La reconversion, parent pauvre des politiques d…
En France, le secteur immobilier compte pour 44% de l’énergie consommée, devant le secteur du transport avec 31% [1]. Chaque année, les bâtiments français émettent plus de 123 millions de tonnes de CO2, l'immobilier et le bâtiment sont donc des secteurs clés dans la transition énergétique.
Rendre les bâtiments plus économes en énergie est ainsi une priorité pour l’Etat et c’est dans cette optique que la loi ELAN a été votée. Le décret concernant les bâtiments tertiaires fixe notamment des objectifs importants de réduction des consommations d’énergie à moyen et plus long terme. Au vu de l’ambition et des échéances prévues dans la loi, les acteurs de l’immobilier tertiaire vont devoir rapidement mettre en place des actions concrètes et faire évoluer certaines pratiques pour atteindre ces objectifs.
Sia Partners vous propose de découvrir les objectifs de la loi ELAN et ses implications pour les acteurs du bâtiment tertiaire ainsi que les diverses solutions à leur disposition pour répondre aux obligations de réductions énergétiques.
Le texte de loi Evolution du Logement et Aménagement Numérique, ou loi ELAN, a été présenté en Conseil des ministres le 4 avril 2018. Voté par le Parlement au cours de l'automne, le texte officiel et définitif a été publié au Journal Officiel du 24 novembre 2018 [2].
La nouvelle version du décret tertiaire issu de la loi ELAN est parue ce 25 Juillet 2019, la première version ayant été rejetée en 2017 par le Conseil d’Etat, notamment en raison d’objectifs qui n’auraient pu être tenus dans les délais prévus [3].
Le nouveau décret qui entrera en vigueur à partir du 1er octobre 2019 a ainsi pour objectif de réduire les consommations d'énergie dans les bâtiments à usages tertiaires, soit tous les bâtiments en lien avec les activités suivantes : commerces, bureaux, santé, enseignement, infrastructures collectives destinées aux sports, aux loisirs, aux transports, CHR [5], ainsi que tous les ERP [6].
Ces obligations vont concerner les propriétaires et le cas échéant les preneurs à bail [7] dont les bâtiments répondent aux critères suivants:
Les bâtiments hébergeant des activités exclusivement tertiaires sur une surface plancher supérieure ou égale à 1000 m2
Toute partie d’un bâtiment à usage mixte disposant d’activités tertiaires sur une surface plancher cumulée supérieure ou égale à 1000 m2
Tout bâtiment ou ensemble de bâtiments situés sur une même unité foncière [8] lorsque les bâtiments hébergent des activités tertiaires sur une surface cumulée supérieure ou égale à 1000m2 [9]
Pour les bâtiments assujettis à l’obligation de la loi ELAN, les objectifs à atteindre sont résumés dans le tableau qui suit :
La première version du décret tertiaire, parue en 2017 et suspendue par le Conseil d’Etat, fixait un objectif de réduction des consommations de 25% par rapport à la consommation de 2010, et ce à horizon 2020. Jugée irréalisable, l’échéance a depuis lors été repoussée à 2030, mais l’objectif a néanmoins été revu à la hausse.
Par ailleurs, un arrêté d’application viendra compléter le décret et contiendra des indications précises de performance énergétique ainsi qu’un guide d’utilisation d’une nouvelle plateforme de renseignement de données énergétiques qui sera mise en place par l’Etat.
Par ailleurs, des conditions d’exclusions existent et permettent de se soustraire à l’obligation légale pour des questions techniques, architecturales [10] ou patrimoniales [11] :
Le changement de l’activité exercée dans ces bâtiments ou du volume de cette activité
La disproportion des coûts à engager pour mettre en place des actions d’optimisation de la performance énergétique, en regard des bénéfices de ces actions en termes de réduction effective des consommations
Au-delà des objectifs de réduction des consommations pour les bâtiments tertiaires, le décret tertiaire [12] prévoit également la mise en place d’une plateforme étatique numérique sur laquelle les acteurs concernés par le décret devront fournir différentes informations : activité tertiaire, surface des bâtiments, consommations énergétiques annuelles [13], consommations de référence, indicateurs de performance, etc. Cette plateforme permettra à l’Etat de suivre les évolutions des consommations d’énergie et le bon respect des objectifs fixés par la loi.
