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Libéralisation des horaires d'ouverture des magasins

La loi pour la croissance et l’activité (loi Macron) a été promulguée le 6 août dernier. Parmi les nombreux sujets qu’elle traite, elle vient actualiser la position de la France sur les horaires d’ouverture des magasins, là où de nombreux pays européens ont déjà entamés des réformes.

La loi pour la croissance et l’activité (loi Macron) a été promulguée le 6 août dernier. Parmi les nombreux sujets qu’elle traite, elle vient actualiser la position de la France sur les horaires d’ouverture des magasins, là où de nombreux pays européens ont déjà entamés des réformes. Des mesures vont donc être mises en place avec pour objectif de créer de l’activité en facilitant la consommation en semaine et en la stimulant le dimanche.

Une réglementation hétérogène des heures d’ouverture en Europe

Benchmark des réglementations en Europe

En Europe, les mesures à mettre en place concernant les horaires d’ouverture des magasins ne font pas l’unanimité. Ainsi, les modèles non-réglementés côtoient ceux fortement réglementés. La complexité de ces mesures augmente d’autant plus que les pouvoirs de réglementation sont souvent délégués à des échelons régionaux ou locaux. Les états décentralisés, tel que la Suisse ou l’Espagne, ont ainsi autant de réglementations que de cantons ou de communautés autonomes.

Des points communs peuvent tout de même être observés. Les exceptions aux réglementations sont ainsi généralement les mêmes, ciblant certaines catégories de boutiques spécialisées (les boulangers, les fleuristes, …) et certaines zones géographiques (à proximité des gares, aéroports, zones touristiques,…). De même, les ouvertures le dimanche sont fortement limitées bien que certains pays comme la Belgique ou les Pays-Bas autorisent le respect d’un autre jour de repos, notamment pour des raisons religieuses.

On observe néanmoins une convergence globale vers des mesures de plus en plus libérales qui se propagent de pays en pays. De nouvelles mesures de régulation ont ainsi été mises en place en Autriche et dans certains cantons suisses suite à la déréglementation des horaires d’ouvertures outre-Rhin.

Etat de la réglementation des horaires d’ouverture dans quelques pays européens

Source: Analyse Sia Partners

Zoom sur la situation en Allemagne

En Allemagne, depuis le milieu des années 2000, la réglementation sur les horaires d’ouverture en semaine et en week-end peut être établie par les Landër. Cette situation a évolué depuis 2006 quand une réforme fédérale  a fixé des contraintes nationales pouvant être modifiées au niveau régional: de 6h à 20h en semaine et des autorisations d’ouverture pour quatre dimanches dans l’année. Cette mesure a résulté en une forte disparité sur le territoire avec, par exemple, une quasi-libéralisation à Berlin (ouverture autorisée 24h/24 et 8 dimanches par an) contre un conservatisme important en Bavière et dans la Sarre (conservant les horaires nationaux). Ces différentes régulations sont décrites en figure 2.

L’impact de cette libéralisation sur l’emploi dans le secteur de la distribution a mené à des études aux conclusions contradictoires. Ainsi, une première étude, publiée en février 2014, conclue à un impact positif des mesures de dérégulation sur l’emploi dans la distribution alimentaire allemande. L’emploi dans ce secteur aurait ainsi augmenté de 8 700 postes (soit environ 0,4 collaborateur par boutique)[1]. Cette augmentation aurait alors été principalement portée par des emplois à temps partiel. Cette étude est néanmoins à mettre en perspective avec celle publiée en décembre 2014 concluant plutôt à une baisse de 19 000 emplois dans le secteur de la distribution[2] (dans son ensemble) supportée par les emplois à plein-temps et conséquence d’une baisse du nombre de boutiques de moindre envergure.

Etat de la réglementation des horaires d’ouverture en Allemagne

Les nouvelles mesures introduites en France par la loi pour la croissance et l’activité

La loi pour la croissance et l’activité prévoie des mesures impactant le travail dominical dans le secteur de la distribution. Sur un premier volet, le travail sera facilité le dimanche en autorisant les maires à laisser les commerces s’ouvrir dans leur commune douze dimanches par an contre les cinq prévus actuellement. Cette mesure peut alors potentiellement couvrir l’ensemble du territoire national. Un second volet instaure des Zones de Tourisme Internationale (ZTI) où le travail dominical sera autorisé toute l’année. Ces zones se trouvent principalement dans les villes de Paris, de Cannes, de Nice ou de Deauville et concernent aussi les grandes gares touristiques.

Si ces mesures libéralisent en partie le commerce de détail, elles ne viennent pas sans encadrement. Tout travail dominical devra ainsi être effectué sur la base du volontariat et en bénéficiant de compensations convenues dans des accords de branche ou d’entreprise.

Enfin, la loi vient aussi impacter le travail en soirée des salariés en autorisant les ouvertures des commerces de ZTI entre 21h et minuit. Les compensations salariales sont alors obligatoires avec notamment un doublement du salaire ainsi que des frais de garde et le retour à domicile à la charge de l’employeur.

Impact sur la distribution

Impact de la nouvelle réglementation sur les coûts et l’organisation

L’intérêt de l’ouverture de nouvelles tranches horaires est à évaluer en considérant une augmentation de la part des coûts fixes sur ces horaires, à volume de vente équivalent. En effet, même si les nouvelles heures d’ouverture permettent de mieux tirer profit d’un coût de foncier fixe, elles s’accompagnent, comme vue précédemment, de charges supplémentaires en termes de masse salariale. Celles-ci peuvent être limitées en considérant que les nouveaux horaires lissent l’activité dans la journée et dans la semaine, ce qui peut aussi permettre de lisser la présence des collaborateurs sur ces périodes. Néanmoins, la masse salariale sera dans tous les cas augmentée. Concernant les horaires de soirée, les distributeurs devront appliquer un surplus de 100% au coût horaire de leurs collaborateurs. On constate alors que l’arbitrage doit s’effectuer en tenant  compte de la diminution des marges nettes du fait de l’augmentation de la masse salariale.

Cas des TPE et indépendants

Dans le cas de plus petites structures ou d’indépendants, il peut être difficile d’adapter l’organisation. En effet, un recrutement peut représenter une charge importante qui doit pouvoir être justifiée par les ventes apportées lors des heures supplémentaires d’ouverture. Cette rentabilité est d’autant plus difficile à apprécier qu’elle doit l’être de façon globale en considérant la fidélisation des clients induite par les horaires étendus.

Conclusion

L’extension des horaires d’ouverture des magasins, autorisée par la promulgation de la loi pour la croissance et l’activité, ne pourra se justifier que par une augmentation en conséquence de la consommation dans les enseignes de distribution. Cette dernière permettrait alors de rentabiliser les coûts induits. Dans le cas des mesures présentées, et spécifiquement des ZTI, une telle augmentation pourrait provenir des touristes étrangers qui profiteraient de la prolongation de la vie économique. Au niveau domestique, les distributeurs peuvent espérer absorber une partie des ventes du e-commerce, notamment le dimanche, jour où une entreprise comme Amazon réalise 25% de son chiffre d’affaires[3]. La nouvelle loi ouvre en tout cas de nouveaux marchés que la distribution se devra d’adresser.

[1] The employment effect of deregulating Shopping hours: Evidence from German retailing. Bossler and M.Oberfichtner. 02/2014

[2] Product Market Deregulation and Employment Outcomes: Evidence from the German Retail Sector. C.Senftleben-König. 12/2014

[3] Dossier de presse du Projet de loi pour la croissance et l’activité, 12/2014