La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Les centrales nucléaires françaises les plus anciennes ont aujourd’hui dépassé quarante années de fonctionnement, posant la question du renouvellement du parc. Celui-ci est un enjeu majeur pour la filière, avec des effets bénéfiques sur les emplois industriels, les investissements et l’innovation.
La transition énergétique et le maintien d’une production d’électricité bas-carbone sont nécessaires pour les années futures, ce qui passe par le développement de nombreuses technologies dont l’éolien onshore et offshore, le photovoltaïque à tracker ou flottant, le solaire à concentration, et par diverses innovations dans les filières hydraulique et nucléaire, comme l’EPR2, les SMR, les réacteurs à sels fondus, et à nettement plus long terme la fusion.
La filière nucléaire est au cœur d’immenses investissements innovants publics et privés dans le monde entier depuis plusieurs années et elle est structurante pour l’économie française : ses milliers d’entreprises, qui sont majoritairement des PME et des Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI, jusque 5000 salariés), réparties sur tous les territoires, représentent des centaines de milliers d’emplois, très peu délocalisables et très qualifiés.
Sia Partners a étudié et revisité l’impact socio-économique des grands scénarios envisagés pour le renouvellement du parc nucléaire français, sur cette filière spécialisée et sur l’industrie en général.
Grâce à sa filière électronucléaire, la France est un pays exemplaire en matière d’électricité bas-carbone et de savoir-faire industriel. En effet, le choix historique du nucléaire a permis de créer la troisième filière industrielle du pays, tout en lui permettant de produire une des électricités les plus vertueuses au monde en termes d’émission de gaz à effet de serre.
Bien que le programme « Grand Carénage » de l’électricien EDF contribue à envisager l’avenir proche du parc nucléaire français, la question du renouvellement de certaines centrales devient une problématique de plus en plus prégnante, tant la nécessité de prendre une décision est urgente.
Un projet de construction de centrales nucléaires implique un investissement important, de plusieurs dizaines de milliards d’euros, dont le retour sur investissement s’effectue sur des temps longs. Ces projets doivent donc découler d’une vision à long terme, qui anticipe de nombreuses évolutions économiques, technologiques ou sociétales, qui est robuste face aux aléas de mêmes natures, et qui permette d’atteindre des objectifs stratégiques ambitieux.
En matière de décommissionnement et d’éventuel renouvellement de centrales nucléaires françaises, c’est la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) qui fixe le cap pour les années à venir. La PPE approuvée en 2020 et s’appliquant jusqu’en 2028 prévoit [1] :
EDF a par ailleurs proposé au gouvernement d’étudier la mise à l’arrêt de paires de réacteurs sur les sites du Blayais, du Bugey, de Chinon, de Cruas, de Dampierre, de Gravelines et du Tricastin. Parmi ces 14 réacteurs, 4 pourraient voir leur fermeture anticipée :
La fermeture prévue de 14 réacteurs nucléaires, combinée au maintien d’une part du nucléaire à 50%, impliquerait mécaniquement la construction de nouveaux réacteurs. Or, en fonction des hypothèses qui seront choisies, la prolongation de réacteurs existants peut s’avérer nécessaire, le temps de construire de nouvelles capacités nucléaires qui pourraient être des installations EPR2, la version optimisée des grands réacteurs EPR d’environ 1600MW actuellement construits à Flamanville en Normandie, Olkiluoto en Finlande ou Hinkley Point au Royaume Uni, ou encore des installations de type Small Modular Reactor (SMR), ces petits réacteurs modulaires produisant aux alentours de 250MW.
Dans cette perspective, l’ASN [3], dans un avis rendu en février 2021, a considéré que la poursuite du fonctionnement des 32 réacteurs 900 MW construits en France entre 1977 et 1987, pourrait se poursuivre jusqu'à leur 5ème visite décennale. Cette décision a clôturé la phase générique du réexamen périodique du palier 900 MW : dès lors, l’ASN statuera réacteur par réacteur sur leur éventuelle prolongation au-delà de 40 ans. Si la politique française fixe la prolongation du nucléaire existant par tranche de 10 ans à l’occasion des visites décennales, d’autres pays comme les Etats-Unis font le choix de prolonger directement la durée de vie de 40 à 60 ans, voire 80 ans pour certains réacteurs comme en 2019 pour la centrale de Turkey Point en Floride [4].
