entreprises exploitant environ 4 000 drones[i].
Au regard de cette chaîne de valeur, les industriels peuvent opter pour deux stratégies distinctes afin de déployer des drones dans leurs opérations[ii] :
Les drones à usage professionnel sont encore peu nombreux aujourd’hui mais leur nombre devrait croître rapidement avec la digitalisation des process dans l’industrie et l’arrivée prochaine à maturité du segment des drones de loisirs.
En effet, en embarquant une caméra ou des capteurs, les drones peuvent réaliser tous types de mission de capture de données et de prise de clichés haute résolution. Ces potentialités ouvrent la voie à de nombreuses applications dans le secteur de l’énergie, de l’inspection de lignes électriques à la surveillance d’infrastructures gazières. Nombreuses sont les entreprises du secteur de l’énergie qui exploitent déjà les drones dans leurs opérations courantes.
Tout d’abord, les drones permettent de réaliser des cartographies pour visualiser et analyser les défauts. ENGIE utilise ainsi des drones pour inspecter des générateurs de vapeur dans les centrales électriques : les drones remplacent alors les opérateurs dans des environnements dangereux, sous haute température, confinés, et avec émissions de gaz. Pour aller plus loin dans l’utilisation de drones dans ses opérations, ENGIE a développé en interne un centre de compétences dédié à leur développement et a pris une participation minoritaire de 2 millions d’euros dans le capital de Redbird (désormais Airware), une société spécialisée dans l’analyse de données issues des drones. L’objectif de cet investissement est de renforcer un partenariat dans la maintenance/surveillance des infrastructures gazières et le développement de services destinés aux clients d’ENGIE tels que la thermographie et la topographie[iii].
Dans le secteur de l’électricité, Enedis réalise également des cartographies 3D de ses 500 km de lignes électriques en utilisant des drones. Cela lui permet d’anticiper des opérations d’élagage d’arbres situés à proximité. De même, ENGIE Ineo déploie des drones pour inspecter des pylônes électriques et teste depuis peu leur utilisation dans le déroulage de câbles de haute tension.
Dans les énergies renouvelables, Duke Energy et Vol V Solar (développeur de parcs photovoltaïques basé à Montpellier) se servent déjà de drones pour réaliser des images thermiques grâce à deux types de capteurs embarqués - l’un dans le visible, l’autre dans l’infrarouge - afin de détecter les éventuels dysfonctionnements des panneaux photovoltaïques.
Les drones sont également exploités dans le secteur du bâtiment à des fins d’efficacité énergétique. GRDF utilise ainsi des drones pour réaliser des thermographies de bâtiments, dont l’analyse sert par exemple à détecter les problèmes d’isolation des fenêtres ou les joints défectueux. L’évolution de la règlementation est d’ailleurs favorable à ce type de projet car un décret du 27 janvier 2012 (précisant la loi Grenelle 2) rend obligatoire de réaliser un audit énergétique avant le 1e janvier 2017 pour les copropriétés d’au moins 50 lots équipées d’un dispositif collectif de chauffage[iv].
Enfin, dans le secteur du pétrole, les drones trouvent de multiples usages. Les drones permettent de détecter des anomalies le long des pipelines, d’inspecter des plateformes pétrolières ou des cheminées de raffinerie (Shell et Emirates Steel). Pour répondre à ses besoins d’exploration, Total a noué un partenariat avec l’ONERA (le centre français de la recherche aéronautique, spatiale et de défense) dans le but de développer des capteurs suffisamment légers pour être embarqués sur un drone et détecter des fuites de gaz ou de pétrole[v].
Les drones présentent de nombreux avantages pour les opérations des énergéticiens : d’abord, un gain de temps et des avantages en termes de sécurité, en évitant de faire déplacer des agents de maintenance dans des environnements dangereux tout en collectant plusieurs types d’information à la fois, grâce à la variété des capteurs possibles.
L’usage de drones permet également des coûts évités, car suite aux analyses issues des données récupérées par les drones, des équipes de maintenance ne sont déployées que si les réparations ont été jugées nécessaires au préalable, ce qui permet de réduire considérablement les coûts de maintenance. De plus, l’utilisation de drones ne nécessite généralement pas l’arrêt des installations. Jérôme Aguilhon, responsable d’affaires et innovation chez ENGIE Ineo, précise également qu’une journée d’inspection avec drone coûte 1 000 € et permet d’inspecter environ 10 pylônes électriques alors qu’une journée d’inspection avec opérateur coûte de 5 000 à 6 000 € et permet d’inspecter moins de pylônes[vi].
Les contraintes au développement de l’usage de drones dans le secteur de l’énergie sont d’abord technologiques : les drones ont une autonomie en vol limitée ce qui contraint la durée des opérations de maintenance. Par exemple le contrôle d’une chaudière nécessite 15 à 30 minutes de travail alors qu’il faut sortir le drone de la chaudière pour remplacer sa batterie toutes les 20 minutes.
Les contraintes sont aussi règlementaires. En France, les drones professionnels sont soumis à leur propre règlementation dont certains aspects peuvent dissuader les énergéticiens d’employer des drones dans leurs opérations : limitation d’altitude (prenant en compte la hauteur de vol – limitée au maximum à 150 mètres, le type de zones survolées et la distance au télépilote), conditions d’insertion du drone dans l’espace aérien (à l’aide de cartes aéronautiques). Cette règlementation a été précisée par la loi du 24 octobre 2016[vii] rendant notamment obligatoire l’immatriculation des drones de plus de 800 grammes et l’ajout de dispositifs de signalement. De plus, la procédure est très encadrée pour pouvoir faire voler des drones civils : les vols doivent notamment être déclarés 24 heures avant leur exécution auprès de la préfecture concernée et nécessitent un télépilote qualifié ayant obtenu des certifications au préalable[viii].
Les progrès technologiques (piles à hydrogène, motorisation hybride, etc) devraient néanmoins permettre de fournir plus d’autonomie de vol. De même, les drones seront prochainement plus accessibles et maniables grâce à la baisse du coût des composants, l’amélioration des logiciels de traitement de données mais aussi grâce à l’harmonisation des règlementations. En France, une évolution de la règlementation pour les drones professionnels est prévue en 2017 et un Certificat d’Aptitude de télépilote devrait être mis en place à partir de la fin du 4e trimestre 2016.
Les applications offertes par les drones dans le secteur de l’énergie sont multiples et offrent de nombreux avantages : des opérations plus rapides, une sécurité accrue pour les opérateurs et des gains économiques. Les drones professionnels ont donc un avenir prometteur dans le secteur de l’énergie. Enedis suit d’ailleurs de près le secteur et a affirmé être attentif au développement et aux opportunités business offertes par Delair-Tech, une entreprise française spécialisée dans les drones professionnels. Cette entreprise réalise déjà 15% de son chiffre d’affaires 2015 dans le secteur de l’énergie[ix] et a levé 13 millions d’euros en début d’année pour répondre à ses objectifs de développement[x]. Si l’on ajoute la levée des contraintes technologiques et règlementaires, on peut raisonnablement penser que les applications utilisées dans les opérations des énergéticiens (la thermographie, les inspections et la surveillance linéaire) devraient représenter une part majeure du marché des drones professionnels dans les années à venir.