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Pourquoi Blablacar s’est lancé dans l’autocar ?

Multimodalité et évolution constante vers de nouvelles formes de transport sont aujourd’hui devenues la norme.

Multimodalité et évolution constante vers de nouvelles formes de transport sont aujourd’hui devenues la norme. Aussi, les transporteurs et autres plateformes de transport, quels qu’ils soient, se doivent d’évoluer au gré des innovations, des attentes des consommateurs ou encore des lois relatives au transport et à la mobilité, souvent structurantes, et avec lesquelles il faut composer. Comment le lancement de BlaBlaCar dans le secteur de l’autocar illustre ces évolutions ?

Au départ, BlaBlaCar inventa “l’autostop en ligne”

Créée en 2004 d’abord sous le nom de covoiturage.fr, BlablaCar est la plateforme communautaire de covoiturage la plus connue en France et fait partie des acteurs les plus innovants de son secteur. Dans le classement “Next40”, groupement des 40 jeunes entreprises françaises les plus prometteuses, BlaBlaCar fait office d'aînée qui montre la voie. Une aînée qui continue d'innover : BlaBlaLines qui vient d’atteindre 1,5 million de membres[1] sur ses lignes domicile travail, ou encore la location de voiture longue durée, ou plus récemment le rachat de la filiale SNCF OUIBUS qui signe son entrée dans un nouveau secteur et à plus long terme dans la multimodalité. Ainsi, les BlaBlaBus ont vocation à concurrencer Flixbus, leader du marché de l’autocar en Europe. Mais finalement, quel est le bilan de ce rachat ? En quoi le marché de l’autocar français est-il compatible avec l’histoire de BlaBlaCar d’une part et quelle peut être la valeur ajoutée pour le secteur de la mobilité ? 

L'histoire de la plateforme de covoiturage fondée en 2004 par Frédéric Mazzella est déjà bien connue, mais son expansion et son positionnement à l’international le sont moins. Alors qu’en 2008 le site de covoiturage est le plus utilisé en France, en 2009 il s’exporte pour la première fois avec l’ouverture de la version espagnole du site. En 2014, c’est le lancement en Russie, en 2015 le Mexique et l'Inde et en 2016 le Brésil pour ne citer que les principaux marchés. Même si le covoiturage n’était pas toujours perçu favorablement, BlaBlaCar a contribué à en changer l'image et à révolutionner son usage. Ainsi, en 2018, le Ministère de la Transition écologique et solidaire estimait à plus de 10 millions le nombre de trajets longue distance réalisés par des covoitureurs. Passager ou conducteur, 42% des Français auraient déjà expérimenté la pratique et 1,5 million de personnes voyagent chaque mois en covoiturage via des plateformes digitales spécialisées mettant en relation des covoitureurs.

Aujourd’hui, Blablacar représente plus de 80 millions de membres, est présent dans 22 pays en Europe et en Amérique du Sud, avec 3 millions de trajets par mois et une diversification de ses activités. Alors que 70% des déplacements domicile-travail sont réalisés avec des véhicules individuels, la plupart en autosolisme, on estime à seulement 3 % la part du covoiturage quotidien. C’est donc en 2017 que BlaBlaCar s’est positionné sur le covoiturage de trajets quotidiens avec son application BlaBlaLines. En 2019, avec le rachat de OUIBUS, BlaBlaCar lance son réseau de lignes d'autocar longue distance en France et en Europe sous la marque BlaBlaBus.

Un nouveau marché en France

La loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques du 6 août 2015, dite loi Macron, a permis la libéralisation du transport régulier de voyageurs en autocar pour toute liaison de plus de 100km : plus de 9 millions de passagers ont voyagé en autocar en 2018, une hausse de 26% par rapport à 2017[2]. Le marché de l’autocar est en plein essor en France. À noter que depuis 2019 les données de l’ART sont communiquées avec une fourchette de 500 000 passagers et non plus précisément, car la présence de seulement deux acteurs sur le marché rendrait ces chiffres trop sensibles et lisibles. En effet, si cette libéralisation a vu à ses débuts une grande multiplication des acteurs, il est maintenant fortement concentré avec l’intégration d’Eurolines/Isilines par Flixbus en mai 2019 et le rachat de OUIBUS par BlaBlaCar en juillet 2019 (nouveau BlaBlaBus). Ces deux acteurs représentent à ce jour les deux seuls acteurs nationaux du marché des autocars en France. L’offre s’est grandement densifiée, couvrant désormais 287 communes en France en 2019 (contre 81 en 2015)[3].

