La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Si le réchauffement climatique est au centre des préoccupations, nous sommes également de plus en plus confrontés à un problème démographique : l'augmentation du nombre d'habitants est exponentielle.
La France comptait en 2010 65 millions d'habitants contre 54 millions en 1975.D'après l'INSEE, il y aura près de 70 millions de français en 2030, dont une forte concentration dans les agglomérations. Mettre en adéquation l'urbanisation et le développement durable n'est pas simple puisque l'augmentation du nombre d'habitants entraîne inévitablement une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Pourtant, de nombreux pays comme la Suède, l'Angleterre ou l'Allemagne ont déjà relevé le défi en créant des écoquartiers. Ce concept fait référence à la construction ou la rénovation de quartiers pour accueillir les habitants de plus en plus nombreux tout en limitant les émissions de gaz à effet de serre. Cela se traduit par exemple par de nombreux espaces verts, des centres piétonniers ou des habitations en matériaux durables. C'est dans ce contexte qu'en France, le Grenelle de l'Environnement lancé en 2007 par le Ministère du Développement Durable, a proposé qu'au moins un projet d'écoquartier soit développé d'ici 2012 par toute commune ayant des projets de développement de l'habitat.
A deux ans de l'échéance, où en est la France ?
Les écoquartiers sont conçus dans une démarche de développement durable : la construction ou la rénovation des habitations dans un contexte de performance énergétique permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre et favoris les économies d'énergie. Ce nouveau concept repose sur les trois grands principes du développement durable.
Tout d'abord, l'émergence de ces nouveaux quartiers ne doit pas se faire au détriment de l'environnement. Ainsi, le premier principe est la préservation de l'environnement. Ce principe, omniprésent dans tous les secteurs, joue un rôle primordial dans la construction des habitations. L'utilisation de matériaux durables et une meilleure isolation limiteront les pertes de chaleur ce qui permettra de réduire la facture énergétique. En outre, la préservation de l'environnement sera prise en compte aussi bien dans la gestion des déchets en mettant en place le tri sélectif et le recyclage que dans la gestion de l'eau avec la récupération de l'eau de pluie, le traitement des eaux usées. Enfin, ce principe s'applique également au secteur des transports, principal émetteur de CO2, où des solutions de covoiturages et de transports en commun doivent permettre la réduction de l'utilisation de la voiture citadine.
Le deuxième principe est le développement économique. Cette nouvelle forme d'urbanisation engendre de nouveaux emplois dans un domaine en pleine croissance puisqu'elle favorise le soutien de l'agriculture biologique et l'essor de l'économie locale.
Enfin, les écoquartiers font apparaître une nouvelle facette, bien souvent oubliée : le développement social. L'objectif d'un écoquartier est de vivre en communauté en mélangeant les milieux sociaux et les générations. Les écoquartiers se développent dans une logique participative où le citoyen se sent impliqué et où il a la possibilité de participer au chantier.
Si ces principes sont respectés, les écoquartiers deviennent alors un véritable paradis écologique où il fait bon vivre. Le coût de la vie est moindre puisque les logements neufs, pratiques et bien isolés permettent de diminuer la facture énergétique de façon considérable. De plus, les écoquartiers prônant le « Zéro voiture », les coûts liés aux transports sont restreints. D'autre part, le cadre de vie d'un quartier durable est bien plus agréable : le paysage est transformé grâce aux nombreux espaces verts, la pollution sonore est très faible et la vie en communauté a bien des avantages.
Tous ces principes sont théoriques, il est souvent difficile mais pas impossible de les mettre en pratique. Certains pays en ont déjà fait l'expérience, des facteurs clés de succès ont ainsi été identifiés.
Il existe déjà quelques exemples d'écoquartiers qui ont réussi, notamment dans certains pays d'Europe du Nord.
En Angleterre par exemple, le quartier BedZED (Beddington Zero Energy Development) a vu le jour en 2002 et compte 205 habitants pour 1,7 ha. En Allemagne, le quartier Vauban a quand à lui été construit sur une ancienne base militaire située à proximité de Fribourg-en-Brisgau qui a été créée en 1996. Il abrite près de 5 000 personnes sur une superficie de 38 hectares.
Malgré une échelle très différente, ces deux écoquartiers sont similaires : ils ont su créer de nouveaux quartiers, tout en maitrisant leurs émissions de gaz à effet de serre. Cela fait plusieurs années que ces écoquartiers existent, ils ont fait leurs preuves et sont désormais des références. Plusieurs facteurs clés de succès ont pu être identifiés.
En premier lieu, un écoquartier doit avant tout être un lieu de vie agréable : la faible densité peut donc être considérée comme une donnée clé. En effet, la densité moyenne de ces deux écoquartiers est de 12 550 habitants/km², ce qui équivaut à un logement pour 2,5 personnes alors que Paris compte 20 000 hab/km². Afin d'accroître ce sentiment de bien-être, les modes de transport sont revus. La marche à pied, les déplacements en bicyclette ou en co-voiturage sont mis en avant et rendus possibles par la proximité des commerces et la multiplication des pistes cyclables. Le quartier Vauban a même créé une association de co-voiturage qui regroupe presque 1/3 des habitants alors que BedZED lui, a privilégié les véhicules électriques en mettant à disposition de nombreuses bornes de recharge pouvant approvisionner jusqu'à 40 véhicules électriques. Aussi, ces deux écoquartiers sont proches des villes, et donc facilement accessibles en transport en commun.
