La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Polestar, Geely, Aiways ou encore Hongqi, Sia Partners vous décrypte les stratégies de différenciation des nouveaux entrants…
Le marché européen de la voiture électrique est en pleine ébullition, stimulé par le lancement de la stratégie communautaire de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui devrait aboutir à une interdiction des ventes de moteurs thermiques neufs en 2035 dans l’Union Européenne. Ainsi, de nouveaux constructeurs ont fait leur apparition et se sont multipliés sur le marché européen. Une douzaine de ces nouvelles marques de voitures, principalement asiatiques et appuyées par des géants industriels, se font une place dans un paysage qui est longtemps resté dominé par les grands constructeurs historiques.
Polestar, Geely, Aiways ou encore Hongqi font partie de ces nouveaux constructeurs qui ont pénétré le marché européen depuis janvier 2022. Leurs véhicules sont disponibles à la vente et à la location, en direct ou via des agences de location. Les ventes se font principalement en ligne en partenariat avec quelques concessionnaires afin de créer un ancrage territorial qui rassure le consommateur. Ce qui a pour avantage d’éviter la constitution d’un réseau de distribution, lourd d’un point de vue financier et difficile à maîtriser d’un point de vue opérationnel.
Les néo-constructeurs s'invitent principalement sur un segment haut de gamme avec des prix supérieurs à 40K€, justifiés par un marketing et un design de qualité, mais demeurant largement moins chers que leurs équivalents européens. Le choix d’une motorisation électrique par ces nouveaux entrants offre l’avantage d’une conception plus simple et d’une maintenance limitée par rapport au traditionnel moteur thermique, d’autant qu’il n’existe pas de réseau de distribution.
Ces différents choix stratégiques s’inscrivent dans une démarche de pénétration agressive du marché européen. En décidant de s’affranchir des différents usages auxquels le consommateur est habitué, ils prennent le pari de s’établir grâce à des key features simples et directs : une automobile moderne offrant des prestations premiums et soucieuses de l’environnement à un prix abordable.
Certains néo-constructeurs, à l’image de Tesla, ont des valorisations en bourse qui paraissent décorrélées par rapport à leur production de véhicules, surtout si l’on compare ces valorisations avec celles d’acteurs traditionnels.
L’introduction en bourse de Rivian ; américain spécialisé dans les tous terrains électriques ; en novembre 2021 a permis à la jeune société de lever 11,9 milliards de dollars. Cela représente un énorme levier afin de monter en puissance opérationnelle. Dotée d'une capacité de 150.000 véhicules par an, son usine de Normal, dans l'Illinois, devrait tourner à plein régime fin 2023, et le constructeur prévoit déjà la construction d'autres usines.
Néanmoins, de nombreux spécialistes du marché automobile pronostiquent une chute du cours de Tesla depuis des années. Cela s’explique notamment parce que les investisseurs n'ont pas les mêmes exigences avec les nouveaux acteurs qu'avec les anciens. Les constructeurs automobiles traditionnels paient cher la moindre décimale d’écart entre la marge opérationnelle réelle et sa prévision.
Sans nul doute, l’avènement de la voiture électrique mettra fin au modèle traditionnel dans lequel la chaîne de valeur reposait essentiellement dans la performance industrielle et l'innovation moteur. La voiture électrique supprime de facto le moteur thermique et toute la chaîne de traction, équipements de dépollution compris. C'est près d'un tiers de la valeur d’une voiture thermique qui disparaît. Pour ces néo-constructeurs, cela constitue une belle opportunité, l’occasion d’être au même niveau technologique que leurs concurrents installés et dans certains cas, d’avoir un peu d’avance.
Cependant, on ne peut oublier l’incroyable rebondissement qui eut lieu dans cette guerre effrénée pour la conquête du marché auto : l’introduction en bourse en septembre 2022 de Porsche, propriété du groupe Volkswagen. A plus d’un titre, cette IPO aura battu de nombreux records, notamment celui de la plus grosse introduction en bourse en Europe depuis 2011 et ceci, dans un contexte financier très incertain. Au-delà de l’aspect comptable de cette opération, cela est un excellent exemple d’une stratégie de revitalisation gagnante pour une marque européenne de 92 ans d’âge. Les clefs de ce succès se situent dans une orientation précoce vers l’électrique avec une gamme à 40 % électrifiée en 2022 et 100% à horizon 2030.
Voici la preuve que les constructeurs du vieux continent n’ont pas dit leur dernier mot.
Les néo-constructeurs font face aux mêmes contraintes que les autres fabricants de véhicules électriques mais disposent de ressources limitées pour sécuriser leur approvisionnement en matériaux, composants et notamment en batteries. En effet, ils ne disposent pas de la capacité d’achat ; tant d’un point de vue financier que des volumes ; des constructeurs traditionnels et ainsi risquent une marginalisation lors de l’approvisionnement. De plus, ces derniers entretiennent un surplus d’approvisionnement et ont d’ores et déjà commencé à se positionner pour les années à venir.
Bien que la crise des semi-conducteurs touche à sa fin dans la plupart des secteurs, dans un rapport paru récemment, Volkswagen exprime sa crainte sur l'approvisionnement en semi-conducteur qui ne répondrait pas à la demande du secteur automobile avant 2024.
Par ailleurs, la demande en batterie lithium-ion pourrait croître de 32% par an jusqu’à 2030, augmentant davantage la tension sur une filière qui tourne déjà à plein régime. Les fournisseurs de batteries développent des giga-usines pour répondre à ce besoin, principalement asiatique jusqu’à présent mais l’avenir est incertain et nul ne sait si les acteurs de cette industrie pourront répondre à la hausse de la demande.
A ces contraintes exogènes, s’ajoute celle de l’outil de production car sans usines parfaitement conçues, la production de véhicule sera insuffisante ou rythmée par de nombreuses problématiques de fiabilité ou de retards de livraison. Pour éviter cet écueil, l’option du rachat d’usines entièrement équipées à des constructeurs traditionnels permet d’accélérer fortement la mise sur le marché. Le meilleur exemple étant ceux de Tesla et Rivian qui ont racheté respectivement à General Motors et Mitsubishi d’anciennes usines. C’est aussi le modèle choisi par les constructeurs asiatiques capable de mettre sur le marché un véhicule après seulement quelques années d’existence de la marque.
Les constructeurs ne seront peut-être plus nommés ainsi dans quelques années. En effet, il est tout à fait imaginable à l’instar du secteur informatique dans sa globalité que ces acteurs commencent à s’éloigner de l’aspect recherche et développement en se concentrant sur la distribution et la compréhension de la demande afin de proposer une offre adaptée. Ainsi on pourrait imaginer que les voitures seraient assemblées par la marque commercialisant le modèle en se fournissant les différents éléments clefs auprès de spécialistes.
A contrario, certaines marques comme Tesla ont décidé de passer à un modèle d'intégration verticale, en produisant en interne les batteries, déployant son propre réseau de recharge...Cela étant poussé à son paroxysme avec l’invention d’un Operating System qui révolutionne le fonctionnement technique d'une voiture. Le logiciel prenant une nouvelle place dans la chaîne de valeur automobile, le software représentera près de 60% de la valeur d'une voiture en 2030 d’après certaines études.