D’une part, ce marché a permis la création de nombreuses nouvelles liaisons, avec 910 liaisons proposées par les autocars Macron qui n’ont pas d’offre alternative de transport ; de plus, seulement 56% des lignes d’autocar sont aussi assurées par un autre service de transport[4].

D’autre part, la clientèle se diversifie avec 20% des passagers de moins de 25 ans et 21% de retraités (encore légèrement en dessous de leur part dans la population française à 30%). Avant tout, la libéralisation des autocars a permis un surcroît de mobilité : 17% des usagers n’auraient pas voyagé en l’absence d’une offre d’autocar[5]. En effet, le premier critère de choix de l’autocar par rapport aux autres moyens de transport est le prix devant les horaires ou le confort.

Les autocars Macron sur les flux majeurs

Certes, le marché a permis la création de nouvelles liaisons, mais les 6 liaisons les plus fréquentées représentent 20% de la fréquentation totale, pour seulement 0,4% de l’offre totale[6]. Sur ces 6 liaisons les plus fréquentées, qui correspondent à des axes importants de covoiturage, BlaBlaCar pouvait avoir un déficit d’offre : la nouvelle offre BlaBlaBus permet au leader du covoiturage européen de pallier ce déficit en renforçant l’offre. 

Dans ce top 6, l’ensemble des liaisons connaît des croissances importantes de 25% à 60% par an en fréquentation sauf la liaison Lyon – Paris. Pour le reste, ces lignes à fortes croissances sont des liaisons courtes pour lesquelles les caractéristiques de l’offre par autocar (temps, confort…) sont comparables à celles offertes par d’autres moyens de transports : le prix bien plus bas de l’offre par autocar permet alors d’attirer une clientèle nombreuse. 

Le marché français est en pleine croissance mais l’idée de se lancer dans l’autocar vient d’un autre pays. C’est en Russie que germe cette idée. Dès 2015, alors que BlaBlaCar ne met en relation que des particuliers, le nombre d’annonces de la part de transporteurs autocaristes professionnels explose sur la plateforme de covoiturage russe. La plateforme doit régulièrement mettre à jour son algorithme pour filtrer ces offres indésirables. Toutefois, le potentiel d’offre supplémentaire pour les membres est tel que BlaBlaCar décide d’en faire une force et lance officiellement, en 2019, une offre de transport par autocar en Russie pour capter cette demande. Aujourd’hui la Russie est le premier marché de BlaBlaCar et constitue la communauté principale avec près de 20 millions de membres. 

La première licorne française va donc très vite étudier l’opportunité de se lancer sur ce marché en France et en Europe de l’ouest. L’analyse des forces et des faiblesses de BlaBlaCar permet de comprendre l'intérêt de ce mouvement, principalement pour trois raisons :

  • La notoriété et l’audience de BlaBlaCar dont la communauté compte 15 millions de membres[7] ;
  • L’efficacité de sa plateforme et de sa technologie de mise en relation ;
  • Le maillage inégalable de BlaBlaCar sur le covoiturage avec 250 000 points de départs différents chaque mois en France.

Tout d’abord, la notoriété, l’audience et la position de leader incontesté sur le marché du covoiturage génèrent des flux importants de clients prêts à voyager. Toutefois, les clients ne trouvaient pas toujours leur bonheur, car les covoitureurs proposent très souvent leur trajet en dernière minute. A contrario, l’offre de transport par autocar est définie en général 3 mois à l’avance, ce qui permet aux clients de BlaBlacar de trouver le trajet qu’ils souhaitent, particulièrement lorsqu’ils anticipent, par exemple, pour les vacances.

L’autre force majeure de l’entreprise fondée par Frédéric Mazzella est son maillage du territoire : aucun mode de transport ne propose autant de destinations que la voiture individuelle.

La rentabilité annoncée par BlaBlaCar en 2019, avant le rachat de OUIBUS, n’est plus d’actualité, d’autant plus que le marché de l’autocar n’a pas encore atteint la rentabilité. Les prix sont toujours en dessous du seuil de rentabilité sur l’ensemble du réseau. La recette moyenne par autocar au kilomètre est de 1,14€, bien plus faible que le coût estimé à 2,26€[8]. Les acteurs du marché sont déficitaires de plusieurs millions d’euros par an (35M€ pour OUIBUS, nouveau Blablabus et 20M€ cumulés pour Flixbus en 2017). Mais l’ADN de BlaBlaCar se rapproche davantage des start-ups de la Silicon Valley, où des géants comme Amazon ou Uber ne craignent pas d’accumuler les pertes pour financer la croissance. Le mouvement de BlaBlaCar, implanté dans 22 pays du Brésil à la Russie[9], est donc cohérent avec sa stratégie d’être le leader mondial de la route.