Les réacteurs français utilisant la même technologie à eau pressurisée, certains pourraient atteindre des durées de fonctionnement similaires, moyennant des travaux de maintien en état.
En parallèle de la prolongation du parc existant, la construction de nouveaux moyens de production nucléaires, et notamment de nouveaux EPR, serait rendue nécessaire. Ainsi plusieurs scénarios sont étudiés par RTE pour dessiner les trajectoires du mix électrique français à long terme [5]. Trois d’entre eux prévoient un renouvellement du parc nucléaire.
Le scénario « N1 » envisage le programme de démantèlement du parc existant selon les recommandations de la PPE décrites précédemment, et le maintien d’au moins 16 GW du parc actuel jusqu’en 2050. Il prévoit de plus la construction de 8 nouveaux réacteurs d’ici 2050.
Le scénario « N2 » partage avec le N1 sa stratégie d’arrêt du parc actuel, mais considère un renouvellement du parc plus important avec 14 réacteurs à construire d’ici 2050.
Ayant le même objectif de 14 réacteurs d’ici 2050, le « N03 » se fonde en revanche sur des hypothèses différentes des deux premiers : le nombre d’arrêts de réacteurs avant 2035 est inférieur aux premiers scénarios, et plusieurs réacteurs atteignent leur sixième visite décennale, de sorte à conserver 24GW du parc actuel en 2050. En outre, la construction de plusieurs SMR en France est envisagée.
Nous avons modélisé l’évolution du parc nucléaire français selon ces trois scénarios.
Après analyse, l’hypothèse de maintien de 16 GW du parc actuel jusqu’en 2050, prise dans les modèles N1 et N2, nécessite déjà la poursuite jusqu’à la sixième visite décennale d’au moins cinq réacteurs.
De plus, l’hypothèse de maintien de 24 GW, propre au scénario N03, nécessite même le fonctionnement au-delà de soixante ans pour plusieurs réacteurs du parc français.
Ces trois scénarios publiés par RTE sont à étudier au regard de la consommation électrique prévue jusqu’en 2050 [5]. A noter que le calcul de l’énergie produite dans chacun des scénarios considère un facteur de charge de 70%, cohérent avec le Bilan énergétique de la France pour 2017 du Ministère de la Transition écologique.
Afin de garder le cap d’une part de 50% pour le nucléaire, fixé par la PPE, les scénarios N2 et N03 semblent être des scénarios à privilégier. En prolongeant de nombreux réacteurs au-delà de soixante ans de production, le scénario N03 réduit même le risque de creux de production, qui pourrait avoir lieu au milieu du siècle.
Quel que soit le scénario choisi, une partie du parc nucléaire français devra être renouvelé. Quels seraient alors les bénéfices de ces nouvelles constructions, en matière d’emploi, d'économie et d'innovation ?
Plusieurs études se sont régulièrement penchées depuis une dizaine d’années sur le poids de l’emploi de la filière nucléaire en France [6]. La dernière étude proposée par le Groupement des Industriels Français de l’Energie Nucléaire (GIFEN) indique que la filière représente près de 220 000 emplois directs et indirects dans le pays, en accord avec les études précédentes. C’est d’ailleurs le chiffre retenu par la cour des comptes en 2019. Cette empreinte majeure fait du nucléaire la troisième filière industrielle française, derrière l’aéronautique et l’automobile.
Au-delà des exploitants directs du secteur, tels qu’EDF, Framatome, Orano et le CEA, ce sont aujourd'hui près de 3000 entreprises [7] qui constituent la filière (contre 2500 en 2017), dont 85% de PME / ETI réparties sur l’ensemble du territoire. Ces nombreuses entreprises participent au dynamisme industriel des régions, comme par exemple en Auvergne-Rhône-Alpes avec près de 43 000 emplois directs et indirects.
