La reconversion, parent pauvre des politiques d…
De plus en plus d’acteurs du retail mettent en place du dynamic pricing pour optimiser leurs ventes.
De nombreux comparateurs de prix fleurissent sur Internet notamment pour comparer vols, hôtels et assurances, mais aussi les articles de la grande distribution. En quelques clics, depuis une tablette, un smartphone ou un PC, comparer les prix devient facile : à la recherche de la meilleure affaire, nous intégrons progressivement cette étape dans nos modes d’achat. La digitalisation accélère le changement sociétal.
Que ce soit en magasin ou en ligne, les différents prix donnés à un même article se démultiplient : le dynamic pricing (ou tarification dynamique) se perfectionne au gré des avancées technologiques, notamment des analyses du Big Data pour la tarification, des puces électroniques RFID sur les articles, du machine learning pour les comportements clients ... Jusqu’à présent, le prix de vente était défini par des variables liées aux coûts (« cost based pricing ») et parfois, à la « propension » ou à la « disponibilité » du client à payer, de manière assez statique, manuelle et intuitive. Dorénavant, le retailer a plus facilement à sa disposition un éventail de données aussi bien internes (informations relatives aux anciens achats notamment) qu’externes (la météo par exemple), traitées en temps réel par des algorithmes adaptés à l’activité. Ainsi, les sites de e-commerce sont capables de déterminer à quel point les clients sont réceptifs et rapides à l’annonce d’offres en ligne. Le géant Amazon, qui a introduit le Dynamic Pricing dans le Retail, réalise en moyenne 2,5 millions de modifications de prix par jour en analysant les données recueillies en permanence par le site.
La tarification dynamique est un modèle de prix qui fait varier le tarif en fonction de la demande. Les Pricers ou analystes Pricing identifient au préalable les caractéristiques de la demande.
Cette stratégie de tarification flexible est basée sur des algorithmes qui prennent en compte plusieurs facteurs tels que :
• le prix des concurrents
• la tarification basée sur le temps
• le prix et la quantité
• le profil client
• les facteurs externes au marché
Il est alors possible de changer un prix à plusieurs reprises dans une même journée ou semaine, de manière immédiate. Le prix affiché l’est pour l’ensemble des consommateurs, et non pour une certaine population. Par exemple, le distributeur Marks & Spencer a mené une opération de tarification dynamique en 2016 en diminuant les prix de ses sandwichs avant 11h du matin afin d’inciter l’ensemble des clients à venir acheter leur déjeuner plus tôt.
En revanche, le Pricing Personnalisé consiste à proposer des prix spécifiques dédiés uniquement à une certaine clientèle identifiée et ciblée. Alors que le Dynamic Pricing est fondé sur des variables aussi bien internes qu’externes, le Pricing Personnalisé repose sur des variables orientées client, principalement liées aux services / « petits plus » appréciés ou à la fidélité.
La tarification dynamique est née dans l’aérien avec la mise en place du Revenue Management (optimisation du chiffre d’affaires et du remplissage d’une structure en vendant au bon client, au bon moment et au meilleur prix. Il repose sur l'intangibilité des prestations de service qui doivent toutes être vendues avant le jour de la réalisation de la prestation) et d’outils de Yield Management (système de gestion des capacités disponibles / « allotements » de ces capacités comme les chambres d'hôtel, sièges dans le transport aérien / ferroviaire, panneaux publicitaires…) : la tarification devenant la palette de prix -au début figée- utilisée au cours de la période de vente du train / de la chambre d’hôtel, etc. Au-fur-et-à-mesure des années, cette palette de prix s’étend et les prix de la palette elle-même sont amenés à changer en dynamique.
Certains facteurs de calculs de prix sont communs aux secteurs originels du Dynamic Pricing et au secteur du Retail : actualités, météo. En revanche, d’autres diffèrent comme la date de péremption dans le cas des produits alimentaires.
Par ailleurs, le secteur du Retail est différent de celui de l’aérien ou de l’hôtellerie notamment au sujet de la gestion des stocks : l’hôtellerie et l’aérien ont un stock fini à la différence de la Distribution ; les réassorts peuvent prendre plusieurs jours en fonction de la supply-chain / de la disponibilité / du schéma de réassort.
Les groupes hôteliers et les compagnies aériennes sont soumis à une logique de remplissage à laquelle les marques de Retail ne sont pas sujettes. Sans démarche de revenue management, une compagnie aérienne perd de l’argent si elle ne remplit pas tous les sièges sur l’un de ses vols. Une marque d’habillement, elle, n’est pas confrontée à la même pression : si elle ne vend pas un pull aujourd’hui, elle pourra toujours le vendre le lendemain.
Néanmoins, le stockage de la marchandise représente un coût pour les retailers : ils ont donc un intérêt non négligeable à considérer la tarification dynamique dans certains cas.