Bien que le premier palier de réduction de consommations d’énergie soit fixé à 2030, les exploitants de bâtiments devront avoir renseigné ces données une première fois avant le 30 septembre 2021.
La loi ELAN ne traite pas seulement de la performance énergétique des bâtiments tertiaires mais adresse également d’autres grands enjeux du secteur du bâtiment et du logement :
Offrir de nouvelles opportunités au secteur immobilier en facilitant les démarches de construction
Améliorer le modèle de logement social, en rendant les attributions plus transparentes ou en luttant contre l’insalubrité
La loi ELAN s’inscrit dans un contexte réglementaire et socio-économique plus global qui va dans le sens de la réduction de l’impact humain sur l’environnement. Aujourd’hui en effet, la prise de conscience collective des enjeux environnementaux suivie d’orientations politiques mondiales fortes à l’instar de celles promulguées lors de la COP21 ont débouché sur de nombreuses lois, mesures et autres initiatives allant dans le sens de la lutte contre le changement climatique et la baisse des consommations énergétiques, et ce pour tous les pans de la société.
Pour la France, ce contexte concerne à la fois d’autres mesures réglementaires (nationales ou européennes) mais également des labels et des politiques d’entreprises RSE qui visent tous à toujours plus d’économies d’énergie.
Pour atteindre les objectifs fixés par la loi ELAN et également dans la perspective de la RT 2020 ou de la neutralité carbone visée en 2050, les acteurs du bâtiment tertiaire ont à leur disposition plusieurs leviers d’actions. A ce titre, le décret tertiaire propose quatre leviers aux gestionnaires de bâtiments [23] :
L’amélioration de la performance énergétique structurelle du(des) bâtiment(s)
L’installation d’équipements performants et de dispositifs de contrôle et de gestion active de ces équipements
L’optimisation des modalités d’exploitation du bâtiment et l’adaptation des locaux à un usage économe en énergie
L’adaptation du comportement des usagers du bâtiment et le changement des habitudes de consommation énergétique
Les deux premiers leviers sont ceux ayant le plus fort potentiel de réduction des consommations énergétiques pour les bâtiments. En outre, ils vont généralement nécessiter des investissements dans des équipements, des outils informatiques et/ou des ressources humaines et impliquent alors une évolution des processus et organisation au sein des acteurs du bâtiment. Fort de son expertise auprès d’acteurs de l’immobilier ou de directions immobilières, Sia Partners vous propose de décrire ces deux leviers :
La rénovation des bâtiments regroupe un champ très large d’opérations. Elle se traduit par la remise à neuf de tout ou partie du bâtiment, et notamment de certains de ses équipements impactant les niveaux de consommation d’énergie et de fluides (façades, toitures, ouvrants-fenêtres, CVC [24]…).
Les principaux travaux de rénovation permettant d’améliorer la performance énergétique des bâtiments sont [25] :
L’isolation thermique du bâtiment : au travers d’une isolation continue permettant de réduire les déperditions d’énergie. Cette isolation se fait par l’extérieur et permet de traiter efficacement les ponts thermiques [26] sans diminution de la surface habitable. Cette rénovation peut par ailleurs être une occasion opportune d’embellir visuellement la façade extérieure.
La prise en compte de l’aspect bioclimatique du bâtiment : matérialisée par l’intégration des opportunités énergétiques fournies par l’environnement du bâtiment : soleil, vent, pluie, sol… Pour se faire, il est possible de mettre en place des espaces tampons dans l’exposition (soleil ou vent), aménager des espaces capteurs de chaleur comme les baies vitrées ou serres, utiliser à bon escient la végétation, et améliorer l’inertie globale du bâtiment permettant principalement de stocker la chaleur et de baisser les besoins en climatisation en été
Le remplacement d’équipements énergivores : en optant pour des équipements économes comme la généralisation d’éclairages LED au gré des remplacements de luminaires par exemple ou le calorifugeage des conduits thermiques
L’autoproduction : qui permet de produire de l’énergie sur un site via la mise en place de sources d’énergie renouvelables comme les panneaux photovoltaïques ou des micro éoliennes pour l’électricité. Le bâtiment peut également produire de l’énergie thermique avec la mise en place de panneaux solaires thermiques ou via l’utilisation de géothermie. Enfin, il est possible également de récupérer de l’eau de pluie pour des utilisations comme le nettoyage ou l’entretien des espaces verts
Les travaux de rénovation nécessitent des investissements parfois lourds. Ainsi, ceux-ci sont généralement réalisés étape par étape et non au global sur un bâtiment. De plus, ces investissements sont à la charge du propriétaire ce qui pour lui est un centre de coûts directs : les charges dont l’énergie étant elles facturées aux preneurs. Dès lors, les travaux de rénovation ne sont pas prioritaires dans ses choix d’investissements [27]. Désormais, avec la loi ELAN, ceci va changer puisque les propriétaires et preneurs à bail seront ceux qui devront assurer l’atteinte des objectifs de réductions.
