La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Tout comme les e-billets dans le transport ferroviaire, les billets d’avion sont nominatifs, et lorsqu’ils ne sont ni échangeables ni remboursables, il est difficile voire impossible pour les consommateurs de les céder à un tiers.
L’essor des plateformes collaboratives pose la question de l’opportunité de développement de places de marché comme nouveaux canaux de distribution dans le secteur du transport, et comme moyen pour les opérateurs de sécuriser leur rôle d’acteur majeur dans la chaîne de valeur.
Dans le secteur de l’aérien, les billets les moins chers offerts par les compagnies aériennes sont dans la majorité des cas peu flexibles, car ils sont non remboursables et non modifiables. Lorsqu’un voyageur se voit dans l’incapacité de voyager avec un tel billet, il ne peut se faire rembourser que des frais d’aéroport s’il veut annuler son billet, ou payer des frais de modification de date sur le billet.
La cession d’un billet d’avion à un tiers, c’est-à-dire la modification du nom du voyageur sur le billet d’avion, est proposée par certaines compagnies aériennes, à un prix souvent conséquent. Chaque compagnie aérienne possède ses propres conditions générales, portant notamment sur : le coût, le nombre de jours avant le départ, le segment du voyage (seulement l'aller ou l'aller et le retour), l'applicabilité du changement de tarif entre celui en vigueur à l'achat et l’augmentation au moment de la modification, etc.).
De manière générale, le transfert de billets entre les clients représente des risques de sécurité pour les compagnies aériennes. Ces dernières sont dans l’obligation, pour certaines destinations, de transmettre l’API (Advanced Passenger Information) aux autorités douanières en amont du départ. C’est la raison pour laquelle nombre d’entre elles ne permettent pas à leurs clients de changer le nom du billet d’avion.
Tout comme les compagnies aériennes, la SNCF propose aux voyageurs des billets plus ou moins flexibles. Depuis le 27 septembre 2018, la SNCF ne propose plus les billets non échangeables et non modifiables (Prems TGV et 100% éco IC) sous format cartonnés. Ces billets désormais dématérialisés sont liés à une seule identité et ne peuvent, par conséquent, plus être cédés à un tiers. Ouigo offre à ses clients la possibilité de modifier le nom du billet moyennant un surcoût de 10€, mais ne gère pas la mise en relation acheteur/vendeur.
La mise en relation via des plateformes dédiées de revendeurs et d’acheteurs de billets de transport est un service peu développé. Certains sites indépendants permettent la revente de billets d’occasion, à condition que le billet puisse être cédé à un tiers, tels les sites Zepass.com, Kelbillet.com ou troc-voyage.fr. Dans ce cas, la gestion du changement de nom dépend intégralement des conditions du transporteur concerné. Ces plateformes indépendantes jouent un rôle de tiers afin de sécuriser la transaction entre l’acheteur et le vendeur du billet d’avion.
Sur le site Zepass.com, les clients voulant revendre leur billet publient une annonce avec les caractéristiques du billet (heure et jour de départ, prix de revente souhaité, format du billet). Si le billet trouve un acheteur, alors la plateforme Zepass.com met les deux clients en relation. Une fois le paiement effectué, le vendeur doit faire les modifications nécessaires auprès du transporteur pour procéder au changement de nom. Quand l’acheteur confirme l’achat sur la plateforme et accuse réception du billet, le vendeur reçoit le paiement de manière sécurisée.
Ces plateformes indépendantes offrent plusieurs bénéfices aux clients vendeurs et acheteurs. Tout d’abord, les billets sont revendus au même prix voire sont moins chers que le prix initial. Aussi, la plateforme garantit un paiement sécurisé du billet et offre un large choix d’options pour les acheteurs de billets d’occasion car les billets de toutes les compagnies aériennes peuvent être revendus, sous réserve d’être cessibles.
