La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Fin 2018, Instagram a intégré un onglet shopping aux profils de ses utilisateurs, confirmant ainsi la grande tendance de l’année des réseaux sociaux : positionner leur plateforme sur des fonctionnalités e-commerce.
Si la dimension sociale du shopping a toujours existé (via les recommandations de proches, les conseils de vendeurs, etc.), c’est avec Internet qu’elle a pris tout son sens, donnant une toute autre ampleur aux recommandations et aux échanges qui peuvent exister en amont d’un achat.
Pour les marques, ce phénomène est difficile à exploiter, notamment car il s’agit d’accepter que la communication autour de la marque ne soit pas 100% maîtrisée, et qu’elle soit réalisée par des utilisateurs parfois professionnalisés (les influenceurs) et à forte audience. Cette tendance forte peut devenir un atout de taille et devenir une véritable stratégie d’acquisition en répondant à la recherche d'authenticité des consommateurs. Se positionner sur les plateformes et dans les cercles d’influence n’est, pour autant, pas si simple. Chaque canal répond à des règles bien différentes, est adapté à une cible de clients et évolue très rapidement. Les marques sont par conséquent parfois perdues dans leur utilisation.
Combler la défiance envers l’achat en ligne grâce aux interactions sociales
Que ce soit pour acheter des produits de commodité, des équipements ou des investissements à plus long terme, le processus de décision implique des critères plus ou moins conscients comme le prix, la qualité, l’origine, la marque, etc. C’est là que l’influence sociale joue un rôle important : le conseil d’un proche qui a déjà acheté un produit peut réduire la défiance vis-à-vis du nouveau produit. En ligne, cette défiance est largement accentuée, notamment car il est impossible d’essayer le produit, de visualiser sa taille réelle, etc. C’est sur la résolution de ce problème que Demooz s’est positionné en proposant à sa communauté de tester le produit de son choix chez un particulier qui le possède déjà. Cette proposition de valeur est particulièrement pertinente pour les achats technologiques et les équipements.
En complément, une grande partie de la recommandation sur internet se fait via des agrégateurs d’avis. Avis Vérifiés, le plus populaire est ainsi intégré dans de nombreux sites internet, et les marques Digital Native comme Tediber ou Big Moustache le mettent parfois très en avant sur leurs sites comme gage de confiance pour leurs clients. Pour les marques c’est un challenge intéressant car afficher ces contenus requiert une exigence à tous les niveaux (produits, expérience client…), sous peine d’afficher des notes dissuasives aux acheteurs.
Les retailers tentent également d’internaliser ces interactions sur leurs propres plateformes de e-commerce. Darty a ainsi utilisé la solution de Wibilong pour créer une communauté d’entraide entre clients ; pour chaque produit, les utilisateurs peuvent poser des questions précises aux personnes l’ayant déjà acheté. Et cela fonctionne, il y a en moyenne 5 réponses par questions. Amazon a également mis en place Amazon Vine, qui vient récompenser les utilisateurs qui donnent des avis plébiscités par les autres utilisateurs, en leur envoyant des produits gratuitement. Ce « club des testeurs » permet de fidéliser les meilleurs créateurs de contenu, tout en transformant son site e-commerce en lieu d’interactions sociales.
Les influenceurs : une voix efficace pour encourager la consommation
Plus récemment sont apparus les tiers de confiance que sont les blogueurs professionnels et autres influenceurs. Ils constituent un autre canal de recommandation que les marques peuvent utiliser. Ce canal a l’avantage d’être extrêmement ciblé et répond au besoin d’authenticité que la publicité traditionnelle n’arrive plus à feindre. L’idée est aussi ici de toucher des consommateurs qui ne regardent plus la télé et surfent sur internet avec des adblock (bloqueurs de publicités). 2018 a vu exploser l’utilisation d’influenceurs et micro-influenceurs, et les retours sur investissement sont impressionnants lorsque le canal est maitrisé. Les plateformes comme Hivency permettent aux marques d’identifier l’engagement des influenceurs auprès de leur communauté, de choisir les bons influenceurs en fonction de la cible de la marque, et ainsi de promouvoir un produit ou un service simplement.