Avant de réaliser des travaux de rénovation pour réduire ses consommations énergétiques, il est essentiel dans un premier temps de connaitre et pouvoir analyser précisément ses postes de dépenses énergétiques. Avec cette connaissance, le gestionnaire pourra aisément identifier les usages consommant le plus d’énergie et approfondir la recherche de leviers d’économies. Ainsi, la collecte, le traitement et l’utilisation des données de consommations d’énergies devient un enjeu prioritaire des acteurs de l’immobilier.
Pour la collecte des données au niveau d’un bâtiment et d’un parc de bâtiments, les propriétaires ont à leur disposition différentes sources d’informations :
Données fournisseurs (factures, espaces clients…) et distributeurs (compteurs généraux…) sur les énergies (électricité, gaz) et fluides (eau courante, eau chaude, eau froide)
Données issues des GTB [28] via sous-comptage et/ou données de fonctionnement des équipements du bâtiment
Données issues de capteurs IoT [29]
Outre la remontée de données, les solutions de GTB permettent d’agir directement sur le fonctionnement du bâtiment : arrêt et programmation du chauffage, fermeture des volets… Ces actions peuvent être réalisées en fonction d’un paramétrage humain (jour et horaire) et en fonction de certains critères externes comme la température extérieure ou l’ensoleillement. In fine, le bâtiment pourra réagir de façon autonome et intelligente à son environnement extérieur pour optimiser ses consommations d’énergies. Par exemple, la tour Majunga située à La Défense et certifiée HQE et BREEAM dispose déjà de scénarios intelligents notamment sur le refroidissement du bâtiment, l’utilisation de l’ensoleillement pour l’éclairage ou la récupération d’eau de pluie [30].
Aujourd’hui il existe une grande diversité de solutions GTB, à la fois en termes de fournisseurs que de fonctionnalités. Pour la plupart, encore anciennes et relativement fermées, les GTB ne permettent pas d’exporter facilement des données de consommation et encore moins de mettre en place des webservices vers une plateforme centralisée. Les GTB récentes proposent ces fonctionnalités mais changer une GTB représente un coût certain et c’est en ce sens que de plus en plus d’acteurs immobiliers déploient des capteurs IoT, plus légers à mettre en place et moins coûteux, qui permettent de collecter des données de sous-comptage précieuses pour identifier les leviers d’économies d’énergie.
Ces données sont ensuite transmises à une plateforme centralisée couramment appelée BEMS [31] qui permet de centraliser la collecte et le traitement des données. Elles proposent notamment des fonctionnalités de tableaux de bords et de reporting intelligents mais également d’alertes en cas de fuites ou consommations anormales sur un bâtiment et des prestations d’energy management, consistant à fournir des recommandations précises d’actions à mettre en place pour optimiser ses consommations. Ce suivi à un niveau parc immobilier permet en outre de pouvoir faire des comparaison inter-sites et notamment d’identifier les « mauvais élèves » et définir des objectifs communs [32]. Les outils BEMS permettent également d’éviter les erreurs de facturation ou de faciliter l’élaboration du rapport annuel – RSE de l’entreprise, en s’affranchissant des contraintes de remplissages manuels au travers d’outils bureautiques, généralement fastidieux, chronophages, incomplets et sujets à erreurs.
L’avantage des solutions types BEMS est leur faible coût d’investissement : la plupart des données (fournisseurs, distributeurs, GTB…) existent déjà et il suffit de mettre en place les processus de récupération pour disposer de données exploitables pour identifier les leviers d’économies. Pour activer ces leviers, il faut par contre faire évoluer l’organisation, par exemple en recrutant un energy manager et faire évoluer les interactions avec les acteurs de la chaîne notamment les Facility Manager qui vont effectuer opérationnellement les actions sur site.
