La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Fortement critiqués à la suite de la crise de 2008, les modèles internes se retrouvent aujourd’hui dans le collimateur des différents régulateurs nationaux et internationaux (Comité de Bâle, EBA, BCE) en vue de la finalisation de Bâle 3 ou de l’éventuelle arrivée de Bâle 4.
C’est dans ce cadre que la BCE a lancé en 2016 l’exercice de revue des modèles internes appelé TRIM (Targeted Review of Internal Models) dont l’objectif affiché est de revoir profondément l’ensemble des modèles des banques.
Entrés en vigueur en 2004 avec la mise en place de Bâle 2, les modèles internes ont été progressivement mis en place au fil des années au sein des banques sur différents périmètres (Crédit, Marché et Opérationnel), générant ainsi des coûts de déploiement considérables notamment pour les banques européennes qui y ont massivement recouru. Ces outils statistiques permettent aux institutions financières de déterminer les niveaux de risque courus sur leurs expositions que sont les emplois pondérés (RWA – Risk Weighted Assets), qui servent quant à eux d’assiette de calcul des niveaux des fonds propres.
Si la gestion des modèles internes est un des enjeux de la finalisation de Bâle 3 et de l’éventuel nouveau cadre Bâle 4, les approches des régulateurs divergent encore, impliquant des réponses et exigences différentes quant à leur traitement dans le futur cadre règlementaire.
Le Comité de Bâle affiche une totale méfiance vis-à-vis des modèles, qu’il estime opaques, complexes à superviser, sources de variabilité des emplois pondérés et favorisant les arbitrages règlementaires. Il propose ainsi la mise en place d’une approche standard comme alternative à une approche basée sur la modélisation.
Moins tranchée, L’Autorité Bancaire Européenne estime quant à elle qu’ils permettent une meilleure mesure du risque et de sa gestion interne. Par conséquent, elle tend, comme la BCE, vers une approche privilégiant l’harmonisation des règles de mise en œuvre de modèles internes au sein des institutions financières.
L’EBA a lancé au courant de l’année 2016 l’exercice de benchmark des emplois pondérés calculés suivant les méthodes IRB sur les périmètres Risque de crédit et de marché. L’objectif de cet exercice était de mener une étude comparative des RWA des banques sur des portefeuilles similaires, afin d’identifier les établissements qui sous-estiment leurs niveaux d’emplois pondérés du fait de l’optimisme excessif de leurs modèles internes. En parallèle de cette initiative, diverses enquêtes qualitatives portant sur les modèles risque de crédit des banques ont été lancées afin d’appréhender leurs pratiques de modélisations.
Ces différents exercices ont permis à l’EBA d’identifier les sources de variabilités des RWA des banques, notamment le traitement différent des expositions en défaut, ainsi que les divergences méthodologiques observées dans le calcul des risk drivers des paramètres de calibration des modèles tels que les taux de défaut et taux de pertes. L’EBA a ainsi publié en Novembre 2016 un document consultatif[1] présentant une harmonisation des éléments méthodologiques de calibration des modèles internes risque de crédit, sur les paramètres PD et LGD pour les expositions saines et en défaut.
D’autres consultations sont à venir, notamment sur les études d’impacts de ces nouvelles mesures sur les outils de notation des institutions financières, et la détermination de la LGD en période de ralentissement économique, avant la publication des guides finaux à horizon 2019.
En marge des initiatives de l’EBA, la BCE a lancé en 2016 un vaste programme de revue des modèles internes appelé TRIM (Targeted Review of Internal Models). Il vise à auditer les modèles internes des banques sur les périmètres risque de crédit, risque de contrepartie et risque de marché afin de déterminer s’ils sont fiables, comparables et conformes aux exigences règlementaires. Il s’applique essentiellement aux banques européennes homologuées en IRB pour le calcul de leurs exigences de fonds propres au titre du Pilier 1.
Opérationnellement, l’exercice se déroule en 3 phases :
En Août 2016, les institutions financières ont participé à la 1ère phase de collecte pour les modèles Risque de crédit appliqué au périmètre dit « HDP » (High Default Portfolios). Ce fût également le cas en Juin 2017 pour la 2ème phase de collecte pour le périmètre de modèle dit « LDP » (Low Default Portfolio). Suite à ces exercices de collecte des données modèles, des investigations sur sites des équipes de la BCE au sein des différentes institutions financières sont en cours et se dérouleront durant toute l’année 2017 avec un étalement probable en 2018. La finalisation de ce processus de revue des modèles est prévue en 2019, avec une formulation des recommandations par la BCE quant à l’encadrement et l’harmonisation des pratiques de modélisation des banques.
Par ailleurs, la BCE a d’ores et déjà publié en Février 2017, le Guide TRIM, encore au stade de consultation, qui présente sa vision des bonnes pratiques de modélisation devant être implémentée au sein des institutions financières. L'objectif poursuivi par ce document est d'assurer une interprétation et une application harmonisée du cadre juridique existant. Un focus particulier sera dédié aux aspects de gouvernance des modèles, à savoir la documentation, la validation et l’audit interne des modèles. Suite à la publication du guide, la BCE recueille actuellement les retours des institutions, les croisera les avec résultats des investigations menées sur site et procèdera éventuellement à quelques ajustements avant publication du Guide TRIM définitif.
In fine, le programme TRIM aura pour finalité l’adéquation des modèles internes avec les exigences règlementaires d’une part, et la réduction des variabilités non justifiées des RWA des banques européennes d’autre part.
A terme, les initiatives de l’EBA et la BCE devront permettre d’avoir des modèles internes beaucoup plus transparents et comparables au sein des institutions financières, permettant ainsi d’avoir des niveaux d’emplois pondérés qui reflètent la réelle nature de risque de leurs portefeuilles.
Par ailleurs, en marge de ces initiatives, le Comité de Bâle travaille d’ores et déjà sur un certain nombre de réformes dont certaines ont été publiées et pourront entrer en vigueur à horizon 2019. Il s’agit notamment de :
Ces mesures qui convergent vers l’application des méthodes standards sur différents périmètres, sont de natures à présager la fin des modèles internes ou à minima une réduction drastique de leurs périmètres d’application. Les impacts de cette réponse apportée par le Comité de Bâle sont jugés significatifs et très pénalisants pour le secteur bancaire européen. Les banques européennes devraient ainsi renoncer non seulement à plus d’une décennie de pratique bancaire, mais aussi à des investissements financiers considérables, notamment en termes d’acquisition de ressources humaines et informatiques. A ce jour, le lobby bancaire ainsi que les instances de supervision européennes se mobilisent contre cette convergence vers les modèles standards. Il est fort probable que la finalisation du cadre Bâle 3 ou l’éventuelle mise en place de Bâle 4 maintienne une coexistence des méthodes standards et IRB, toutefois avec une restriction drastique du périmètre d’application des modèles internes.
[1] Guidelines on PD estimation, LGD estimation and the treatment of defaulted exposures