Aller au contenu principal

Retour sur « une COP de l’action » bouleversée

Un an après le succès de la COP21 et la signature historique de l’Accord de Paris, entré en vigueur le 4 novembre 2016, la COP22 a eu lieu à Marrakech, du 7 au 18 novembre 2016.

Si la COP22 s'est ouverte sur une note optimiste, confortée par la mise en application de l’Accord de Paris, elle a rapidement pris une tournure plus sombre avec l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis le 8 novembre 2016. La COP22, également appelée la « COP de l’action », devait mettre en pratique de manière concrète les engagements pris par la communauté internationale au moment de la COP21, mais les négociations sont loin d’être achevées et le gros du travail reste encore à faire. La COP21 a posé un cadre fondamental pour la transition énergétique, mais tout l’enjeu de la COP22 était de parvenir à fournir du contenu à ce cadre afin que l’Accord de Paris ne reste pas une coquille vide.

La COP22 a-t-elle dès lors rempli ses objectifs ?

La COP22 s’inscrivait dans la continuité du bilan positif et encourageant de la COP21 et avait la lourde tâche de pérenniser la mobilisation et le dynamisme lancés en décembre 2015[i]. La COP22 avait plusieurs objectifs à son agenda : trouver une date butoir pour l’application de l’Accord de Paris[ii], repenser les contributions nationales, confirmer la dynamique des coalitions d’action, définir l’attribution des financements et poursuivre les négociations à propos des mesures d’adaptation afin d’aider les pays en développement. La « COP de l’action » avait donc un programme ambitieux, mais affiche un bilan mitigé.

Une COP22 pleine de promesses et d’ambitions qui présente un bilan en demi-teinte

La 22ème Conférences des Nations unies sur le climat s’était donné comme principal objectif de déterminer l’échéancier d’application des mesures prises dans le cadre fixé par l’Accord de Paris. Mais cet agenda a été bousculé par l’annonce de l’élection du climatosceptique Donald Trump, deux jours seulement après l’ouverture de la Conférence. A partir de ce moment-là, les acteurs étatiques ont souhaité à la fois avancer sur les négociations pour donner du sens au cadre posé par l’Accord de Paris et renforcer la cohésion des parties à l’échelle mondiale afin de faire barrage au nouveau président des Etats-Unis. Ces acteurs ont ainsi déployé beaucoup d’efforts pour rappeler la détermination de l’ensemble des Etats à suivre le cap défini à Paris. La proclamation de Marrakech[iii], adoptée par l’ensemble des participants et rendue public à la toute fin de la COP22, s’inscrit précisément dans ce cadre et montre l’énergie déployée par les entités étatiques pour ériger un front unique et soudé. Ainsi, la COP22 n’est parvenue à remplir sa mission initiale que de justesse : en fin de Conférence, les 197 délégations ont déclaré que le calendrier des négociations devra être finalisé en novembre 2018, lors de la COP24 qui sera organisée par la Pologne.

La COP22 a également permis de confirmer l’engagement très fort des coalitions d’action. Salaheddine Mezouar, président de la COP22, a ainsi souligné lors d’une interview accordée au journal Jeune Afrique[iv] « la créativité et la richesse des initiatives proposées par les acteurs non-étatiques, la jeunesse mais aussi les peuples autochtones qui cheminent toutes vers un modèle de société responsable ». De nombreuses initiatives ont été approfondies, comme par exemple l’Initiative Africaine pour les Energies Renouvelables (IAER)[v] qui vise l’installation d’une capacité énergétique renouvelable à grande échelle sur le continent africain d’ici 2020. Cette initiative avait été lancée lors de la COP21 et bénéficiera, grâce à la COP22, de la signature d’une convention de partenariat avec la banque africaine de développement.

 En revanche, aucune avancée notable n’a été réalisée au niveau de la question des contributions nationales et des financements. La COP22 a échoué à inciter les Etats à engager des actions additionnelles pour élever le niveau de leurs ambitions climatiques. De fait, l’ensemble des 189 contributions nationales annoncées ne permettront pas d’atteindre l’objectif inscrit dans l’Accord de Paris, qui est de limiter le réchauffement climatique à 2°C à horizon 2100. Mais c’est la question des financements qui reste le véritable parent pauvre de cette COP. L’enveloppe de 100 milliards de dollars par an qui avait été fixée en 2009 à Copenhague n’a pas évoluée. Les Etats n’ont pas trouvé de terrain d’entente sur les priorités à donner à l’atténuation ou à l’adaptation, ce qui avait déjà été un échec lors de la COP21[vi]. Indéniablement, les pays développés favorisent les mesures d’atténuation pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, au détriment des mesures d’adaptation qui permettraient de faire face aux conséquences directes des changements climatiques et d’adapter nos modes de vie aux nouvelles contraintes causées par les politiques d’atténuation.