De nombreux acteurs se positionnent sur ces applications et finalités métiers avec pour chacun des modalités d’organisation et contractuelles différentes. En outre, tous ces acteurs ne permettent pas de couvrir l’ensemble d’un parc immobilier.
Un CPE est un contrat entre un propriétaire ou preneur à bail avec une entreprise qui exécute le CPE. Cette dernière s’engage à atteindre des objectifs de réductions d’énergie dans un délai fixé et par rapport à un niveau de référence. Quel que soit le résultat effectif à l’issue de chacune des échéances du CPE, le prestataire est dans l’obligation de reverser au contractant l’équivalent en euros des économies sur lesquelles il s’est au préalable engagé. Les économies supplémentaires réalisées sont quant à elles partagées entre les deux contractants [34] selon des modalités prédéfinies, et servent à rétribuer le travail mis en œuvre par le prestataire pour atteindre ses objectifs . Les entreprises proposant des CPE peuvent être des entreprises spécialisées dans les solutions énergétiques (exemple : fournisseur de BEMS), des sociétés d’exploitation (exemple : Facility Manager) ou des entreprises spécialisés dans les services énergétiques (exemple : bureau d’études).
Pour atteindre ces objectifs, l’entreprise réalisant le CPE va actionner divers leviers dont des travaux de rénovation qui peuvent être soit à la charge de l’entreprise soit à la charge du commanditaire du CPE [35] et via la mise en place de d’outils de suivi énergétique (BEMS).
Certains CPE ont permis de réaliser des économies d’énergie substantielles. Par exemple, le CPE entre Cofely (Engie) et Unibail-Rodamco-Westfield dans la tour Ariane à la Défense a notamment permis de faire 10% d’économie d’énergie sur la première année, 12% la deuxième année et 14% la troisième [36].
Pour un propriétaire ou un preneur à bail, l’avantage du CPE est de générer des bénéfices garantis et d’avoir une « solution » clé en main ne nécessitant aucune gestion de sa part : il va déléguer ces efforts à son partenaire. En contrepartie, la pérennité des économies n’est pas forcément assurée quand le CPE s’arrête et du fait du partage des économies réalisées, le gain financier est potentiellement moindre comparé à une approche en autonomie [37].
Au final, plusieurs moyens existent pour atteindre les objectifs énergétiques fixés par la loi. Chacun de ces moyens présente des avantages et inconvénients. Ainsi, c’est aux propriétaires et aux preneurs à bail d’élaborer la bonne stratégie, en fonction notamment de leur organisation et de leur fonctionnement interne.
La loi ELAN fixe donc des objectifs ambitieux aux acteurs de l’immobilier tertiaire qui s’inscrivent dans un contexte plus global et dans d’autres textes réglementaires (RT 2020…). Des moyens d’atteindre ces objectifs existent et les solutions associées, BEMS notamment, arrivent à maturité tout comme les dernières GTB, plus ouvertes et plus interopérables ou les capteurs IoT, abordables et faciles d’utilisation (plug and play). Néanmoins, il est essentiel que les acteurs adressent ce sujet au plus vite car même si les technologies répondent à une partie du besoin, il est nécessaire de faire évoluer les organisations internes pour piloter et gérer la performance énergétique. Cette transformation passe également par de la sensibilisation auprès des collaborateurs.
Dans ce contexte, Sia Partners accompagne des entreprises leaders de l’immobilier tertiaire, industriel et commercial, promoteurs, foncières, directions immobilières, bailleurs sociaux et facility managers dans leur stratégie digitale, au travers de l’optimisation de leurs pratiques, de leurs métiers et de leurs offres.
Forts d'une connaissance technique de l’écosystème Smart Building et d'une expérience opérationnelle de l’Immobilier, nous associons nos compétences data science et métier pour structurer et exploiter efficacement les données des actifs immobiliers. En cible, une meilleure gestion et qualité de service, servant en outre des objectifs de performance énergétique mais surtout des objectifs globaux de compétitivité financière, technologique, environnementale et d’image de marque.