Au sein du secteur du retail, plusieurs catégories d’articles existent : périssables versus non-périssables, produits frais versus secs, alimentaires versus technologiques, technologiques versus habillement… Le dynamic pricing ne peut s’appliquer de la même façon. De plus, la dimension éthique régit plus particulièrement les produits de première nécessité pour lesquels la stratégie de tarification dynamique est assez mal reçue : le consommateur a par exemple une très mauvaise perception des prix alimentaires qui évoluent. Au contraire, la catégorie des objets technologiques est beaucoup plus adaptée au Dynamic Pricing : la demande fluctue rapidement en fonction de multiples facteurs notamment les événements sportifs (cas des télévisions), les sorties des dernières technologies, les « buzz » positifs ou négatifs…
Comme expliqué précédemment, l’industrie du retail regroupe différentes catégories de produits. Concernant les produits périssables, et tout particulièrement ceux qui sont vendus dans les rayons frais, la date de péremption entraîne nécessairement une gestion des stocks précise. Afin d’éviter aux distributeurs de devoir jeter la marchandise périmée, la tarification dynamique peut être une solution très pertinente. Certains magasins ont ainsi recours à un tarif avantageux pour les produits proches de leur date limite de consommation : cela permet d’instaurer un cercle vertueux de vente en poussant la clientèle à acheter des produits à courte espérance de vie à un prix réduit. Ce type de pricing permet donc de planifier des réductions très rapidement et d’éviter la perte sèche sur des produits vite périssables. Dans une logique inverse, la météo est un facteur qui justifie une modification du prix de la part des marques.
Les changements de saisons et de température entraînent des changements de consommation chez les consommateurs, qui préfèreront par exemple acheter une salade plutôt qu’une soupe en été. Durant l’été 2012 et lorsque la température dépassait les 30°, Coca-Cola divisait de moitié le prix de certains de ses sodas sucrés vendus en distributeurs en Espagne dans le but d’en encourager la consommation.
Jouer avec ses prix en accentuant le trait de certaines réductions a un impact certain sur l’image de marque. Dans le cas d’Amazon, sa stratégie marketing lui a valu une réputation de marchand aux prix bas et aux promotions d’envergure. Le géant du web pratique en fait une tarification dynamique ciblée sur des produits phares, mais si l’on regarde l’ensemble de son catalogue il est loin d’être le moins cher de la place.
Que ce soit pour appliquer une réduction sur un produit, ou, au contraire, pour augmenter les tarifs, la tarification dynamique permet aux acteurs du retail de jouer avec les prix à leur avantage.
La mise en place d’une stratégie de tarification dynamique ne peut se faire que sous certaines conditions.
Sensibilité tarifaire : La clientèle de chaque marque a une sensibilité différente en fonction du vendeur, de la catégorie de produit et du produit en lui-même. Ainsi, le client mémorise un ordre de grandeur du prix associé à un produit, et sait le seuil au-delà duquel il sera considéré comme trop cher, et donc non attractif ; ou bien pas assez cher, et donc mentalement synonyme d’une qualité perçue comme douteuse.
Amazon en a fait les frais en 2011, lorsque certains clients ont remarqué qu’ils payaient chacun un prix différent pour le même DVD avec les mêmes conditions de livraison. Le retailer avait alors dû faire des excuses publiques et rembourser les clients, mais ce type de bad buzz influe nécessairement sur l’image opaque de la stratégie prix de la marque.
Meilleure utilisation de la data : S’ils veulent se permettre de faire varier leurs prix en quelques heures, les retailers seraient mal avisés de prendre des décisions à l’aveugle. Comme le suppose toute décision stratégique, celle-ci doit s’appuyer sur des arguments tangibles, que sont des données chiffrées solides et assez nombreuses pour être significatives.
Ainsi, face à ce besoin de décision rapide, la data doit être produite rapidement et surtout être consultable de façon synthétique afin de faciliter la prise de décision. Les données les plus pertinentes dont le retailer a besoin sont, parmi d’autres : l’historique de prix du produit, la structure de coût et de marge du produit, l’historique d’achat des clients, la sensibilité de coût des clients envers ce produit, etc.
Grâce au e-commerce, il est désormais très aisé d’avoir accès aux tarifs définis par la concurrence et donc de faire un benchmark du positionnement des prix des concurrents. Maîtriser les données est un véritable avantage concurrentiel. Amazon change ses prix en seulement deux minutes, alors que les autres sites e-commerce américain le font en moyenne en un mois.