Au-delà de ces influenceurs professionnels, les marques qui arrivent à générer de l’engagement auprès de leurs utilisateurs ont la chance de pouvoir utiliser la frange la plus fidèle et enthousiaste d’entre eux pour créer du contenu. Les UGC (User-Generated Content) peuvent légitimer la marque et rendre sa communication plus personnelle. Tediber encourage ainsi la prise de photos de leurs produits sur Instagram en insérant ces photos imprimées dans leur packaging. Ces partages sont même parfois encouragés contre des services gratuits, comme le check-in sur Facebook en échange du wifi gratuit dans certaines salles de sport. Le contenu généré par les clients eux-mêmes est extrêmement précieux et peut être utilisé de différentes façons, mais il faut en contrepartie accepter d’avoir moins de maîtrise sur le discours ou la qualité du contenu créé.
Les techniques d’acquisition de clients repensées avec Internet
La communication traditionnelle repose sur quelques grands canaux, souvent coûteux : les médias tels que la presse ou la télé, l’affichage, le tract papier, etc. S’ils fonctionnent encore aujourd’hui, ils sont cependant mis à mal par les canaux digitaux, qui peuvent être plus performants financièrement mais également plus pertinents en termes d’audience. Les usages numériques évoluant rapidement, ils fracturent le public de masse par générations et groupes sociaux.
Internet a déjà permis l’utilisation de techniques d’acquisition de plus en plus variées. Cela peut être de nouveaux usages rendus possibles par la digitalisation, comme le système de parrainage qu’ont utilisés Airbnb puis Uber pour accroître leur audience. Ce système vise à proposer un bénéfice aux deux utilisateurs si l’un recrute l’autre. Toujours très populaire en FoodTech ou en banque, ce système de bouche-à-oreille monétisé implique souvent des coûts d’acquisition élevés. Par conséquent, la néobanque Revolut a innové sur son système de parrainage en proposant l’accès à une fonctionnalité très demandée (l’achat de cryptomonnaie) contre trois parrainages. De la même manière, l’automatisation de campagnes d’emailing via des outils comme Mailchimp (voir ci-dessous les canaux d’acquisition tendances par génération depuis 2010) est une pratique qui a très bien fonctionné au début des années 2000. Le lieu d’échange autour du shopping a cependant bien évolué en ligne évoluant des blogs Wordpress informels aux réseaux sociaux plus structurés.
Une jeune génération qui change souvent d’usage
Snapchat, Instagram ou YouTube sont ainsi très populaires chez les moins de 20 ans car la génération Z est beaucoup plus sensible aux contenus visuels ainsi qu’à l’aspect communautaire et interactif de ces réseaux. Surtout, leur fidélité à ces plateformes est relativement faible, les usages changeant au gré des mises à jour ou des tendances. Snapchat a ainsi perdu de nombreux utilisateurs et des célébrités très suivies ont admis ne plus l’utiliser. Pour les annonceurs, l’efficacité de ces réseaux peut donc être éphémère, et le besoin de maîtriser tous les nouveaux canaux s’avère nécessaire. L’autre élément à prendre en compte est la concurrence entre marques et annonceurs lorsqu’une plateforme sociale devient très populaire, ce qui rend le coût d’acquisition plus élevés, que ce soit en passant par des influenceurs ou de la publicité. C’est pourquoi il est nécessaire d’être présent rapidement sur le prochain réseau social.
Cependant, tous les réseaux sociaux ne sont pas adaptés pour pousser à l’achat, et la raison pour laquelle autant d’utilisateurs se retrouvent sur une même plateforme est souvent très éloignée du shopping. Ainsi, en 2018, les nouveaux réseaux sociaux sont d’une part TikTok, dédié aux vidéos éphémères de quinze secondes avec une composante musique importante qui rassemble 600 millions d’utilisateurs très jeunes. D’autre part, Fortnite, un jeu vidéo gratuit où les adolescents passent un temps conséquent et qui est devenu le nouveau lieu social où retrouver ses amis, avec plus de 250 millions d’utilisateurs. Difficile aujourd’hui pour les annonceurs de se faire de la place sur ses plateformes qui se monétisent autrement.
Les réseaux sociaux à la conquêtes des acheteurs
Pourtant, les réseaux sociaux plus classiques ont bien identifié le potentiel de revenus issus du shopping, et 2018 est l’année où ils ont essayé de capitaliser sur les interactions sociales de leurs plateformes pour internaliser l’acte d’achat dans leurs applications. Si Tweeter avait retiré ses fonctionnalités shopping car les utilisateurs les ignoraient, le partenariat entre Snapchat et Amazon de reconnaissance de produits ainsi que les ajouts de données produits aux images présentes sur Instagram et Pinterest montrent l’intérêt des réseaux sociaux pour le social shopping. En 2017, 45% des Français de 18-35 ans auraient aimé pouvoir acheter directement sur les réseaux sociaux (Shopper Observer Havas 2017), mais ces achats ne représentaient que 2% des revenus de l’e-commerce.