Le nombre d’acteurs de la filière progresse et sur la période de 2015 à 2018, elle a ainsi recruté près de 30000 personnes et prévoyait d’en recruter 21000 entre 2019 et 2022. Ces chiffres sont des estimations ne prenant pas encore en compte la construction de nouveaux EPR en France.
A travers la construction de réacteurs EPR, le développement du « nouveau nucléaire » en France aurait un impact fort sur la création d’emplois directs. En fonction du scénario choisi, cela pourrait représenter jusqu’à plusieurs centaines de milliers d'emplois pour la phase de construction, et plusieurs milliers pour la phase d’exploitation. Ces scénarios s’appuient sur deux hypothèses permettant d’estimer le nombre d’emplois directs créés lors des phases de construction et d’exploitation de ces réacteurs.
Tout d’abord, les éléments de comparaison disponibles au travers des constructions de paires d’EPR en Angleterre à Hinkley Point et à Sizewell, prévoient selon EDF la création de près de 25000 emplois directs en phase de construction [8]. Ce chiffre a par ailleurs été repris par le département des affaires, de l'énergie et de la stratégie industrielle (DoBEIS) du gouvernement britannique [9].
L’exploitation d’une tranche, c’est à dire d’un réacteur au sein d’une centrale, créerait ensuite 450 emplois directs ; cette tranche étant prévue pour fonctionner 60 ans. Au-delà de la construction à Hinkley Point et du projet à Sizewell, ces mêmes ordres de grandeur ont été encore très récemment mis en avant par le PDG d’EDF pour le projet de construction de trois paires de tranches (6 réacteurs) en Inde sur le site de Jaitapur [10].
D’autre part, une étude de 2011 [11], fréquemment citée encore aujourd’hui, estime à 19000 le nombre d’emplois directs nécessaires pour la phase de construction ; calcul fait sur la base de 2700 emplois directs sur 7 ans de construction, et à 500 le nombre d’emplois directs créés pour la phase d’exploitation.
En s’appuyant sur ces deux grandes hypothèses, en les croisant avec la trajectoire PPE qui prévoit la construction de trois paires d’EPR, et en les croisant avec les trois scénarios étudiés par RTE [12], on obtient les projections suivantes :
Selon le scénario choisi, le développement du nucléaire à travers la filière EPR pourrait représenter de 57000 à 175000 emplois directs pour la phase de construction, et de 2700 à 7000 emplois pendant les décades d’exploitation de ces réacteurs.
La filière doit alors répondre à l’enjeu de recrutement qui en découle. Même dans le scénario N1, le nombre d’emplois à créer est important, à l’échelle de la filière nucléaire comme à celle de l’industrie française dans son ensemble.
Et au-delà des emplois, ce sont des compétences spécifiques (soudure, neutronique, ingénierie) qui doivent être développées. Si la filière s’organise pour répondre à ces enjeux, pourvoir le nombre d’emplois nécessaires demande d’anticiper sans tarder cette décision gouvernementale d’engager un des trois scénarios probables.
Les limites de l’analyse
Si l’analyse ci-dessus permet une projection sur le nombre d’emplois créés par le développement de la filière EPR au sein du nouveau nucléaire, elle n’en demeure pas moins un travail prospectif qui s’appuie sur des hypothèses qui ont chacune ses limites :
1. Les grandes hypothèses de l’estimation Sia Partners et de l’étude Areva sur l’emploi dans filière nucléaire en France, considèrent la technologie EPR et ses optimisations déployées en Grande Bretagne. Toutefois, de nombreuses optimisations supplémentaires sont prévues pour la série EPR2, en cours de développement par EDF.
2. L’estimation Sia Partners comporte naturellement des précautions de lecture, dans la mesure où il n’y a pas encore de retour d’expérience sur les EPR construits en Europe, et qu’aucune phase d’exploitation de ces réacteurs n’a encore commencé.
3. Certains emplois créés par la filière dans les différents scénarios pourront être pourvus par des transferts d’effectifs (pour 5% du total) au fur et à mesure du décommissionnement du parc existant.
Le renouvellement du parc nucléaire français n’est pas uniquement bénéfique à l’emploi, il engendrera également des retombées économiques pour l’ensemble du secteur.