Etiquetage : On l’a mentionné et c’est l’un des enjeux phares de ce type de stratégie de prix, les produits exposés en rayons ne peuvent se défaire des étiquettes affichant le prix. Or leur changement manuel est à la fois compliqué et coûteux. Dans le but de contourner cette contrainte opérationnelle, la technologie est d’utile secours : la RFID permet ainsi de transmettre beaucoup plus d’informations que ne le fait un classique code-barres. Elle est attachée à un produit en lieu et place de ce-dernier. Son avantage majeur est qu’elle stocke bien plus d’informations et peut être scannée sans contact. Elle peut par exemple enregistrer des informations concernant la date de péremption d’un produit. Jusqu’à présent, son coût unitaire a été un frein à son investissement : entre 0,05€ et 0,10€ hors pose comparé à 0,02€-0,03€ pour des étiquettes EAS classiques. Mais l’intérêt grandissant des marques (Decathlon en a généralisé l’usage dans ses magasins depuis 2014), permet d’en faire baisser les coûts. Dans cette même logique d’appropriation réussie de la technologie par des acteurs retail, l’entreprise Wasteless a mis au point un outil de tarification qui traite plus de 40 données jugées déterminantes d’un point de vue prix : telles que l’offre, la demande, l’emplacement du produit dans le magasin, le calendrier (dates clés, périodes de vacances, météo, …). Le moteur offre ensuite la possibilité d’ajuster en permanence le prix des produits proposés via les étiquettes digitales.
Le retailer doit en premier lieu choisir sa stratégie client (augmentation du panier moyen, fidélisation, etc.) et, seulement ensuite, déterminer la technologie la plus adaptée à ce besoin et à son niveau de complexité.
Si elle apporte des avantages certains, la tarification dynamique pose également des problèmes, notamment en termes de synchronisation tarifaire.
En effet, afin de ne pas contrarier la satisfaction client, les marques se doivent de proposer des tarifs similaires au sein de leurs différents points de vente, qu’ils soient physiques ou digitaux.
Les retailers sont donc confrontés à trois types de situations :
Synchroniser les prix en magasins : si le prix évolue entre le moment où le client a mis l’article dans son panier et celui où il passe en caisse, quel prix choisir ?
Synchroniser les prix en ligne : lors d’une transaction online, comment s’assurer que le prix n’évolue pas entre la sélection du produit, la mise en panier virtuel et le paiement final ? Dans le cas de l’achat en ligne, il est plus simple de gérer les évolutions de prix : le retailer établit en amont une règle de gestion qui explique quel tarif sera pris en compte.
Synchroniser les prix online / offline : la tendance va à l’omni-canalité, mais sa gestion côté prix est complexe. Si le retailer n’est légalement pas obligé de fixer les mêmes prix en ligne et en rayons, cette logique d’harmonisation est appréciée des clients.
Mener une stratégie de dynamic pricing ne se révèle concluante que si elle répond à un besoin et à une satisfaction : celle de la clientèle. La tarification dynamique répond à une tendance globale qui consiste à glaner le « meilleur deal ». Les consommateurs tirent une vraie satisfaction lorsqu’ils ont le sentiment d’avoir fait une bonne affaire.
Une étude américaine menée par RSR, Retail Systems Research, nuance cependant cet intérêt de la clientèle et explique que le taux de pénétration et de satisfaction est différent en fonction des classes d’âge. La génération des millenials (terme couramment employé qui désigne la population née entre 1980 et 2000) est très sensible et réceptive à ce type de tarification qu’elle juge ludique. Les générations plus anciennes, et donc moins digital natives ne sont pas autant agiles et adeptes de ce type de pricing changeant. Le sondage RSR a ainsi montré que les millenials étaient 3 fois plus nombreux à « adorer » le concept, comparé aux plus de 45 ans.
Grâce aux technologies, les retailers peuvent placer les clients en position d’acteur vis-à-vis du prix.
Certaines solutions du marché s’appuient sur des algorithmes qui permettent de trouver un compromis entre le prix désiré par le client et le prix visé par la marque. Directement en point de vente, via une application, le client peut indiquer le prix maximum qu’il est prêt à débourser pour un produit. L’application analyse alors ce chiffre et valide ou non le prix proposé. Une option propose un troisième prix alternatif, qui permet à la marque de ne pas rater la vente. Ce type d’outil permet de réintroduire un jeu de négociation au cœur des échanges entre clients et marques, qui avait disparu avec la grande distribution.
Le Dynamic Pricing gagne des galons dans le secteur du retail grâce aux multiples avancées permises par les technologies. Cette stratégie tarifaire a le vent en poupe auprès des nouvelles générations, mais peut vite perdre le consommateur si elle n’est pas appliquée selon des règles précises et transparentes.
Le champ d’application le plus large concerne probablement la personnalisation des prix, et l’articulation de la tarification avec les données CRM des clients. De nouveaux modèles économiques vont peut-être émerger et disrupter à terme le modèle traditionnel du retail, comme le succès d’Amazon peut le laisser présager.