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Réseaux intégrés, franchises: comment assurer la mixité ?

Depuis quelques années, des enseignes de distribution historiquement intégrées s’orientent vers un modèle de développement en franchise.

Depuis quelques années, des enseignes de distribution historiquement intégrées s’orientent vers un modèle de développement en franchise. Tandis que Darty constitue une bonne illustration de ce phénomène avec son ambitieux plan de déploiement de 150 franchisés en 3 ans démarré en 2014, Brico Dépôt teste actuellement le modèle avec un premier franchisé à Sisteron. De même, Fnac mise aujourd’hui de plus en plus sur ce modèle pour l’ouverture de ses nouveaux magasins. Cette tendance conduit donc à des organisations mixtes qui pour être efficientes nécessitent une adaptation des enseignes à ne pas négliger.

Les modèles d’organisation de la distribution

Des réseaux variés…

  • Les réseaux intégrés se développent par eux-mêmes en acquérant des magasins en propre. Ainsi, l’enseigne est propriétaire des points de vente et en a le contrôle. Le directeur de magasin est salarié de l’enseigne ou d’une de ses filiales.
  • Les réseaux d’indépendants affiliés (incluant concessions, licences de marque, commissions affiliation ou franchises) se développent via le « recrutement » d’investisseurs ou entrepreneurs indépendants qui concluent un contrat d’affiliation avec l’enseigne. Ces derniers reçoivent le droit d’exploiter la marque et s’engagent en contrepartie à respecter les obligations prévues au contrat. La franchise constitue le type de contrat dans lequel ces obligations sont les plus nombreuses.  
  • Les réseaux d’indépendants associés (ou groupement) se différencient des réseaux d’indépendants affiliés par leur lien avec l’enseigne. Les affiliés sont propriétaires du capital et participent donc aux orientations et décisions stratégiques du réseau.

La tendance observée porte sur le développement de magasins franchisés par des enseignes jusqu’ici purement intégrées et nous nous intéresserons par la suite uniquement à ces deux modèles.

…et leur impact sur les organisations

Le siège d’un réseau intégré contrôle totalement le fonctionnement des magasins : assortiment, réassorts, politique prix, promos, recrutement,… Par souci d’économie et d’efficacité, l’organisation y est donc plutôt centralisée et de nombreuses fonctions sont concentrées au siège du réseau.

Dans le cas de la franchise, le franchiseur fournit un concept clé en main incluant l’accès à un savoir-faire et un accompagnement tout au long du projet. Bien qu’il existe autant de contrats que de franchiseurs, le franchisé doit conserver certaines marges de manœuvre sous peine de voir le contrat de franchise requalifié :

  • Sa politique prix, ses horaires d’ouverture,
  • Son assortiment, ses réassorts et son référencement dans la limite de 80% et dans la mesure où les produits ne sont pas partie intégrante du concept de la franchise,
  • La gestion de son entreprise : comptabilité, finance,  ressources humaines,

Il en résulte naturellement des organisations plus décentralisées.

Un levier de croissance séduisant…

Des risques et des investissements minorés

Dans le cas d’un réseau intégré, le concept et le savoir-faire existent déjà. Il s’agit alors de le packager et de le mettre à disposition. Si, comme souvent, la marque dispose déjà d’une certaine notoriété, la transition est d’autant plus naturelle et aisée à mettre en place.

Par ailleurs, outre les avantages qu’offre l’ouverture d’un magasin (augmentation du chiffre d’affaire, renforcement de la part de marché de l’enseigne, extension de la zone de chalandise…), la franchise permet surtout de minimiser les risques en les partageant.

Un partage d’expérience

Le fait de s’associer à un partenaire externe permet de bénéficier de savoir-faire peu ou pas maitrisés par l’enseigne. Par exemple, un entrepreneur local aura une meilleure connaissance du tissu commercial de la région et probablement un réseau déjà établi. Le modèle de la franchise est d’ailleurs souvent utilisé par les enseignes pour se développer à l’international.

De même, l’enseigne peut bénéficier du savoir-faire de gestion du franchisé. Par exemple, sur un format de magasin inhabituel pour l’enseigne mais maitrisé par le franchisé. Carrefour notamment développe ses enseignes de proximité tels que Carrefour City, Carrefour Contact, Carrefour Market… via un réseau de franchisés.

Dans ces conditions, on peut comprendre l’engouement des réseaux intégrés pour la franchise.

… mais exigeant pour la structure centrale

Un changement de paradigme et une exigence de qualité

Les magasins devenant des clients, leur niveau d’exigence est plus élevé. Un franchisé verse entre 2% et 5% de son CA au franchiseur et y a généralement investi ses propres fonds. Il est naturel qu’il soit attentif à la qualité des services fournis et qu’il souhaite avoir un droit de regard sur l’utilisation des sommes qu’il verse.

Là, où un magasin intégré tolérera quelques manquants en réception de marchandises et appliquera la procédure de litige prévue, un franchisé aura tôt fait d’y voir une rupture et demander un dédommagement pour les ventes manquées. De même, concernant la résolution d’un incident informatique dégradant fortement la vente, un directeur de magasin intégré pourra l’accepter espérant une certaine indulgence lors de l’attribution de son variable. Tandis qu’un directeur de franchise pourrait demander une compensation.

Et ce ne sont que deux exemples parmi de nombreux autres. Cependant, cette exigence de qualité des services support est aussi l’opportunité pour l’enseigne de renforcer globalement son efficacité.

Une gouvernance dédiée

Le réseau de franchisés doit disposer d’un relai interne à l’enseigne. Au-delà de l’animation inhérente à un tel réseau, ces équipes doivent se faire les porte-paroles des franchisés. En effet, afin d’assurer une équité de traitement des magasins franchisés, il est nécessaire que les décisions de l’enseigne tiennent compte de l’avis des franchisés. Et pour éviter tout conflit de priorités, les règles doivent être claires et partagées par tous.

Cette bonne gouvernance est une condition essentielle au recrutement et à la loyauté des franchisés vis-à-vis de l’enseigne. Un enjeu particulièrement important en ces temps d’omnicanalité où la cohérence globale de l’expérience avec la marque devient prépondérante. D’autant plus qu’avec le lancement de grandes enseignes dans la franchise et la promulgation de la loi Macron, la fidélisation des magasins franchisés pourrait devenir clé.

Conclusion

Le déploiement de magasins franchisés par une enseigne intégrée constitue une opportunité de croissance séduisante. L’intégration, la formation et l’accompagnement des franchisés sont bien souvent les fondements d’un tel projet. Afin d’en maximiser les chances de réussite et les profits, les efforts ne doivent pas seulement être déployés vers les franchisés. Ainsi, il convient de ne pas négliger l’adaptation et la clarification de l’organisation et des processus de l’enseigne et la conduite du changement en interne.

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