La reconversion, parent pauvre des politiques d…
La France est sur la ligne de départ pour structurer une filière domestique de production d'e-fuels nécessaire pour décarboner les transports maritime et aérien, dans un monde comptant 11 projets de synthèse d'e-kérosène et d'e-méthanol de tailles supérieures à 200 ktep / an.
Des projets de production d’e-fuels émergent dans le monde entier, rendant tangible le développement à échelle industrielle de cette nouvelle voie de production de carburants décarbonés et apportant une réponse aux enjeux de transition énergétique de secteurs difficilement éléctrifiables, dans l’industrie et les mobilités lourdes.
La progression de cette filière sera notamment poussée en Europe par une réglementation imposant une part croissante d’e-fuels dans le mix énergétique de certains secteurs, entre 2030 et 2050.
La France ambitionne de devenir pionnière dans le développement des projets de carburants et molécules synthétiques. Dans ce contexte, le Bureau français des e-fuels, lancé en juillet 2023, a vocation à réunir experts, professeurs, chercheurs, universitaires, industriels, techniciens et financiers, pour promouvoir le rôle des e-fuels dans les secteurs les plus difficiles à décarboner dont les transports aérien et maritime. Il défend l’émergence d’une filière française.
Le Bureau français des e-fuels s’est fortement étoffé ces derniers mois en accueillant notamment Bruno James d’Airbus, Farid Trad de CMA-CGM, Florence Delprat-Jannaud de l’IFPen, Jean-Philippe Buisson d’EDF, Bernard Hoffait de TotalEnergies, Hind Lammari de Téréga Solutions.
En février 2024, il compte près d’une centaine de membres. Charlotte de Lorgeril Partner Energy, Utilities & Environment chez Sia Partners et Cédric de Saint-Jouan, Président-fondateur de Vol-V, ont été nommés comme porte-paroles du Bureau.
La première édition de l’Observatoire français des e-fuels (sia-partners.com) réalisé par Sia Partners en en juillet 2023 pour le compte du Bureau français des e-fuels propose une évaluation du potentiel de développement d’une filière française d’e-fuels sur la base des initiatives déjà engagées. Cette publication réalise une estimation des besoins nécessaires au déploiement de cette nouvelle chaîne de valeur. Elle concluait notamment que la mise en œuvre des projets annoncés à date permettrait d’éviter les émissions de 1,7 MtCO2, tout en créant 3 000 emplois directs et indirects et en réduisant la balance commerciale de 506 M€. La réalisation du potentiel alors estimé impliquerait la mobilisation de 14 TWh d’électricité décarboné.
L’Observatoire international des e-fuels vient compléter ce travail en mettant en perspective ses conclusions au contexte international, tout en proposant une comparaison de la France à d’autres pays.
Il offre ainsi un panorama du développement de la filière des e-fuels dans le monde, ainsi que des focus sur le contexte et les enjeux industriels pour certains des pays les plus matures en Europe et en Amérique du Nord : Danemark, Suède, Espagne, Canada et Etats-Unis.
Pour Charlotte de Lorgeril « Le 1er Observatoire français des e-fuels paru en juillet 2023 a souhaité donner des clés pour comprendre les enjeux spécifiques à la France pour le développement de nouvelles chaînes de valeur nationales. Cet exercice a suscité de nombreuses réactions de la part d’acteurs de l’écosystème français, témoignant des interrogations pour ces solutions encore émergentes. Ce nouvel Observatoire international vise à donner les clés de compréhension des enjeux de coopération, de complémentarités, mais également de concurrence entre les pays les plus matures sur ces sujets. L’Observatoire international des e-fuels démontre une forte dynamique mondiale, dans laquelle la France est fortement ancrée. La France possède des atouts pour se positionner comme pays pionnier. »
La dynamique mondiale des filières e-fuels apparait exceptionnelle : plus de 500 projets de production d’e-fuels sont recensés dans le monde par l’Agence Internationale de l’Energie, sur l’ensemble des continents, de tailles très diverses.
L’Observatoire international des e-fuels propose une analyse détaillée des 77 projets de grande envergure mondiale, d’une capacité équivalente ou supérieure à 200 000 tonnes équivalents pétrole (tep) par an, soit pour chacun au moins l’équivalent énergétique de +1 300 000 trajets individuels Paris – New York.
Ces grands projets se situent principalement dans des zones dotées d’un fort potentiel de production d’électricité renouvelable à bas coûts, ou avec peu de problématiques de fonciers et d’acceptabilité locale de grands projets industriels, notamment au Chili, en Afrique du Nord, au Moyen Orient, aux Etats-Unis, au Canada et en Australie.
85% des projets de très grande envergure concernent la production d’e-ammoniac, considéré à l’heure actuelle comme un moyen de transporter l’hydrogène, et dont le principal marché est la production d’engrais azoté. Ces projets visent pour la plupart l’exportation. Seuls 19 d’entre eux se situent dans des grands pays consommateurs, en Amérique du Nord, Europe et Australie.
Les 15% de projets restant visent à produire des molécules d’e-méthanol ou d’e-kérosène, qui sont utilisées pour la décarbonation des industries et comme carburant maritime et aérien. Ces projets, contrairement aux projets d’e-ammoniac, nécessitent d’importantes quantités de carbone, dont les sources concentrées et qualifiées sont restreintes. Leur localisation est donc plus contrainte. Ils se situent pour la plupart dans les futures grandes zones consommatrices, en Europe et en Amérique du Nord.
Au-delà de ces projets de très grande ampleur, des centaines de projets de dimensions plus restreintes (10 à 150 ktep) sont localisés partout dans le monde et particulièrement en Europe et en Amérique du Nord.
Le volume de production des projets annoncés en France se monte à plus de 630 ktep, dont près de 400 ktep visant à produire des carburants d’aviation. Dans ce domaine, la France fait figure de pionnière par rapport aux autres pays européens étudiés en détail par l’Observatoire international des e-fuels :
La France dispose de plusieurs atouts pour se positionner : une forte quantité d’électricité nucléaire bas-carbone disponible tout au long de l’année en base, des plateformes industrielles et portuaires avec leurs écosystèmes d’ingénierie, d’une présence forte dans les secteurs de l’aéronautique et du maritime et d’une disponibilité de CO2 biogénique pour répondre aux besoins de court terme de la filière.
Elle accueille également des acteurs de premier plan sur toute la chaîne de valeur : des clients finaux de ces molécules, des leaders mondiaux de l’énergie, des industriels, dont l’IFPen, Air Liquide ou Technip Energies, des développeurs de technologies et des financiers, banques et fonds d’infrastructure.
Le Bureau français des e-fuels pense que le rôle de l’Etat est fondamental et tourne principalement autour de 2 axes liés à l’approvisionnement électrique :
L’accompagnement de l’Etat doit se faire également par la simplification des procédures administratives pour l’obtention des autorisations. Enfin, le Bureau français des e-fuels plaide pour appuyer l’industrialisation des technologies existantes, et préparer le plus long-terme par des innovations prometteuses comme l’électrolyse haute-température.