Par ailleurs, un écoquartier permet également la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et favorise les économies d'énergie. BedZED a dans cette optique réduit le chauffage de 90% grâce aux matériaux isolants utilisés pour la construction. L'épaisseur des murs et l'exposition des logements au sud permettent également de garder la chaleur. A Vauban, la consommation d'énergie est également faible : 65 kWh en moyenne par m² et par an contre 160 à 300 kWh/m²/an en France alors que le Grenelle de l'Environnement prévoit d'ici 2020 une consommation de 50kWh/m²/an pour le tiers des logements neufs. La consommation d'eau est aussi en baisse : les appartements sont tous équipés d'appareils à faible consommation, de chasses d'eau à double débit et de baignoires à faible contenance.
Enfin, un rôle clé est tenu par les soutiens financiers d'entreprises de construction, d'associations et du conseil municipal mais aussi par l'implication des résidents. Même si le prix d'un logement est en moyenne 20% plus cher, le budget s'équilibre puisque la facture énergétique ainsi que les coûts de transport sont réduits.
Le tableau ci-dessous résume les différentes caractéristiques de BedZED et Vauban :
Ces deux écoquartiers ont donc fait leurs preuves et ont relevé le défi du problème démographique et de la consommation d'énergie. L'implication des habitants et des associations, les techniques utilisées ainsi que le cadre ont fait des écoquartiers le nouvel urbanisme de demain. Si les pays d'Europe du Nord sont en avance, ce n'est pas le cas de la France. En effet, la prise de conscience s'est faite plus tardivement : Même s'il existe encore très peu d'écoquartiers ayant fait leurs preuves, de nombreux projets sont actuellement en cours.
La France commence à peine à s'intéresser à la problématique mais elle met tout en oeuvre au niveau national pour rattraper son retard. En effet, la publication d'un Agenda 21 en 2004 ayant pour objectif de mettre en place une politique de développement durable sur le territoire, montre sa volonté de s'impliquer. Plus tard, le Grenelle de l'Environnement en 2007 ainsi que le « Plan Ville Durable » visant à « favoriser l'émergence d'une nouvelle façon de concevoir, construire, faire évoluer et gérer les villes » lancé en 2008 par Jean-Louis Borloo, ministre de l'Ecologie confirment l'implication de la France. Cet appel à projet a rencontré un réel succès, il a d'ailleurs été renouvelé début 2011. La Caisse des Dépôts ainsi que l'Ademe ont financé plusieurs projets d'écoquartiers à hauteur de plus d'un million d'euros telle que la Zone d'Aménagement Concerté (ZAC) de Bonne à Grenoble.
Cet écoquartier a été construit sur un terrain de 8.5 ha à la place d'une ancienne caserne et pourra accueillir à long terme 2 500 habitants. La ZAC de Bonne est une référence en France, nous retrouvons d'ailleurs dans ce projet les facteurs clés qui ont fait le succès des écoquartiers d'Europe du Nord, comme l'implication des habitants, une place essentielle pour les espaces verts, une gestion des eaux usées ainsi que la proximité du centre de Grenoble.
Paris montre aussi l'exemple avec la construction de l'écoquartier de Rungis dans le 13ème arrondissement et la ZAC des Batignolles dans le 17ème. Cette dernière a vu le jour en 2005, lorsque la ville de Paris s'est présentée aux Jeux Olympiques et avait prévu d'en faire un village olympique. Le projet prévoit 3 500 logements pour 15 000 habitants. Par ailleurs, le Tribunal de Grande Instance et la police judiciaire devraient s'installer au nord de la ZAC, ce qui favorisera le développement économique de l'écoquartier. De plus, pour faciliter l'accès, la ZAC des Batignolles souhaite prolonger la ligne 14, ce qui la rallierait directement au centre de Paris.
Ces deux exemples parmi tant d'autres sont la preuve que la France rattrape son retard. De nombreux écoquartiers ont récemment vu le jour ou sont encore en cours de construction, mais une différence importante avec ceux d'Europe du Nord se dessine : la densité est deux fois plus élevée en France.
Malgré une prise de conscience plus tardive, la France met tout en oeuvre pour favoriser l'émergence de nouveaux écoquartiers. On en compte actuellement une vingtaine notamment à Toulouse, Strasbourg, Grenoble ou Paris. S'ils ne sont plus forcément à l'étape de projets ou en construction, les écoquartiers sont trop récents pour mesurer l'ampleur de leur succès. Ces écoquartiers semblent réunir tous les facteurs qui ont fait le succès de ceux d'Europe du Nord : les nombreux espaces verts, l'implication des habitants ainsi qu'un accès au centre ville. La densité élevée apparaît toutefois dès maintenant comme une limite au succès des écoquartiers en France. Un faible retour d'expérience malgré le nombre élevé d'écoquartiers incite néanmoins à se demander si ces écoquartiers seront une solution durable ou juste un effet de mode ?