La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Depuis quelques mois, le secteur de l'eau est en pleine effervescence et son prix a été et est encore très largement discuté. En effet, Bertrand Delanoë a souhaité remunicipaliser ce secteur à Paris afin d'offrir aux Parisiens « la meilleure eau au meilleur prix ».
La facture d'eau se compose de trois grandes rubriques : la distribution d'eau potable, l'assainissement et les organismes publics.
La part du montant global de la facture associée aux rubriques "Abonnement" et "prix du service" servent à couvrir les coûts engendrés par les investissements (entretien, nouveau réseau...). Elles sont perçues par la commune ou par une entreprise privée selon le choix de gestion.
Les redevances de prélèvement et de pollution sont calculées pour chaque commune et sont destinées à couvrir les investissements d'autres communes ainsi que les coûts d'exploitation des stations d'épuration. Elles sont prélevées par les Agences de l'Eau.
La TVA (5,5 %) versée à l'Etat et la Taxe des Voies Navigables de France sont les seuls éléments de la facture qui ne couvrent pas directement les frais de distribution et d'assainissement de l'eau.
En moyenne, la facture est donc répartie de la façon suivante :
- 37 % : Service de distribution de l'eau
- 44 % : Collecte et traitement des eaux usées
- 19% : Taxes (Voies Navigables, TVA) et redevances («Préservation des ressources», «Pollution»)
La part des taxes reste relativement stable d'une région à une autre. Celle destinée à couvrir les frais de collecte et d'assainissement sera plus élevée si la commune possède des installations non conformes aux normes européennes en matière de pollution qui nécessitent des travaux. En revanche, la part du service de distribution de l'eau peut varier selon les régions ; à titre d'exemple, on note une hausse de cette part pour l'Ile de France. Cette différence peut être due entre autres au mode de gestion.
Une grande différence de prix de l'eau est souvent constatée d'une région à l'autre, plusieurs facteurs expliquent cela :
Les caractéristiques géologiques sont primordiales. Par exemple, dans le Massif Central, la plupart des ressources en eau est souterraine, elle est donc moins polluée et nécessite moins de traitements, par conséquent, le prix de l'eau est peu élevé : un peu plus de 1 €/m3. A l'inverse, en Bretagne, l'eau est majoritairement prélevée en surface ce qui nécessite un traitement plus coûteux car plus polluée : dans le Morbihan l'eau est à 4 €/m3.
D'autre part, un facteur démographique entre en jeu : plus la concentration de la population d'un région est faible, plus le réseau de distribution est long et coûteux.
Enfin, le mode de gestion choisi par la commune est aussi un facteur de disparité. En effet, une commune qui fait appel à une entreprise privée parce que ses installations ne sont pas récentes ou inexistantes verra bien souvent sa facture d'eau augmenter. En 1998, dans les communes ayant délégué leurs services, les prix étaient supérieurs de 13% à ceux des services en régie. Parallèlement, les engagements internationaux en matière de pollution souscrits par la France impliquent des investissements importants pour certaines communes non conformes aux normes. Les travaux nécessaires sont financés par le prix de l'eau, ce qui implique une augmentation de la facture.
En France, on constate une hausse du prix moyen de l'eau de l'ordre de 24% depuis 13 ans : alors qu'il était de 2,43 € en 1996, il vaut aujourd'hui 3,01 € (prix par m3). Au niveau régional, cette croissance est aussi très contrastée. A titre d'exemple, le prix moyen de l'eau sur le bassin de l'Adour-Garonne a connu une hausse de presque 20% depuis 2000, alors que le bassin Rhône-Méditérranée-Corse a connu une hausse de 12 % sur cette même période.
Cette évolution s'explique majoritairement par l'envolée du prix de l'assainissement : l'eau est de plus en plus polluée. Dans le cadre de la DCE (Directive Cadre de l'eau) adoptée en 2000 par l'Europe ayant pour objectif d'atteindre un bon état des eaux d'ici 2015, de nombreux travaux de mise aux normes des réseaux d'assainissement ou de renouvellement de certaines canalisations sont effectués.
Cette progression des prix est aussi la conséquence des nombreux investissements pour stocker plus d'eau en prévision des sécheresses plus fréquentes.
En France, le prix de l'eau couvre non seulement celui de l'eau potable mais aussi le coût de l'assainissement et des redevances alors que dans certains pays, il ne couvre que l'eau potable. Il existe une grande disparité entre les pays : en Europe, le prix moyen de l'eau est de 3,40 €/m3 alors qu'il est de 3,01 €/m3 en France.
Le graphique ci-dessous permet de comparer le prix moyen de 10 pays européens.
La différence du prix de l'eau est majoritairement due aux coûts d'assainissement. D'après une étude de NUS Consulting parue en octobre 2008, le coût de l'assainissement en France est de 1,50 € alors qu'il est par exemple au Danemark de 3,14 € et en Italie de 46 centimes. Les prix peu élevés pratiqués dans des pays du sud de l'Europe comme l'Italie ou l'Espagne peuvent traduire un léger retard d'investissements, notamment en matière d'assainissement. Il est donc fort probable que le prix de l'eau dans ces pays connaisse aussi une certaine augmentation dans les années à venir.
En revanche le faible coût de l'eau en Finlande est dû à l'absence de redevances. En outre, de même qu'en Suède, l'abondance de la ressource et sa qualité diminuent de façon considérable les coûts liés à l'assainissement.
Au contraire, le prix de l'eau aux Pays-Bas s'explique par des redevances importantes. Le Danemark est le pays européen où l'eau coûte le plus cher : en effet, sa façade maritime étant très étendue, les coûts de traitement des eaux usées sont élevés : les normes de rejet en mer sont plus strictes qu'en rivière.
L'Espagne est un des pays où le prix de l'eau est le moins élevé, en revanche, c'est aussi le pays qui a connu l'augmentation la plus importante. En effet, même si la ressource est abondante, les sécheresses importantes nécessitent une adaptation du système, ce qui engendre un coût élevé : barrages, nouveaux aménagements comme la déviation de l'Ebre.
Si le prix de l'eau diffère d'une région à une autre, ou d'un pays à un autre, c'est parce qu'il dépend de nombreux facteurs, notamment l'accès à la ressource, la qualité de l'eau ou le coût de l'assainissement. Ce dernier facteur est primordial puisqu'il fait l'objet de la plupart des réglementations européennes, tant au niveau national, régional que communal. Ainsi, de nombreux travaux doivent être effectués.
Le mode de gestion joue aussi un rôle important : dans certaines communes qui ont choisi d'avoir recours aux services d'une entreprise privée, la facture d'eau est souvent plus élevée. Depuis Novembre 2008, à l'image de Grenoble, Paris a décidé de remunicipaliser dès 2010 le service de distribution d'eau potable qui est géré depuis 1984 par Veolia et Suez dans le but de stabiliser les prix.
Le prix de l'eau suscite de nombreux débats : malgré tout, en France, même s'il ne cesse d'augmenter comme dans de nombreux pays européens, il reste bien inférieur à la moyenne.