Bien qu’EDF soit l’unique exploitant nucléaire en France, les investissements qu'impliquerait la création de nouveaux réacteurs concernent plusieurs milliers d’entreprises de la filière. Le GIFEN rassemble plus de 400 entreprises qui contribuent directement à la construction et à l’exploitation des sites nucléaires. De nombreux organismes publics, organismes de formation, associations, agences et autres clusters d’entreprises interviennent ainsi dans la chaîne de valeur, et sont concernés par l’évolution du paysage nucléaire français.
Pour la plupart de ces entités, le nucléaire n’est qu’une partie de leur activité. En effet, la filière nucléaire représente 47,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, tandis que l’activité totale des membres du GIFEN s’élève à presque 75 milliards d’euros.
Mis à part la neutronique et la radioactivité dont les compétences sont exclusivement liées à l’atome, les investissements dans la filière nucléaire viennent soutenir un grand nombre d’activités industrielles générales. Le renouvellement du parc bénéficiera donc à l’ensemble de l’industrie française.
En 2019, dans le cadre de la construction de 6 nouveaux réacteurs d’ici 2050 [14], EDF estimait à 7,5 milliards d’euros le coût de chaque EPR. En considérant que les investissements seront étalés uniformément sur dix ans pour chaque réacteur, les scénarios étudiés par RTE présentent plusieurs trajectoires d’investissement dans la filière nucléaire :
Ces hypothèses indiquent donc que 93 milliards à 283 milliards d’euros devront être investis auprès du secteur nucléaire français et étranger sur les quarante prochaines années.
FOCUS : Quel potentiel à l’export pour le savoir-faire nucléaire français ?
Aujourd’hui, le nouveau nucléaire est un secteur dynamique : 5,2GW c’est-à-dire 4 réacteurs ont été raccordés au réseau dans le monde en 2019 et 5,5 GW (5 réacteurs) en 2020 [15]. De plus, 56 GW de capacités supplémentaires sont actuellement en construction, principalement en Asie.
Les constructions à venir restent difficiles à prévoir, étant soumises à des aléas complexes, toutefois, le potentiel de développement est important et correspond à l’ambition d’autonomie énergétique de nombreux pays.
En Europe, six pays ont prévu la mise en place de nouveaux réacteurs et quatre autres pourraient les rejoindre [16]. Ces pays représentent autant de marchés potentiels pour la filière française, qui sera en concurrence avec les industriels américains, sud-coréens et dans certains cas, russes et chinois.
La réussite des projets EPR à Flamanville puis des EPR2 sur le marché domestique sera par ailleurs observée par les futurs clients afin d’engager leurs projets dans la technologie européenne.
Chaque succès à l’export d’un réacteur à construire signifie 3 750 emplois en France et 4,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires [17].
L’export de la filière française à l’international permettrait ainsi aux PME-PMI du secteur de se développer dans le sillon d’EDF.
Au-delà de l'impact socio-économique direct, le programme français de construction d’EPR est aussi un formidable moteur pour l'innovation industrielle. En effet, la filière nucléaire a toujours alloué d'importants moyens à la recherche et au développement, alimentant son excellence et sa performance. Compte tenu de son caractère multidisciplinaire, la pérennisation du programme électronucléaire français permet de continuer le transfert de technologies innovantes vers l’ensemble de l’industrie française.
Dans le domaine médical, la compréhension des phénomènes issus de l’industrie nucléaire a contribué à améliorer les technologies d’imagerie, les traitements anti-cancer ou le traitement des maladies dégénératives (Projet Neuratris - CEA).
Orano a créé une entité dédiée à ces activités, Orano Med, qui vise le leadership dans les alphathérapies. Ces traitements s’appuient sur les rayonnements alpha pour répondre aux besoins non-couverts par les approches oncologiques existantes.
Dans le génie civil, la filière nucléaire est depuis toujours un acteur majeur de la recherche dans le domaine des structures et des matériaux : bétons précontraints, bétons fibrés hautes performances (BHP et BFUP). Ces innovations, tout comme l’auscultation des ouvrages en béton des centrales sont aujourd’hui utilisées dans de nombreux ouvrages d’art complexes, comme les tunnels du Grand Paris Express par exemple.
