La reconversion, parent pauvre des politiques d…
La détérioration soudaine de la conjoncture économique fait pression sur la rentabilité des banques qui pourraient être amenées à resserrer leurs conditions de financement.
Dès lors, les pouvoirs publics au niveau de l’UE et des Etats ont pris un certain nombre de mesures importantes dans l’objectif de soulager le bilan des banques et leur permettre de jouer de nouveau leur rôle dans le financement de l’économie et favoriser la relance.
C’est dans ce contexte que le Parlement Européen a adopté en juin un paquet bancaire qui prévoit un certain nombre d’assouplissements sur les règles relatives aux exigences en fonds propres et en liquidités. Entre autres, ce texte modifie le calendrier réglementaire en avançant l’application d’une disposition relative au traitement prudentiel de certains logiciels comptabilisés en tant qu’actifs incorporels.
Le traitement actuel de déduction de la valeur nette comptable des actifs logiciels du CET1 a été révisé en 2019 via l’amendement CRR2 pour les logiciels dont la valeur ne serait pas affectée de manière négative par la résolution, l'insolvabilité ou la liquidation de l'établissement. Cette disposition qui devait s’appliquer initialement 12 mois après la publication des Regulatory Technical Standards (RTS) de l’EBA, s’appliquera finalement dès leur date d’entrée en vigueur prévue vers la fin de l’année. Pour le moment, le projet de RTS proposé à la consultation publique prévoit une approche mixte entre un traitement en RWA et une déduction des fonds propres, qui s’appuie sur la définition d’un amortissement prudentiel.
L’éligibilité des logiciels en tant qu’actifs pouvant avoir de la valeur en situation de crise est un débat qui est sujet à controverse :
Le Capital Requirements Regulation (CRR), adopté en 2013, transpose les accords de Bâle en Europe. Il définit les règles de passage des capitaux propres comptables aux fonds propres prudentiels CET1, AT1, T2, ainsi que les règles de calcul des actifs pondérés par les risques.
Le ratio de solvabilité – en particulier le ratio Core Equity Tier 1 – est l’un des principaux indicateurs utilisés par le régulateur pour évaluer et contrôler la solvabilité des institutions bancaires. Défini comme le rapport entre les fonds propres prudentiels et le montant des actifs pondérés par leurs risques, les banques doivent répondre à un ratio minimum imposé par le régulateur. Le principe de base est donc que le montant de fonds propres requis dépend du risque lié aux actifs.
Ratio de solvabilité = Fonds propres prudentiels / Actifs pondérés par le risque (RWA)
En 2019, le Parlement Européen a adopté un amendement du CRR, appelé CRR2, dont la majorité des dispositions entre en application en 2021. Entre autres, il a adopté une mesure révisant le traitement prudentiel des logiciels comptabilisé en tant qu’actifs incorporels qui étaient alors déduits du numérateur du ratio.
Dans le cadre de cette révision, le traitement comptable qui en amont de celui prudentiel, est déterminant pour identifier les logiciels qui sont concernés par cette nouvelle disposition. En fonction de si un logiciel est acquis, loué ou développé en interne, il sera traité différemment en comptabilité et donc en prudentiel.
Dès lors que la banque a acquis un logiciel, ce logiciel sera comptabilisé dans les actifs de la banque. S’il a été acquis en même temps qu’une machine, et qu’il est indissociable de celle-ci (exemple : le système d’exploitation Microsoft Windows), il sera comptabilisé dans le bilan en immobilisation corporelle et ne sera donc pas concerné par cette révision.
Autrement, il sera comptabilisé en immobilisation incorporelle et pourra être éligible à cette révision s’il répond à certaines conditions.
Dans le cas des logiciels loués, il n’y a pas de transfert de propriété entre l’éditeur et la banque. Par conséquent, le coût lié au droit d’utilisation du logiciel est comptabilisé dans le compte de résultat. (Exemple : un abonnement Microsoft Office 365)
Ces logiciels ne répondent donc pas aux critères de définition d’une immobilisation incorporelle, et ne sont donc pas dans le scope de cette révision.
Dans le cas des logiciels développés en interne, on distingue en comptabilité la phase de recherche et celle de développement :
Parmi les logiciels comptabilisés en tant qu’actifs incorporels, le CRR2 allège les exigences en fonds propres pour ceux qui ne seraient pas « affectés de manière négative par la résolution, l'insolvabilité ou la liquidation de l'établissement ».
En ce qui concerne les investissements dont l’objectif est le maintien, l’amélioration ou la mise à niveau d’un actif logiciel déjà existant, ils doivent être traités comme des actifs distincts dès lors qu’ils répondent aux conditions d’éligibilité au bilan.
L’enjeu des RTS de l’EBA est de trouver un cadre prudentiel équilibré entre la valeur commerciale que peuvent avoir les logiciels éligibles et une marge de prudence pour prendre en compte leur valeur limitée en cas de crise.
L’approche envisagée par l’EBA dans sa consultation publique repose sur un traitement mixte comprenant un amortissement prudentiel qui sera probablement de 2 ans. Selon cette approche, seule la différence entre l’amortissement comptable et prudentiel serait déduite du CET1, la partie résiduelle serait traitée en RWA avec une pondération de 100%.
En outre, l’EBA a proposé à la consultation publique deux approches pour le début de l’amortissement prudentiel :
Approche A : L’amortissement prudentiel commence dès l’activation au bilan du logiciel. Cela permet de lisser les impacts positifs offerts par cette révision dans le cas des développements internes dont les investissements sont capitalisés au cours du développement du logiciel.
Approche B : L’amortissement prudentiel commence en même temps que celui comptable. Autrement dit, il commence dès que le logiciel est fonctionnel. Cependant dans le cas des développements internes, les investissements réalisés pendant la phase de développement sont déduits du CET1.
Le traitement prudentiel des logiciels produira un allégement du capital CET1 qui diminuera progressivement au fil de la période d’amortissement prudentiel. L’ampleur de l’allégement dépendra du taux annuel d’investissement dans les logiciels de chacune des institutions et ainsi favorisera la transition vers un secteur bancaire plus numérique.
L’EBA a réalisé une étude sur l’impact de cette révision sur un panel regroupant 64 banques européennes en prenant en compte un amortissement prudentiel de 2 ans.
En assouplissant le traitement prudentiel des logiciels, le législateur démontre sa volonté de permettre aux banques de rivaliser face aux Bigtechs et aux banques étrangères en matière d’innovation numérique. Les banques qui seront capables de repenser leur stratégie IT pourront bénéficier de ressources en capital supplémentaires leur offrant un avantage concurrentiel certain.
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