La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Vous avez toujours rêvé de devenir dirigeant d'une base lunaire, de percer les mystères de la banque de financement, ou encore d'incarner un commercial chez l'Oréal ? Ou plus simplement, vous aimez savoir dans quoi vous vous engagez avant de postuler pour un nouveau poste ?
Vous allez adorer les « serious games », ces applications qui mettent en pratique des techniques habituellement destinées aux jeux vidéos pour les appliquer à des objectifs plus « professionnels », comme vous faire découvrir une entreprise ou un poste particulier.
C'est ainsi que l'Oréal a lancé en janvier 2010 la première version du jeu « Reveal » : dans un univers très graphique qui rappelle quelque peu les mangas, le joueur est immergé dans l'ambiance des bureaux de l'Oréal en endossant le rôle d'un junior. Il évolue à travers les différents domaines d'expertise de la marque, de la R&D à la Finance, en résolvant des épreuves évaluant ses connaissances et ses capacités managériales. Les « serious games » sont ainsi devenus de nouveaux instruments utilisés par les ressources humaines pour améliorer leur processus de recrutement. Essentiellement utilisés par les grandes entreprises pour attirer les étudiants et jeunes diplômés, ils permettent à la fois un sourcing élargi des candidats et une meilleure sélection des recrues. Mais ces « serious games » se révèlent être également des « serious booster » de la marque employeur.
Le premier serious game tel que nous le concevons dans la mouvance actuelle est celui de l' « US Army » lancé en 2002. Ce jeu, plus vrai que nature, permettait aux futures recrues de s'entrainer à différentes missions militaires. Plus de 11 millions d'internautes l'ont téléchargé gratuitement depuis sa sortie. Aujourd'hui, plus de la moitié des sociétés du CAC 40 ont fait appel à des «serious games». Ils permettent en effet aux entreprises d'élargir leur sourcing en attirant un nombre considérable de candidats potentiels (français ou internationaux) en un laps de temps très court. Cette méthode permet donc de réduire fortement le coût moyen d'acquisition de candidats, mais aussi de diversifier ses recrutements en s'intéressant à des candidats qui n'auraient pas eu « le bon CV » dans un processus normal. Ainsi, la quatrième édition de « Ace Manager - The Fourth set » développée par BNP Paribas a attiré plus de 14 000 participants dans 145 pays différents. En fait, les « serious games » se révèlent particulièrement efficaces pour séduire et convaincre les jeunes technophiles, à savoir les stagiaires et jeunes diplômés appartenant à la génération Y. Ces nouveaux outils sont donc particulièrement adaptés aux grandes sociétés, ayant des budgets conséquents, à fort besoin de recrutement et ciblant plus particulièrement les jeunes diplômés.
En étudiant les résultats de ces « serious games » les recruteurs vont pouvoir analyser comment un candidat se comporte dans une situation donnée. A travers les différentes épreuves virtuelles du jeu, ils vont pouvoir dresser le profil des candidats et évaluer leurs compétences, selon une grille de notation identique pour tous. Les candidats sont placés en situation ludique et réagissent donc de manière plus naturelle aux situations auxquelles ils sont confrontés, ils sont donc plus « décomplexés » que dans un entretien de recrutement classique. Par ailleurs, « Les serious games sont conçus de telle manière qu'on ne peut être différent de ce que l'on est plus de 5 minutes »[1]. Les conditions sont donc idéales pour évaluer les capacités managériales et comportementales des candidats. Ainsi, une fois le jeu terminé, un bilan personnalisé est envoyé aux participants de « Reveal » (L'Oréal) et les meilleurs sont sélectionnés pour passer à l'étape suivante, l'entretien d'embauche.
Au-delà de l'évaluation des candidats, les « serious games » permettent aussi de mieux faire connaitre les activités de l'entreprise et de fluidifier la présélection des candidats. C'est dans cette optique que le Centre de Formation d'Apprentis de la Poste a lancé en janvier 2011 « Facteur Academy ». Victime d'un taux de rupture des périodes d'essai de plus de 25%, leur objectif n'est pas d'évaluer les candidats, mais simplement de leur proposer de vivre une semaine type du facteur en apprentissage. Par l'effet « meilleure connaissance des attendus », le CFA mise sur l'auto-élimination des candidats les plus en inadéquation avec les exigences du métier. Pour les recruteurs, cela se traduit par une amélioration du taux de transformation du dépôt de candidatures à l'entretien de motivation et une réduction des coûts de traitement des candidats.
Les « serious games » sont un moyen original et efficace pour susciter la curiosité, engager des échanges et travailler à long terme sa marque employeur. En développant et promouvant son « serious game », les recruteurs envoient aux candidats l'image d'une entreprise dynamique, innovante et créative. Par ailleurs, ces jeux sont l'occasion de transmettre des messages tacites, en sortant par exemple du périmètre de l'entreprise. Ainsi, les joueurs de Moonshield, développé par Thales, doivent défendre la Terre et construire une base en utilisant les technologies produites par l'entreprise. Là encore, le jeu transmet l'image de collaborateurs innovants, à la pointe de la technologie, voire capables de se positionner en héros de l'humanité. Les « serious games » participent donc à répandre une notoriété positive et les valeurs des entreprises aux candidats du monde entier.
Enfin, grâce à une aide financière, pouvant aller jusqu'à 577 000€ par projet, attribuée par l'Etat en janvier 2009 dans le cadre du plan de relance numérique, le marché français est actuellement en plein essor : les éditeurs élargissent leur offre en proposant de nouveaux supports (applications pour téléphones et tablettes par exemple) ou des solutions sur étagère, vendues à la licence et visant à réduire les coûts. Au-delà des formats, les domaines d'utilisation sont aussi de plus en plus diversifiés : en interne pour la formation des collaborateurs ; sous forme d'Advertgame à des fins marketings et commerciales ; ou même encore pour transmettre des messages politiques ou citoyens... Les « serious games » ont encore un grand avenir devant eux !
[1] Michel Noir, Président de SBT (Scientific Brain Center) et d'Arnava, spécialiste de l'évaluation des compétences.