La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Plus de deux ans après le vote de la loi relative au rapprochement police-gendarmerie (loi du 3 août 2009), la Cour des comptes publie deux rapports qui dressent un bilan de cette réforme, en termes de redéfinition du périmètre de compétence de la police et de la gendarmerie et de leur mutualisation
La pertinence de ce rapprochement qui avait pour objectifs de mieux organiser la complémentarité des forces de sécurité ainsi que d'améliorer l'organisation et l'efficacité de leurs fonctions supports, doit être aujourd'hui évaluée, au regard de la gestion des ressources humaines, des gains économiques issus des mutualisations et du niveau de coopération des directions et services de la police et de la gendarmerie.
La loi du 3 août 2009 ne remet pas en question le dualisme policier, à savoir le statut militaire de la gendarmerie et civil de la police. Au-delà des différences culturelles, d'organisation et de fonctionnement, il s'agit de rapprocher ces deux corps, en créant notamment des passerelles statuaires. Ainsi, en 2011, grâce à ces passerelles, 46 gendarmes sont devenus policiers et 36 policiers sont devenus gendarmes. Cette mobilité du personnel atteint toutefois ses limites. La hausse actuelle des demandes de transfert de la gendarmerie vers la police, a contraint la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale (DGGN) a freiné cette fuite des effectifs pour un temps. Ces transferts de personnel posent aujourd'hui, la question da la parité statuaire, à savoir la question de l'égalité salariale et l'homogénéisation des parcours de carrière entre les deux corps. Il ne s'agit pas de mettre en place une parité stricte, mais d'appliquer le principe de « parité globale » entre gendarmes et policiers afin que les déroulements de carrière, les conditions d'avancement et de rémunérations soient globalement comparables entre ces deux corps.
Le rapprochement des deux forces (police et gendarmerie) s'est accompagné d'une mutualisation de certaines de leurs fonctions supports. Des services communs ont ainsi vu le jour, comme la Direction de la Coopération Internationale (DCI) qui renforce la coopération de la police et de la gendarmerie au niveau international ou encore le Service des Technologies et des Systèmes d'Information de la sécurité intérieure (STSI) qui vise à rationaliser les moyens et à définir une stratégie globale des systèmes d'information et de communication des deux forces. Certains systèmes d'information communs ont ainsi été déployés. Il s'agit notamment du Traitement des Procédures Judiciaires (TPJ) qui permet la mise en commun des informations utilisées dans le cadre du SI de la police (le STIC : Système de Traitement des Infractions Contrastées) et de la gendarmerie (JUDEX : Système Judiciaire de Documentation et d'Exploitation).
Malgré ces efforts, il n'existe pas pour le moment de bilan précis des bénéfices économiques, de ces mutualisations. A titre d'exemple, la police et la gendarmerie pratiquent désormais une mutualisation de leurs achats en matière de véhicules. Or les effets obtenus sur les tarifs des fournisseurs n'ont pas encore été mesurés à ce jour. Il s'agit donc pour l'avenir de garantir les résultats de ces mutualisations dans le temps, en dressant un bilan précis des gains et coûts engendrés par ces dernières.
Il existe une réelle volonté politique d'encourager les actions de coopération entre la police et la gendarmerie. Une circulaire récente du ministre de l'intérieur a ainsi créé une Coopération Opérationnelle Renforcée dans les Agglomérations et les Territoires (CORAT), afin de mieux prendre en compte les phénomènes de délinquance communs. Bien qu'ils soient encore trop tôt pour dresser un bilan de l'application de la circulaire « CORAT », il est désormais possible d'évaluer les résultats de d'autres coopérations telles que le Conseil Supérieur de la Police Technique et Scientifique (CSTPS), créé dès 1992. Le CSTPS qui avait pour mission principale de faciliter les rencontres entre policiers scientifiques et les gendarmes scientifiques, ne s'est pas réuni depuis 9 ans.
Considéré comme l'une des instances de pilotage d'éventuelles coopérations dans le domaine de la police scientifique, l'exemple du CSTPS prouve les réticences qui subsistent dans la volonté des forces de police et de gendarmerie d'avancer dans ce sens. Ces réserves exprimées vis-à-vis des actions de coopérations se justifient par la crainte de la part de la police et de la gendarmerie, de perdre des compétences qui étaient détenues jusque-là par chacune des entités. Ainsi la Sous-direction de l'Information Générale (SDIG), née de la fusion de la DST (Direction de la Surveillance du Territoire) et des RG (Renseignements Généraux) est désormais rattachée exclusivement à la Direction Générale de la Police Nationale (DGPN) et est essentiellement constituée des policiers issus des RG. Cette perte de contrôle du renseignement opérationnel par la gendarmerie, peut expliquer les difficultés à développer des coopérations entre les deux forces dans d'autres domaines.
Le rapprochement de la police et de la gendarmerie nationales faisait partie des chantiers emblématiques de la RGPP, porté par le Président de la République. Trois ans après le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'Intérieur, ce rapprochement n'est toujours pas abouti. Il s'agit aujourd'hui d'approfondir la coopération de ces deux corps, tout en évaluant les coûts et bénéfices des mutualisations présentes et futures. Au-delà du défi budgétaire, le maintien des spécificités culturelles de la gendarmerie (statut militaire) et de la police (statut civil) doit être pris en compte, tout en appliquant le principe de « parité globale » en matière de gestion du personnel afin d'éviter les fuites d'effectifs d'un corps à un autre. C'est à ces conditions que le triple défi sécuritaire, budgétaire et identitaire porté par la loi du 3 août 2009, sera relevé.