La COP22 se termine ainsi sur un bilan mitigé, ce qui laisse présager que l'année 2017 sera cruciale pour résoudre les points d’achoppements sur les financements et renforcer l’ambition des contributions nationales.

L’Union Européenne : entre leadership de la transition énergétique et fragilité des engagements

Malgré un engagement affiché de l’ensemble des Etats pour accélérer la transition énergétique, la COP22 a permis de souligner que les mesures prises pour contenir le réchauffement climatique restent encore largement insuffisantes. L’Europe semble ainsi tiraillée entre une volonté déclarée de lutter contre le changement climatique et de l’autre, une difficulté à changer de modèle.

Dans la lignée de la COP22, l’Union Européenne a ainsi présenté mercredi 30 novembre 2016 des directives[vii] pour contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et avec l’ambition de faire « parvenir l’Europe au premier rang des énergies renouvelables ». Parmi ces propositions figurent notamment trois objectifs pour 2030 : 27% de renouvelables dans la consommation finale d’énergie, 30 % d’amélioration de l’efficacité énergétique par rapport aux niveaux de 1990 et 40% de réduction de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990. Mais ces objectifs se révèlent d’une part difficiles à imposer sans instaurer de contrainte et sans proposer de répartition par pays, et d’autre part trop peu contraignants par rapport aux objectifs qui sont déjà fixés[viii]. Ces directives ne permettraient donc pas de respecter l'Accord de Paris, car pour limiter le réchauffement climatique à deux degrés, cela demanderait une réduction des gaz à effet de serre de 55% d’ici 2030.

 

Par ailleurs, la Commission Européenne préconise également dans son nouveau règlement sur le marché intérieur de l’électricité, la mise en place d’un mécanisme de capacité ; c’est-à-dire que les centrales électriques seraient rémunérées non plus en fonction de ce qu’elles produisent mais en fonction de ce qu’elles seraient capables de produire. Ce mécanisme visant à sécuriser l’approvisionnement en électricité a déjà été instauré en France, et la première enchère a eu lieu jeudi 15 décembre 2016[ix]. Le communiqué de la Commission stipule ainsi : « les énergies renouvelables seront de plus en plus fondées sur le marché et il convient que les potentiels inexploités soient mis en valeur et que les investisseurs bénéficient de sécurité et de visibilité. Les nouvelles règles permettront aux producteurs d'électricité à partir de sources renouvelables de tirer une part croissante de leurs recettes d'opérations sur le marché ». Ce dispositif proposé devra être approuvé par le Conseil et le Parlement européens, mais il montre que les mesures prises ne sont pas à la hauteur des enjeux climatiques actuels. L’Union Européenne a fait des progrès importants dans le cadre de la transition énergétique, notamment en ce qui concerne la décarbonisation de la production d’électricité et de chaleur. Selon le rapport publié par IDDRI[x], les émissions de CO2 sont en nette diminution : l’intensité carbone du secteur électrique a reculé de 20,9% entre 2000 et 2014, soit 1,7 % en moyenne annuelle, mais ces résultats restent encore largement insuffisants pour atteindre les objectifs fixés.

L’Europe est donc dans une situation ambivalente : alors même qu’elle affiche une vraie volonté de prendre le leadership de la transition énergétique, les propositions manquent d’ambition et ne sont pas dans la lignée du cap fixé par l’Accord de Paris.

 

 

 

 

Le principal acquis des négociations climatiques de Marrakech a été la définition de l’année 2018 comme date butoir. En revanche, les négociateurs n’ont pas réussi à élever le niveau des contributions nationales et à s'entendre sur les transferts financiers des pays développés vers les pays en voie de développement. Les directives publiées par l’Union Européenne le 30 novembre 2016 soulignent bien toute la difficulté de la transition vers un nouveau modèle énergétique. Bien que l’Union Européenne ne puisse véritablement imposer des mesures contraignantes, car chaque État membre conserve son droit, en vertu de l’article 194[xi], de déterminer sa propre politique énergétique, il n’en reste pas moins que l’Europe a un rôle de guide. Mais alors même que la Commission affiche une réelle volonté, dans la continuité de la COP22, de prendre la place de leader mondial de la lutte contre le changement climatique, elle ne parvient pas à fixer un cap assez ambitieux pour ses Etats membres. 2017 s’annonce donc comme une année décisive pour la transition énergétique : des actions doivent être prises rapidement afin de garantir la réalisation des objectifs fixés par l’Accord de Paris.