C’est donc à travers des réseaux sociaux de niche que se développe véritablement le social shopping, en répondant à des usages plus précis. Surfant sur la tendance des shoppers en ligne qui demandent l’avis de leur entourage et souhaitent également être au fait des nouvelles tendances, de nouvelles applications comme Cleep proposent une expérience sociale dédiée au shopping. Les fonctionnalités poussant au social shopping sont la création de listes publiques ouvertes au like, la création de listes collaboratives pour se mettre d’accord en amont sur un achat commun (le nouveau canapé pour la maison, la tenue des demoiselles d’honneur, la liste de Noël du petit neveu…). Il est beaucoup plus intéressant pour les marques d’être présents sur ce type de plateformes que les utilisateurs utilisent spécifiquement dans un objectif de shopping, à la différence d’un réseau comme Instagram où l’expérience s’arrête au stade de l’inspiration.
La principale difficulté réside dans la vitesse d’évolution de toutes ces pratiques sociales. Pour les marques et les retailers, il semble que dès que leur statégie e-commerce est perfectionnée, un nouveau canal apparait et doit être pris en compte, sans garantie de l’efficacité. Lorsque Gemmyo, la startup française de joaillerie a réussi sa campagne publicitaire dans le métro en 2013, beaucoup de startups lui ont emboîté le pas. Sauf que la campagne a notamment fonctionné parce qu’ils étaient les premiers : les prix d’affichage sont moins attractifs aujourd’hui, et ce canal est devenu plus banal pour une startup. C’est d’ailleurs le seul canal traditionnel qui a crû en 2018 (+2,1% selon TheHustle), montrant un regain de ce média chez les marques. De la même manière en ligne, communiquer via des macro-influenceurs s’est démocratisé ; ils ont donc plus de propositions de partenariats et peuvent faire monter les prix. Ce canal n’atteint donc plus les mêmes ROI, d’autant plus que les utilisateurs ont tendance à être moins séduits par l’apparition de contenus sponsorisés de la part d’influenceurs devenus de vraies égéries de marques. L’utilisation d’influenceurs plus authentiques, aux communautés plus réduites mais plus engagées peut alors être une solution. Cette stratégie est cependant plus consommatrice de temps pour la marque.
Dès lors, comment les marques peuvent-elles être présentes au bon moment, sur les bons canaux ? Côté startup, l’agilité prime en faisant d’une part de la veille régulière et d’autre part, en testant les différents canaux pour apprendre et mesurer. Il est donc nécessaire d’être rapide dans la production de contenus à tester sur un nouveau canal, mais également d’y consacrer un budget réduit lors de la phase de test. Dans un grand groupe, la préparation d’une campagne de communication peut prendre plusieurs mois du fait d’une organisation complexe, de la volonté de gérer du multicanal et de l’intégration de viralité sociale, et complètement louper son objectif en n’ayant pas prévu une mise à jour de Snapchat.
Pauline Laigneau, fondatrice de Gemmyo, expliquait récemment sur Marketing Mania que sa marque misait sur les contenus longs, en testant le podcast comme canal d’interaction plus informel. La popularité de ce média est en pleine croissance, et sa monétisation débute à peine : Anchor lance ainsi une marketplace de partenariat pour associer marques et podcasters. Gemmyo teste également IGTV, l’application vidéo d’Instagram. Les études montrent que la génération Z a horreur des publicités sur mobile, mais raffolent de contenus très visuels ; la vidéo ou l’affichage sont donc de bons paris pour préparer la fidélisation de cette génération.
Les pratiques sociales sur internet sont ainsi très complexes à exploiter pour les marques. D’un côté, il n’y a jamais eu autant d’opportunités pour attirer facilement des acheteurs via de la viralité, de plateformes aux audiences très qualifiées ou des influenceurs qui peuvent facilement parler de produits. Cependant cette diversité des canaux donne le sentiment aux marques de courir après leurs consommateurs qui changent régulièrement de plateformes sociales, avec la nécessité de devoir s’adapter à chaque fois à un nouveau média ou un nouveau format. La composante sociale du shopping grandit sur internet, mais les marques doivent se travestir pour pouvoir y participer ; par les voix des influenceuses, par du contenu d’utilisateur ou en offrant un bénéfice concret. L’interaction sociale – avec des amis ou des utilisateurs - est donc rassurante car la confiance est de mise. Les retailers ont ainsi plusieurs défis pour devenir « social » : regagner la confiance des consommateurs, et les suivre dans leurs nouvelles pratiques sociales.