Ces progrès apportés par le nucléaire prennent trois formes différentes : les transferts de technologie provenant du nucléaire, les transferts liés au perfectionnement de technologies provenant d’autres secteurs industriels, et les innovations résultant d'hybridations transversales.
Le haut niveau d'exigence, notamment en termes de sûreté et de qualité, permet aux technologies issues du nucléaire de constituer une référence pour les autres industries.
La filière de l’atome investit près d’un milliard d’euros par an en R&D [18]; ces investissements représentent environ 2% du chiffre d'affaires de l'ensemble du secteur, ce qui représente cependant moins que les filières automobile et aéronautique qui y consacrent autour de 10%.
Dans le cadre du renouvellement du parc nucléaire français, et en considérant la même dynamique d’investissement en R&D, chaque nouvelle tranche EPR2 engagée pourrait signifier près de 160M€ de retombées économiques industrielles [19]. Sur l'ensemble de la vie du réacteur (environ 80 ans), l'investissement R&D supplémentaire s’élèverait à 1,08 Md€. (En appliquant le taux d'investissement R&D sur la somme des CA de la filière lors de la construction puis de l’exploitation, le recyclage et le démantèlement d’un EPR).
Selon les scénarios de renouvellement étudiés par RTE l’investissement s’élève à 8,6 Md€ pour le scénario N1 et 15,1 Md€ pour les scénarios N2 et N03.
Un renouvellement du parc permettrait alors de maintenir l’implication de la filière nucléaire dans le développement des technologies actuelles de pointe comme l’impression 3D et les Jumeaux numériques.
La fabrication additive ou impression 3D fait partie des grandes innovations du XXIème siècle en révolutionnant les procédés de fabrication des pièces complexes.
L'industrie nucléaire investit fortement dans ce secteur et permet à la fabrication additive de gravir des échelons supplémentaires dans le domaine de la fabrication techniquement complexe. En plus d’une réduction des coûts et des délais de production, l’impression 3D permet de répondre aux enjeux spécifiques du nucléaire. Certains équipements ayant été conçus dans les années 70, les fabricants originaux de ceux-ci ont parfois disparu. Pour éviter d’avoir à qualifier un fournisseur et un nouvel équipement, EDF a réussi avec succès un test d’impression 3D d’un composant de vanne obsolète. Cette technologie permet aussi la fabrication de pièces avec des géométries très complexes, parfois indispensables pour répondre aux contraintes de pression et de température présentes dans le cœur des réacteurs.
Pour répondre aux enjeux d’efficacité industrielle pour les projets de nouveau nucléaire, l’'industrie investit dans le développement des Jumeaux Numériques. Il s’agit d'une version virtuelle d’un équipement, système ou bâtiment existant, permettant de simuler son fonctionnement et son état, en tenant compte de l'ensemble de ses caractéristiques réelles et de son historique.
Depuis Janvier 2020, neuf acteurs de l'industrie nucléaire française [20] se sont engagés à mutualiser leur expertise et leur R&D afin de développer le jumeau numérique d’un réacteur nucléaire, sous le pilotage d'EDF.
Renouveler une partie du parc électronucléaire français est une décision au cœur de nombreuses préoccupations stratégiques, elle engage l’avenir énergétique et industriel du pays.
Cette décision aura un impact positif sur les efforts de réindustrialisation, de relance et d’indépendance énergétique, elle bénéficiera aux savoir-faire français et à la capacité de concevoir et construire en France ces systèmes à l’avant-garde technologique.
La première de ces décisions pourrait être l’engagement de trois paires de réacteurs, pour environ 10 GW de puissance installée, afin de répondre à l’électrification massive des usages actuels, et à l’émergence d’usages nouveaux comme les mobilités électriques ou la production d’hydrogène.
Ce choix bénéficierait à l’industrie sur l’ensemble du territoire, en termes d’emploi, de valeur ajoutée et d’innovation. En témoignant la confiance de l'État français envers ces nouvelles technologies (EPR / EPR2) et en constituant une vitrine de l’excellence française, elle favorise aussi le développement de nouveaux projets à l’export.
