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Voiture à hydrogène, une nouvelle menace au développement de la voiture électrique ?

Le mythe de la voiture propre ne rejetant que de l'eau ne date pas d'hier - la technologie a connu ses débuts avec les premiers moteurs au gaz de houille du XIXème siècle - mais l'arrivée des véhicules à hydrogène dans le paysage urbain semble plus proche que jamais.

La voiture électrique, un marché au ralenti ?

Initié en 2003, le marché mondial des véhicules électriques représentait 10 ans plus tard une flotte de 380 000 véhicules, particuliers et utilitaires confondus(1). Malgré une belle volonté de développement, la France n'a écoulé en 2013 que 8 779 véhicules électriques, soit 0,49%(2) de part de marché des véhicules particuliers, dont 658 Bluecar, principalement dans le cadre du programme Autolib' à Paris. Au-delà du coût à l'achat souvent supérieur à celui d'une voiture à essence de taille comparable, les réels freins au développement commercial sont d'ordre technique. En effet, l'autonomie des véhicules dépasse difficilement les 100 à 200 km et le temps de recharge de la batterie peut atteindre plusieurs heures. Les constructeurs automobiles ayant fait le choix de l'hydrogène comptent donc s'appuyer sur les points faibles du véhicule tout-électrique pour mettre en avant les atouts de leur technologie.

Pourquoi l'Hydrogène (re)vient sur le devant de la scène

Le dihydrogène (H2), communément appelé « hydrogène », est la molécule la plus énergétique : 120 MJ/ kg, soit 2,2 fois le gaz naturel(3). Ni polluant, ni toxique, sa combustion dans l'air ne génère que de l'eau. Les process chimiques permettant sa production sont variés puisqu'il peut s'obtenir à partir des énergies fossiles, nucléaires ou renouvelables. Outre les difficultés techniques liées à son stockage et sa distribution, le principal frein au développement de la filière reste d'ordre économique. Cependant, les avancées scientifiques permettent aujourd'hui de le produire par vaporeformage (95% de la production mondiale) pour un coût attractif de l'ordre de 2€/kg en sortie d'une unité de production industrielle(4) et de 6€/kg pour une production décentralisée(5) plus proche du consommateur. Ces coûts sont donc désormais compétitifs par rapport à un véhicule à essence, un kilogramme d'hydrogène permettant de parcourir environ 100 kilomètres avec un véhicule de tourisme.

 

Des projets pilotes à la commercialisation de masse ?

Depuis les années 90 et la présentation d'un concept de moteur à hydrogène par Mazda, les constructeurs automobiles d'une part et les grands leaders mondiaux des secteurs énergétiques et chimiques (Air Liquide, Total, Linde et Air Products) d'autre part, multiplient les projets pilotes afin d'étudier le véhicule à hydrogène sous différents angles.

La performance et l'autonomie des véhicules a été étudiée pour les courses automobiles : GreenGt, une PME française, a construit en 2012 la première voiture de course propulsée par 2 piles à combustible avec pour ambition, à terme, de participer aux 24 heures du Mans. Le marché des véhicules spéciaux est également une cible intéressante, car moins contrainte par des facteurs de poids : on compte aujourd'hui environ 5 200 chariots-élévateurs à hydrogène aux États-Unis. En France, un partenariat entre Air Liquide et Ikea Lyon vise à en mettre prochainement une vingtaine en service. Enfin, la compatibilité avec les attentes des consommateurs a été testée, notamment par Honda, qui propose la FCX Clarity à la location dans certains pays. Par exemple aux États-Unis où, depuis 2008 et pour 600$/mois (assurance et carburant inclus), quelques dizaines de californiens peuvent s'essayer au véhicule hydrogène.

Le 25 juin dernier, Toyota a annoncé la commercialisation au Japon de sa première berline alimentée en hydrogène d'ici avril 2015. Avec un prix avoisinant les 7 millions de yen HT (environ 50 000 €), ce véhicule qui doit avoir une autonomie de plus de 700 km et un temps de remplissage des deux réservoirs d'environ 3 minutes, pourrait déjà convaincre certains consommateurs. D'autres grands constructeurs tels Daimler et Opel en Allemagne, Général Motors et Ford aux États-Unis ou encore Hyundai et Kia en Corée devraient également entrer dans la course d'ici 2015-2017, tandis que Volkswagen ou Nissan semblent quant à eux attendre le décollage du marché prévu vers 2020.

