La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Lors d'un discours prononcé le 3 mars 2012 à Dijon, le candidat François Hollande annonçait sa volonté d'aller plus loin dans la décentralisation : « J'engagerai une nouvelle étape de la décentralisation. »
Le candidat François Hollande annonçait plus encore : « J'engagerai une nouvelle étape de la décentralisation. Je le ferai non pas simplement par principe, mais parce que j'ai une conviction, c'est que nos territoires sont des lieux de démocratie, d'énergie, de vitalité, de croissance. Et qu'au moment où il faut redresser la France, où il faut chercher des gisements pour l'investissement, pour la formation, pour l'innovation, c'est sur les territoires que nous les trouverons. »
Parmi les grandes orientations le Président Hollande a ensuite clairement laissé entendre qu'il souhaitait conférer de nouvelles compétences aux régions en matière d'énergie et d'environnement. Leur rôle serait alors renforcé pour leur donner la possibilité de contribuer aux côtés de l'Etat aux orientations stratégiques de la transition énergétique à la maille de leur territoire. Une tendance dans l'air du temps car en parallèle, après une longue période de quasi-oubli, les régions se réapproprient de plus en plus leur rôle d'autorité concédante des réseaux de distribution de gaz et d'électricité.
L'organisation du débat sur la transition énergétique vient confirmer cette ligne directrice avec la création les 15 et 16 janvier dernier, d'un groupe de travail sur la gouvernance qui abordera les conditions de mise en oeuvre d'actions de transition énergétique efficace à la fois pour l'Etat et les collectivités territoriales, et qui traitera des répartitions de compétences entre les différents niveaux territoriaux en lien avec la nouvelle étape de la décentralisation.
Dans ce contexte, il apparaît intéressant de se pencher sur des acteurs relativement méconnus dans le paysage énergétique français : les Entreprises Locales de Distribution (ELD).
On en dénombre encore 165, héritiers des temps fondateurs des industries électrique et gazière, qui ont échappé à la nationalisation de 1946 et assurent aujourd'hui 5 % de la distribution d'énergie en France. Leur visibilité et la lisibilité de leurs missions ont pâti de leur caractère résolument atypique. Pour autant, ces entreprises au coeur des territoires devraient susciter un intérêt nouveau à la faveur du débat sur la transition énergétique, dans une tendance générale à la décentralisation.
Aux origines des secteurs électrique et gazier, fin XIXème-début du XXème siècle, la commune est apparue comme la maille adéquate pour l'organisation de la distribution d'énergies de réseaux encore très atomisés. Si la compétence des communes dans ce domaine est reconnue dès 1884, avec la loi de 1906, elles deviennent autorités concédantes des réseaux de distribution de gaz et d'électricité. Par la suite, au lendemain de la Libération, des pans entiers de l'économie sont nationalisés afin de reconstruire le pays. Le secteur de l'énergie est au coeur de ce mouvement et le 8 avril 1946, une loi est promulguée en faveur de la nationalisation des secteurs de l'électricité et du gaz. Ce sont alors 2 400 entreprises qui sont nationalisées et qui fusionnent en une seule et même entité : EDF-GDF. Seules 350 entreprises appelées Distributeurs Non Nationalisés (DNN) y échappent et deviendront les ELD que nous connaissons aujourd'hui.
Les grands chantiers nationaux qui ont transformé le secteur électrique pendant les décennies suivantes ont maintenu les ELD dans une situation de relative confidentialité. Depuis le début des années 2000, elles font face à de nouveaux défis : elles ont dû s'adapter à un contexte concurrentiel nouveau, elles ont vu leurs contrats d'approvisionnement et leurs marges réglementées par l'introduction du Tarif de Cession. Demain, elles devront faire face à la suppression des tarifs réglementés jaunes et verts prévue pour 2016. Elles ont donc dû acquérir des compétences pour entrer dans le jeu concurrentiel sur le marché de la fourniture et se posent dès à présent la question de leurs approvisionnements si le tarif de cession venait à être fragilisé.
Si le coeur de métier des ELD se concentre sur la distribution et la fourniture au tarif réglementé d'électricité et/ou de gaz, elles sont nombreuses à s'être lancées dans un processus de diversification. Cette tendance est portée par deux objectifs principaux. La pérennisation de leur coeur de métier les incite à une diversification verticale : sécuriser des approvisionnements à l'amont, développer des offres en concurrence sur la fourniture. D'autre part, les entreprises locales de distribution ont pu apparaître pour les maires comme des plateformes adéquates pour proposer d'autres services à leurs administrés, soit en étendant l'activité de l'ELD à l'eau ou à la chaleur, soit en l'utilisant pour développer l'éclairage public, gérer la signalisation de la commune ou encore proposer des services en téléphonie et télévision (internet, câble etc ).
Les ELD sont ainsi devenues pour les élus un outil pour la politique locale proche de leurs administrés, sur des services essentiels à la vie quotidienne.
Parce qu'elles se sont implantées dans les régions où l'énergie a représenté une problématique particulièrement clé, et ce à une époque charnière, les ELD se sont ainsi inscrites profondément et durablement dans le développement de leur territoire. Les ELD où l'on retrouve fréquemment maire, adjoint, conseillers municipaux dans les instances dirigeantes, sont très ancrées localement. Une force pour les ELD, qui sont ainsi en mesure de bien cerner les spécificités de leur territoire et d'orchestrer le développement de la politique énergétique au plus près de la réalité du terrain.
Principales limites des ELD, leur faible capacité financière au regard des investissements nécessaires pour ce type d'infrastructure. Pour mémoire, la tempête de 1999 fut à l'origine de la faillite d'Electricité Service de Gironde qui n'avait pas les moyens de financer les travaux de remise en état de son réseau. Par ailleurs, le modèle décentralisé ne permet pas des économies d'échelle dont seuls des opérateurs nationaux, voire internationaux peuvent bénéficier.
Enfin, pour des raisons de sécurité d'approvisionnement, les réseaux de distribution se doivent de rester interconnectés, suffisamment maillés et avec une supervision coordonnée. Cela nécessite de concevoir des infrastructures compatibles, de développer des savoir-faire homogènes, et d'utiliser des technologies interopérables. Des objectifs difficiles à tenir à une échelle nationale si on multipliait le nombre d'acteurs indépendants.
Dans un univers où il est désormais nécessaire d'orchestrer des points de production qui chaque jour se multiplient, avec des technologies autour du stockage de l'énergie et des smarts grid certes foisonnantes mais encore naissantes, il faut envisager de nouvelles approches, de nouveaux modèles permettant de sécuriser les réseaux. La transition énergétique, avec la part belle donnée aux EnR, impose de descendre à la maille locale et de dépasser la sempiternelle dichotomie entre un pilotage global versus des spécificités locales.
A ce titre, les ELD peuvent contribuer à la réflexion lancée par notre président. Ces acteurs, et le microcosme sur lequel elles rayonnent, constituent un terrain d'expérimentation tout à fait pertinent par leur taille réduite mais significative et par leur champ d'intervention qui couvre toute la chaîne de valeur. Naturellement confrontées aux problématiques de territorialité, parfois plus agiles que les grands opérateurs nationaux de la part leur taille, elles n'ont pas attendu le débat sur la transition énergétique pour lancer des expérimentations et méritent qu'on se penche sur leur retour d'expérience.
Afin de mieux les connaître et de mettre en lumière leur expérience nous venons donc de produire un panorama des ELD.