Des valeurs écologiques, d’entraide et de partage

17% des utilisateurs des autocars Macron n’auraient pas fait le voyage sans ces derniers. Il s’agit donc d’aller vers des modes de transports basés sur une forme de solidarité et accessibles à tous. De la même façon, le covoiturage est vu comme un mode de transport écologique, économique et convivial : Blablacar se présente comme une société dont l’ADN peut se résumer en 6 principes - appelés BlaBlaPrinciples - autour notamment des valeurs de l’apprentissage, du partage et l’appartenance à une communauté (celle des covoitureurs). Des objectifs et une vision qui convergent donc, c’est là le point de rencontre entre BlaBlaCar et BlaBlaBus. 

Ainsi, que ce soit en partageant son véhicule ou en voyageant en autocar, les usagers de BlaBlaCar font un choix économique. Les lignes BlaBlabus parviennent en effet à proposer des prix très attractifs par rapport à ceux des trains. L’offre de covoiturage BlaBlaCar - de par son modèle de fixation des prix par le conducteur - rend possible des prix défiants toute concurrence, surtout à la veille du départ. Blablacar se positionne ainsi comme le mode de transport le moins cher du marché. De manière générale, le covoiturage courte distance demeure l’un des moyens de transport les moins chers quand le covoiturage longue distance est le moyen de transport le plus économique : 5,2 centimes par voyageur par kilomètre en moyenne. Les prix attractifs de ces modes de transport permettent donc à des usagers de milieux plus modestes de se déplacer plus facilement à moindre coût. 

Les passagers des lignes de bus ou des covoiturages font également un choix pour la planète: l’utilisation - qui plus est en constante augmentation- de ces modes de transports sont autant d’émissions de CO² en moins. Par exemple, les usagers de BlaBlacar participent à économiser 1,6 millions de tonnes de CO² chaque année ! 

De la même façon, la multiplication des lignes d’autocar et le principe du covoiturage répondent aussi à des valeurs d’entraide entre les utilisateurs puisqu’ils donnent la possibilité aux personnes parfois marginalisées car non motorisées de se déplacer. Les personnes âgées, handicapées, isolées géographiquement (excentrées ou résidant dans des zones non desservies par les transports publics) ou même les adolescents peuvent gagner en mobilité avec le passage d’un bus dans une gare routière près de chez eux ou par la réservation d’un trajet sur le site / l’application BlaBlaCar. Ainsi 328 villes sont desservies par les lignes d’autocars (Services Librement Organisés -SLO-) et des milliers de points d’arrêt (aires de covoiturage, etc.) ouverts aux covoitureurs en France métropolitaine en 2018. S’agissant des 328 arrêts pour les SLO, les communes concernées ont une population qui avoisine en moyenne les 50 000 habitants et 231 d’entre elles disposent d’une gare ferroviaire. 

Des moyens de transport moins chers, écologiques et accessibles à tous, autant de valeurs qui font partie intégrante de l’ADN de BlaBlaCar. Cela donne encore davantage de sens au lancement de la société sur le marché de l’autocar, afin d’enrichir les modes de transport qu’elle propose dans un esprit d’entraide tourné vers ce que sera la mobilité de demain. 

Au-delà des valeurs, l’ambition de BlaBlaCar s’affiche clairement : devenir le leader de la route au niveau mondial et quand on observe le transport en Amérique Latine ou en Asie, l'autocar reste bien le mode de transport le plus répandu.

 

Sources :

https://blog.blablacar.fr/

https://www.vie-publique.fr/loi/20809-loi-mobilites-lom-projet-de-loi-dorientation

https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/projet-loi-mobilites#e32

http://autorite-transports.fr/

https://www.fnaut.fr/

https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/greve-sncf-pendant-les-fetes-blablacar-vise-les-2-millions-de-passagers-1156061

https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/les-cars-macron-a-bas-prix-ou-la-liberalisation-du-transport-en-autocars_1870697.html

 

 

 


[1] Source : BlaBlaCar

[2] Source : ART

[3] Source : ART

[4] Source : ART

[5] Source : ART

[6] Source : ART

[7] Source : BlaBlaCar

[8] Source : ART

[9] Source : BlaBlaCar