Développement des stations de recharge : comment l'Allemagne fait le pari de l'hydrogène

A l'inverse des voitures électriques qui, pour certaines, peuvent être rechargées sans équipement particulier, la massification des voitures à hydrogène ne peut être spontanée et nécessite donc le déploiement préalable d'une infrastructure dédiée. Or, à l'heure actuelle, on compte moins de 200 stations de recharge à hydrogène à travers le monde. Les principaux freins à leur construction sont d'ordre réglementaire et financier : le coût unitaire peut dépasser le million d'euros, en fonction de la capacité de distribution. Plusieurs projets de roadmap pour le déploiement d'infrastructures de recharge sont actuellement en cours en Europe, comme l'illustre le projet européen HIT (Hydrogen Infrastructure for Transport) pour le développement d'une autoroute européenne de l'hydrogène. Ce projet est décliné à l'échelle de certains territoires nationaux, notamment l'Allemagne, la France, et le Royaume-Uni, par des consortiums de partenaires académiques, institutionnels et industriels.

L'Allemagne, qui a su percevoir relativement tôt le potentiel environnemental et économique de cette énergie, a lancé en 2006 le projet NIP (National Innovative Program). Doté d'un budget réparti entre pouvoirs publics et investissements privés de 1,4 milliard d'euros jusqu'en 2016, il regroupe de grands industriels tels que Daimler, Linde, Shell, Total, Air Liquide ou encore Air Products. L'objectif est de proposer une rampe de lancement commerciale au marché de l'hydrogène, notamment par le financement et le développement d'un premier maillage du réseau de stations de recharge, afin d'attirer par la suite des investisseurs externes au programme.
Avec 26 stations actives en 2014, l'Allemagne se positionne en précurseur européen du futur marché des véhicules à hydrogène et rejoint ainsi le Japon, la Corée du Sud et les États-Unis tournés également vers cette énergie.

En France, une véritable prise de conscience politique du potentiel de l'hydrogène a lieu depuis 2013 pour appuyer la dynamique industrielle et faire émerger la filière

En 2013, le gouvernement a lancé 34 plans visant à repenser la France industrielle de demain. Parmi ces 34 chantiers, le Plan « Autonomie et puissance des batteries » piloté par Florence Lambert du CEA Liten, intègre l'hydrogène avec pour objectif principal de « structurer une filière énergétique complète du vecteur hydrogène ». Parallèlement, un rapport de l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST) a été adopté au Sénat fin 2013. Il fait le constat des avancées technologiques de la filière et souligne l'importance d'un engagement fort du gouvernement pour fédérer l'ensemble des acteurs de cette nouvelle filière. Une partie du document traite spécifiquement de la mobilité hydrogène. Des réserves ont cependant été émises par France Stratégie, qui a appelé fin août 2014 à privilégier le financement de la R&D sur l'électrolyse et sur les piles à combustible, plutôt que celui sur les expérimentations à l'aval de la filière, tant que la production décarbonée de l'hydrogène ne sera pas compétitive.

Ainsi, certaines problématiques demeurent : disparité de vitesse de déploiement des infrastructures par pays, optimisation du bilan carbone global de la filière, prix élevé des véhicules(6) et également, interrogations quant à l'acceptation de cette technologie par les consommateurs. Cependant, les derniers verrous au développement de ce carburant sont bien en passe d'être levés. Les véhicules à hydrogène, de facto particulièrement attractifs par leurs avantages techniques intrinsèques, pourraient donc vraisemblablement être prochainement aperçus dans nos rues. 

 

Cet article est extrait du magazine Sia Partners "Réinventer l'énergie, l'innovation au service des nouveaux usages


Notes et Sources : 

(1) Jeff Cobb (16 janvier 2014), « Top 6 Plug-In Vehicle Adopting Countries » - HybridCars.com.
(2) Donnée ADEME.
(3) Donnée Association Française de l'Hydrogène.
(4) Livret Hydrogène 2013 du CEA.
(5) Rapport parlementaire de l'OPCEST « l'hydrogène : vecteur de la transition énergétique ? ».
(6) Toyota prévoit un rapprochement tarifaire de la voiture à hydrogène avec une voiture électrique classique à horizon 2030.