Le concept pilote pensé par FlexFly est simple et gagnant-gagnant, tant pour les revendeurs que pour les acheteurs mis en relation via la plateforme. Un client Air France qui désirerait revendre son billet pourrait alors le déposer sur la plateforme, et récupérer une partie de la valeur à l’achat s’il trouve un repreneur. Le prix de revient correspondrait alors au prix d’achat initial du billet, diminué d’une réduction au profit des acheteurs de la plateforme, ainsi que d’une commission prise par FlexFly. L’acheteur quant à lui pourrait trouver des billets à prix réduit par rapport aux offres sur le site AirFrance.com : d’une part grâce à la réduction mise en place par le nouveau service FlexFly, d’autre part par le fait d’acheter un produit dont le prix a probablement évolué depuis sa première mise en vente, par les effets de la politique de revenue management et pricing d’Air France.
Lors de la phase d’expérimentation du concept FlexFly, les billets proposés devaient répondre à certaines conditions. Tout d’abord, les billets initialement achetés auprès d’Air France ne devaient être ni échangeables, ni remboursables. Aussi, les billets devaient être de format électronique, et avoir été achetés en direct à Air France ou auprès d’un de ses sites partenaires. Par conséquent, la plateforme excluait les billets achetés en agence de voyage ou via des comparateurs de vols. Enfin, le vendeur devait proposer le billet sur la plateforme au moins soixante-douze heures après l’achat et le vol s’effectuer sous plus de soixante-douze heures.
Seuls les billets d’Air France et de sa filiale Joon étaient proposés sur la plateforme FlexFly, mais à l’avenir, les offres pourraient s’étendre aux autres compagnies du groupe, Hop! et Transavia.
La start-up développée par Air France a réalisé une phase d’expérimentation de plusieurs mois qui s’est terminée fin octobre. La généralisation et l’ouverture à tous du service n’ont pour l’instant pas été officialisées ni définies par la compagnie aérienne.
Les opérateurs de transport sont victimes de « no show », lorsque certains passagers ne se présentent pas à l’embarquement. La vente de billets d’occasion pourrait être un moyen efficace de résorber une partie du « no show » constaté, de générer du chiffre d’affaires supplémentaire grâce à la commission réalisée sur la transaction lors de la revente du billet d’occasion, et d’optimiser ainsi leur taux de remplissage.
Par ailleurs, la création par un transporteur d’un service de vente de billets d’occasion favoriserait une meilleure attractivité de la marque, en révélant ses capacités à innover, enrichir son offre et comprendre les attentes de ses clients. Ces nouvelles plateformes viseraient notamment la clientèle flexible et opportuniste, à la recherche de prix attractifs et peu contrainte dans le choix des dates de billets.
Une plateforme directement éditée par un transporteur représenterait une offre plus avantageuse et plus directe pour les consommateurs que les plateformes indépendantes telles que Zepass.com ou Kelbillet.com. Les clients seraient aussi incités à utiliser les propres canaux de distribution du transporteur (vente directe ou vente sur ses sites partenaires), si la plateforme limite les conditions de revente des billets à ce type de canaux.
Bien que les places de marché puissent représenter de nombreuses opportunités, elles pourraient en parallèle déséduquer le consommateur sur deux points.
Tout d’abord, la possibilité de revente de billets non échangeables et non remboursables pourrait créer un effet dilutif sur les ventes de billets échangeables. Les clients auraient désormais l’opportunité de revendre leur billet et risqueraient par conséquent d’acheter des billets non échangeables, moins chers que les billets échangeables. En pratique, cet effet dilutif est potentiellement limité car le vendeur, en plus de devoir trouver un acheteur pour son billet, ne récupèrerait qu’une partie du prix initial, là où un billet remboursable lui permet de se faire rembourser la quasi intégralité de son billet.
Aussi, l’offre sur la nouvelle plateforme de billets moins chers que sur le site du transporteur pourrait inciter les clients à ne se référer qu’aux offres disponibles sur la place de marché, plutôt que d’anticiper leur réservation. Le risque serait alors que la plateforme devienne un autre canal de réservation au même titre que des sites d’offres promotionnelles. Ce risque est néanmoins atténué du fait que les choix de destinations et les dates de voyages associés sont restreints, contrairement à un achat anticipé directement sur le site.
A l’heure de l’essor de l’économie de partage, Air France se met au goût du jour en expérimentant une plateforme collaborative qui permettrait aux clients de pouvoir revendre leurs billets non échangeables et non remboursables. Les places de marché représentent aujourd’hui un moyen pour les transporteurs d’améliorer leur relation client et de capter de nouvelles cibles sur un nouveau canal de distribution innovant.