Une prise de décision rapide, probablement avant 2025, semble alors nécessaire pour offrir aux industriels de la filière nucléaire française la visibilité dont ils ont besoin, pour investir et pour maintenir les compétences nécessaires.
Sources
[1] Programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE)
[2] « Bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande d’électricité en France » RTE, 2021
[4] NRC Issues Subsequent Renewed Licenses for Turkey Point Reactors
[5] Rapport : “Futurs énergétiques 2050 Bilan de la phase I” RTE, 2021
[6] La Société Française d’Energie Nucléaire (SFEN) a notamment publiée une note en Juin 2017 faisant la synthèse d’études précédentes réalisées : à l’initiative d’Areva (Cf. [11] publiée en 2011), par le CSFN (publiée en 2014) et par EDF (publiée en 2016) ; « Communiqué de presse, Résultats de la cartographie de la filière nucléaire française », GIFEN, 2019 ; «La filière EPR, rapport thématique », cour des comptes, 2019
[7] « Cartographie de la filière nucléaire : un outil pour éclairer l’avenir », Revue Générale du Nucléaire, GIFEN, Mai-Juin 2020 ; « Cahier des régions, le nucléaire au service de la réussite des territoires », SFEN, 2017 ; Revue Générale du Nucléaire, GIFEN, Mai-Juin 2020 ; « Cahier des régions, le nucléaire au service de la réussite des territoires », SFEN, 2021
[8] « Communiqué de presse, Résultats de la cartographie de la filière nucléaire française », GIFEN, 2019 ; Hypothèse construite sur la base de 50 millions d’heures de travail prévues pour la construction de la paire de tranche voir « Hinkley point c wider benefits realization plan », Department for Business, Energy, & Industrial Strategy, Juillet 2018 ; Voir les multiples communications d’EDF Energy sur ce point.
[9] « Hinkley point C, Socio-economic Impacts Report », EDF & CGN, 2021, « Hinkley point c wider benefits realization plan », Department for Business, Energy, & Industrial Strategy, Juillet 2018
[10] « Communiqué de presse, EDF remet à l’exploitant nucléaire indien NPCIL l’offre technico-commerciale engageante française en vue de la construction de six EPR sur le site de Jaitapur », EDF, 23 Avril 2021
[11] « Le poids socio-économique de l’électronucléaire en France », PwC à l’initiative d’Areva, mai 2011 ; « Stratégie Française pour l’énergie et le climat », Programmation Pluriannuelle de l’Energie, Min. de la transition écologique et solidaire, avril 2020
[12] « Futurs énergétiques 2050, Bilan de la phase I, Synthèse et enseignements issus de la consultation publique », RTE, Juin 2021
[13] RTE a choisi, à la suite des consultations publiques, de fusionner le scénario N3 & N0. Ce nouveau scenario N03 prévoit la construction d’environ 14 EPR ainsi que quelques SMR pour atteindre une puissance de 28GW ; La PPE est construite sur l’hypothèse d’une part de 50% du nucléaire dans le mix énergétique à horizon 2035
[14] “La Filière EPR” rapport public, Cours des comptes, 2020
[15] IAEA PRIS
[16] Energie nucléaire : la nouvelle donne internationale - Fondapol - février 2021
[17] SFEN : Hinkley Point générera plus de 7000 emplois industriels en France
[18] Dans le cadre de la construction de 3 paires de tranche, issu de “Les dépenses publiques de R&D en énergie en 2019”, Ministère de la transition écologique, 2020
[19] nota: Cela en considérant un programme de construction de 3 paires d’EPR 2 et en tenant compte de l’effet de série induit (coût du programme estimé à 47,5Md€)
(En 2000, l’OCDE/AEN a chiffré cet effet de paire à 15 % pour la seconde unité sur un site et 5 % additionnels en cas de construction de deux paires. Source: https://www.oecd-nea.org/upload/docs/application/pdf/2019-12/2088-reduc… (pp. 60-64).)
[20] EDF, CEA, Framatome, Corys, le CRAN de Nancy, Aneo, Boost-Conseil, ESI Group et Axone