Benchmark des Plateformes de Gestion de la…
La production de biocarburant en Europe doit contribuer de façon significative à l'atteinte de l'objectif de 10% d'énergie renouvelable dans les transports d'ici à 2020.
Le parlement européen a plafonné fin 2013 les biocarburants de 1ère génération à 6% de l'énergie finale consommée dans les transports, et s'est fixé en parallèle l'objectif de 2,5% de biocarburants de 2ème et 3ème génération. [1] La troisième génération, reposant sur la biomasse algale, suscite aujourd'hui l'attention des pouvoirs publics et de nombreux investisseurs, malgré des freins techniques et économiques encore importants.
Les biocarburants 1G, issue d'huiles et de sucres alimentaires (blé, maïs, betteraves, colza), a atteint depuis quelques années la maturité industrielle. Elle reste cependant très dépendante des aides publiques pour se soustraire à la volatilité croisée des prix du baril et des commodités agricoles. Elle est de plus largement décriée pour sa concurrence avec la production alimentaire et est désormais plafonnée en Europe. La seconde génération, basée sur le traitement de matières végétales non alimentaires comme le bois ou les pailles, repose sur des technologies matures. Le coût global de production de 0,7€ par litre de bioéthanol 2G est devenu une cible accessible à court terme ce qui a permis la mise en service d'une première unité à l'échelle commerciale (BetaRenewables - 80 000m3/an) en Italie. Par ailleurs 116 unités de production existent ou sont en construction dans le monde, et en France les projets Futurol et BioTfuel devraient déboucher sur une offre commerciale d'ici 2016 [2].
La production de troisième génération, à partir de biomasse algale, en est quant à elle au stade de recherche et développement. Les algues sont sélectionnées pour leur production d'acides gras à haut contenu énergétique, qui peuvent être convertis en biocarburants de type EMHV (biodiesel), de gaz de synthèse ou de biokérozène.
De multiples avantages par rapport à la première et à la deuxième génération expliquent l'engouement autour des micro-algues. Tout d'abord, elles bénéficient d'un rendement à l'hectare au moins 30 fois supérieur aux oléagineux : selon le mode de culture, les micro-algues pourraient produire jusqu'à 100 fois plus de litres d'huile par hectare que le palmier à huile, et 200 fois plus que le colza [3]. Mieux, leur croissance par photosynthèse permet de recycler et valoriser le traitement d'effluents liquides et de fumées industrielles (CO2, nitrates, phosphates entre autres). Elles s'affranchissent du problème de concurrence des sols en offrant la possibilité de cultiver dans des zones non arables. Couplé avec un marché du CO2 efficace et des directives européennes sur la pollution, ce modèle d'économie circulaire aurait de quoi plaire.
Baisser les coûts d'approvisionnement, améliorer les rendements de production et développer la logistique : des enjeux encore nombreux pour permettre une industrialisation de la filière.
La culture de micro-algues est une forme particulièrement intensive d'agriculture, consommatrice d'importantes quantités d'intrants. Si le soleil, et dans certaines conditions l'eau, sont peu coûteux, les phases de culture et d'extraction sont extrêmement gourmandes en nutriments, en dioxyde de carbone et en énergie, ce qui altère à la fois la performance financière et les rendements énergétiques finaux.
Plusieurs leviers d'amélioration sont à l'étude, à tous les niveaux de la chaîne de production. Le premier porte sur la sélection des souches d'algues les plus productives. Sur les centaines d'espèces de micro-algues existantes dans le monde, seules 35 000 sont connues et quelques dizaines sont exploitées. On obtient aujourd'hui, dans les meilleures conditions, des fractions lipidiques représentant 70% de la matière algale, mais le potentiel de découverte et de sélection est encore vaste, et une véritable course aux brevets a lieu entre les chercheurs américains, européens et asiatiques.
Le second porte sur l'amélioration des coûts sur la phase de culture, qui représente entre 30% et 50% du coût de production, et sur la phase d'extraction-séchage, qui consomme plus de la moitié de l'énergie utilisée sur la chaine. La phase finale de conversion est, elle, déjà assez mature, car elle réutilise les technologies déployées pour la première génération [4].
Enfin, la localisation et la logistique sont particulièrement importants pour l'optimisation des coûts de production. L'ensoleillement et l'eau ne sont disponibles en grande quantité que dans des zones géographiques restreintes. De même, les polluants ou les déchets de l'industrie, comme le dioxyde de carbone, les nitrates ou les phosphates sont émis de manière localisée. Pour pouvoir les valoriser dans le cadre de la production de micro-algues, un réseau logistique intelligent et des infrastructures dédiées à la capture et au transport de ces matières premières peu conventionnelles devront être développés.
Avec un coût de production du litre de biodiésel de 5 à 10€ [5], une filière commerciale du biocarburant 3G ne sera probablement pas opérationnelle avant une dizaine d'années. Pourtant, ce marché est porteur et attire déjà les investissements.
L'utilisation des micro-algues est à l'heure actuelle plus ou moins mature selon le champ d'application. Plusieurs marchés sont accessibles à court terme comme l'alimentation animale, l'utilisation de certaines molécules à haute valeur ajoutée pour l'industrie, la chimie et la cosmétique.
Plus de 2 milliards de dollars d'investissements et plus de 200 projets de recherche et développement ont été recensés, en majorité aux Etats-Unis [6].
L'Union européenne soutient des projets tels qu'All-GAS, BIOFAT et INTESUSAL. Ces trois projets ont un budget sur 5 ans de 31 millions d'euros, dont les deux tiers sont financés par l'UE dans le cadre du programme FP7 [7]. Ils ont pour objectif la création de cultures de plus de 10 hectares atteignant une productivité de 90 tonnes/ha/an.
La France dispose de son côté de grands laboratoires de recherche sur le sujet et souhaite se positionner en leader mondial avec le projet Greenstar [8], lancé en 2011. Porté par l'Institut National de la Recherche Agronomique, ce projet regroupe 45 industriels, PME et instituts de recherche. Un budget de 160 M sur 10 ans est initialement prévu dont près de 20% d'aide publique. Dès 2015, GreenStars devrait disposer de démonstrateurs industriels qui permettront de construire un modèle économique et environnemental viable. Le projet Probio3, également porté par l'INRA avec des partenaires comme le CNRS, EADS, Tereos et Sofiprotéol, doit développer une nouvelle filière de production de biokérosène 3G pour l'aéronautique.
D'autres projets se sont lancés ces dernières années comme Purple Sun, Defi-µAlg (avec le laboratoire GEPEA), Salinalgues...
A l'heure actuelle, la commercialisation à grande échelle n'est pas envisagée avant 2018. Le Programme d'Investissements d'Avenir lancé par le gouvernement en 2010 contribue à développer une filière 3G rentable qui, selon le projet GreenStars pourrait permettre la création de 7 000 emplois en 10 ans [9]. Le maintien de cet élan sera probablement conditionné par la stabilité et l'enrichissement des politiques de soutien de la filière.
Sources :
(1) Directive 2009/28/CE
(2) Panorama 2014, IFP Energies nouvelles
(3) Academic journals, calculs Sia Partners
(4) Présentation biocarburants 3G, CEA, Décembre 2012
(5) Jean-Philippe Steyer, directeur de recherches au laboratoire de biotechnologie de l'environnement de l'Inra à Narbonne
(6) INRA, 2012
(7) EU Seventh Framework Programme
(8) http://www.cea.fr/recherche-fondamentale/projet-greenstars-79993
(9) http://competitivite.gouv.fr/documents/commun/Politique_des_poles/Le_grand_emprunt/IEED/Greenstars.pdf